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LA «TÉLÉJUSTICE» LÀ POUR RESTER

ISABELLE MATHIEU imathieu@lesoleil.com

La justice virtuelle par visioconférence, bouée de sauvetage depuis le début de la pandémie, est là pour rester. Les accusés détenus ne seront jamais de retour massivement dans les salles d’audience. Pour le meilleur ou pour le pire? Ou les deux?

Le Québec n’ira probablement jamais aussi loin que le Royaumeuni qui, bien avant l’urgence sanitaire, a cessé d’amener les accusés détenus dans les palais de justice dans le cadre de la modernisation de son système judiciaire.

Mais il est de plus en plus clair que le virtuel restera pour une large partie des procédures. En fait, pour toutes celles dites plus « administratives », qui se déroulent avant le procès.

Dans la justice criminelle « prépandémie », les accusés en détention étaient de manière très générale amenés au palais de justice pour toutes leurs procédures judiciaires. C’est d’ailleurs ce que prévoit le Code criminel.

La visioconférence était réservée aux comparutions de la fin de semaine et aux cas plus particuliers, comme des accusés en établissement psychiatrique. Le ministère de la Sécurité publique avait commencé à doter certaines prisons de visioparloirs, reliés à quelques palais de justice.

Depuis le mois de mars 2020, les accusés détenus durant les procédures sont présents à la cour par le truchement de la caméra.

Ils ne sont amenés que pour leur procès et, généralement, pour l’enquête préliminaire. Et encore, pas systématiquement.

Pour la comparution, l’enquête sous remise en liberté, la divulgation de la preuve, l’orientation et souvent les débats sur la peine, ils suivront l’audience à l’écran, assis dans un visioparloir de la prison où ils se trouvent.

La juge en chef adjointe Chantale Pelletier travaille fort depuis un an, avec ses collègues et le ministère de la Justice, pour que l’immense bateau qu’est la chambre criminelle de la Cour du Québec reste bien à flots dans une crise inédite, en grande partie, grâce à la technologie.

Les défauts de la technologie sont bien connus. L’image n’est pas parfaite, le son coupe parfois, le décorum en prend pour son rhume de temps en temps.

Reste que l’expérience est suffisamment positive, dit la juge Pelletier en entrevue au Soleil, pour qu’on puisse déjà assumer que plusieurs procédures à distance vont rester après la fin des mesures sanitaires. « Il y a encore place à l’amélioration, mais lorsqu’il n’y a pas de pépin technologique, on gagne du temps », estime Mme Pelletier.

Maintenant que les différents postes de police se sont équipés pour faire les comparutions par caméra, la juge voit difficilement pourquoi on amènerait les détenus au palais de justice, le temps qu’ils comparaissent, pour ensuite les envoyer à la prison. Aussi bien faire du point A au point B directement.

La juge en chef adjointe ne souhaite pas de grandes règles générales qui viendraient trancher entre virtuel ou « présentiel », mais plutôt une évaluation au cas par cas, pour chaque accusé. « Les avocats auront un rôle à jouer pour expliquer l’importance que leur client soit là », souligne-t-elle.

Les enquêtes préliminaires ou les procès avec des accusés et des témoins à distance ne deviendront jamais fréquents pour au moins deux raisons, croit la juge Pelletier.

Lorsque des plaignants, des accusés ou n’importe quel témoin, surtout civil, viennent donner leur version au tribunal, la visioconférence peut engendrer des risques. « Quand une victime témoigne à distance, qui peut être avec elle, qui peut l’influencer hors du champ de la caméra ? », questionne la juge Pelletier.

Et analyser la crédibilité d’un témoin devient très ardu, parfois même quasi-impossible, à travers un écran, estime-t-elle.

Quelles que soient les possibilités technologiques, l’humain doit rester au coeur de l’activité judiciaire, croit la juge en chef adjointe. « Sinon, on perd notre mission », dit-elle.

MOINS DE TRANSPORT

Le ministère de la Sécurité publique du Québec (MSP), « opérateur » du transport des détenus pour le système judiciaire, s’attend à ce que le nombre de transports pour comparution augmente à l’issue de la crise sanitaire par rapport à 2020-2021, « mais probablement pas au même niveau qu’avant la pandémie », précise la porte-parole Marie-josée Montminy.

La décision de faire comparaître un accusé détenu en personne ou par visioconférence reste celle du juge, pas celle des services correctionnels, souligne le MSP.

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2021-05-01T07:00:00.0000000Z

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