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UNE ÉCOLE VIRTUELLE POUR LES ÉLÈVES VULNÉRABLES

Les jeunes de la région qui ont une vulnérabilité à la COVID-19 rassemblés dans un service d’enseignement à distance

GUILLAUME ROY JOURNALISTE DE L’INITIATIVE DE JOURNALISME LOCAL groy@lequotidien.com

Pour éviter la contamination d’élèves ou de parents à la santé fragile, des élèves québécois ont été exemptés de l’école en présentiel, en cette année pandémique, étant plutôt redirigés vers une école virtuelle. Au Saguenay-lac-saintjean, les quatre centres de services scolaires de la région ont uni leurs efforts pour enseigner à 92 élèves de la maternelle au 5e secondaire.

Étant donné la santé précaire d’un de ses proches, Laurie-anne Deschênes, une étudiante en secondaire 4, a été dirigée vers le service régional d’enseignement à distance, ou autrement dit, dans une école virtuelle, cette année.

« Au début, je ne savais pas dans quoi je m’embarquais et ça me faisait un peu peur, dit-elle. Rapidement, je me suis rendu compte que c’était très positif pour moi, parce que l’école et l’environnement scolaire m’amenaient trop de stress. Cette nouvelle façon d’apprendre m’a enlevé un gros poids. Ça m’a permis de reprendre confiance en moi et mes notes ont même augmenté. »

Rencontrer ses amis en personne lui manque, mais la santé de sa famille prime, et elle estime être en mesure de compenser en communiquant avec eux sur différentes plateformes.

Chaque jour, elle doit suivre de trois à cinq heures de cours en ligne, ce qui l’a forcée à développer une belle autonomie, dit-elle.

Apprendre en ligne peut paraître impersonnel, mais étant donné que les groupes sont plus petits qu’à l’école, avec des classes d’un à 18 élèves, l’enseignement personnalisé est beaucoup plus facile.

En août 2020, le ministère de l’éducation a demandé aux centres de services scolaires du Québec de mettre sur pied un service régional d’enseignement à distance, afin d’enseigner aux élèves exemptés des classes pour une vulnérabilité à la COVID-19.

Au Saguenay-lac-saint-jean, les quatre centres de services scolaires de la région (du Pays-des-bleuets, du Lac-saint-jean, De La Jonquière, des Rives-du-saguenay) ont décidé de regrouper leurs efforts, afin de générer des synergies, pour offrir un service efficace partout sur le territoire.

« De 17 élèves en septembre, nous sommes passés à 92 en janvier, du préscolaire à la 5e secondaire, avec un volet adaptation scolaire ajoutée au secondaire, explique Ginette Lambert, qui a été nommée directrice de l’école virtuelle. Le nombre vient de diminuer à 80 à la fin mars, avec le retour en classe de quelques jeunes au primaire. » Les élèves devaient avoir un billet du médecin pour recevoir l’enseignement à distance.

Avec une équipe qui compte une trentaine de professionnels, toutes les disciplines au cursus de l’élève sont enseignées, incluant les arts et l’éducation physique.

De ce nombre, certains sont exemptés pour des raisons de santé, certains sont retraités, d’autres sont au baccalauréat en enseignement, et plusieurs y travaillent à temps partiel, enseignant aussi en classe. En plus des nombreux enseignants, l’équipe compte sur plusieurs conseillers pédagogiques et des orthopédagogues provenant des quatre centres de services scolaires de la région.

UNE ADAPTATION POUR LES PROFS AUSSI

Marianne Guimond, une étudiante de 3e année au baccalauréat en enseignement, s’est jointe à l’équipe de l’école virtuelle, en transformant un de ses stages en emploi. « Ça m’a permis de sortir de ma zone de confort en travaillant davantage avec les technologies », explique l’enseignante de mathématique en secondaire 2 et 3.

Même s’il existe plusieurs applications et autres outils en ligne pour apprendre les mathématiques, ce ne sont pas toutes les classes qui ont accès à des tablettes ou à des ordinateurs, dit-elle. Avec l’école virtuelle, cet enjeu était réglé d’emblée. Grâce à un groupe de professeurs de mathématiques sur les réseaux sociaux, elle a découvert plusieurs outils ludiques qui permettent d’apprendre autrement.

Elle utilise par exemple Desmos, une plateforme où l’on peut créer des activités, puis suivre la démarche mathématique du jeune en temps réel, que ce soit pour faire des exercices ou des examens. « Si je vois qu’un étudiant passe 10 minutes à la première question, je peux alors lui venir en aide », dit-elle. Une autre plateforme dénommée Genially fonctionne un peu comme un jeu d’évasion, ce qui permet de faire de la révision en s’amusant.

Marianne Guimond estime que la formation en enseignement ne l’avait pas bien préparée à cette réalité. « Heureusement, j’ai été encadrée et suivie par Étienne Perron, un conseiller pédagogique qui m’a appris plein de choses vraiment cool pour les élèves », dit-elle, ajoutant qu’elle avait aussi le soutien d’une orthopédagogue pour ses élèves.

Étant donné la capacité d’attention réduite en ligne, les professeurs doivent aussi adapter leur façon d’enseigner. « Il faut varier les activités », remarque Nancy Simard, qui est enseignante pour l’école virtuelle, avec les plus petits, en maternelle et en première année. Même à distance, il est possible de faire bouger les jeunes, de faire des rallyes, en leur demandant de trouver des choses dans la maison, ou encore de faire de l’observation de la nature, soutient cette dernière.

« Créer un lien était le principal défi, parce que c’est la clé d’un enseignement réussi, dit-elle. À ma grande surprise, l’enseignement en ligne a été une belle expérience humaine ». L’enseignement personnalisé y était pour quelque chose, car cette dernière enseignait à un ou deux élèves à la fois. « Les jeunes en difficulté ont fait d’énormes progrès parce qu’on pouvait les accompagner de près », dit-elle.

UNE ALTERNATIVE PERTINENTE

La directrice, Ginette Lambert est fière du travail accompli par son équipe. « De belles réussites se dessinent, et il va falloir réfléchir à la pertinence des écoles virtuelles, car elles répondent à un besoin pour les élèves vulnérables, en sports-études ou autres », dit-elle.

Laurie-anne Deschênes aurait aimé avoir accès à ce service il y a deux ans, lorsqu’elle a dû être hospitalisée sur une longue période, la forçant à doubler son secondaire 3.

« Ça serait une bonne solution pour les enfants malades, ou pour les élèves qui font de l’angoisse à l’école, comme moi », soutient l’étudiante qui choisirait ce modèle pour terminer son secondaire si on lui en offrait l’opportunité.

Bien sûr, rien n’est parfait et l’école virtuelle ne fait pas de miracles. « Il y aura aussi des échecs, mais l’équipe a fait un travail incroyable, surtout que l’on comptait deux fois plus d’élèves en difficulté que dans une école standard, soit 43 % », souligne Ginette Lambert.

Les deux enseignantes interviewées ont aussi grandement apprécié l’expérience, qui permet de faire les choses différemment.

Pour l’instant, il n’y a aucune indication que les écoles virtuelles seront de retour l’an prochain. Ginette Lambert déplore aussi le fait qu’il n’y a pas eu d’échange, à travers un réseau québécois des services à distance, pour partager les meilleures pratiques à l’échelle québécoise.

Peu importe ce qui arrivera, cette dernière croit fermement que le service est pertinent, souple et efficace et qu’il permet de répondre à un besoin en offrant une alternative intéressante.

« Au même titre que le télétravail, il faudra réfléchir sur la suite à donner à ce modèle d’école », conclut-elle. Reste à voir comment le ministère de l’éducation fera évoluer ce service mis sur pied en pleine pandémie.

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