À QUELLE HEURE TONDRE LE GAZON?

« Vous faites quoi avec ça un voisin qui tond [le gazon] sur l’heure du souper un dimanche soir ? », a demandé un citoyen, dimanche dernier, sur la page Facebook de Spotted Sainte-marie, en Beauce, provoquant des réactions enflammées sur ce forum.

Reflétant une opinion répandue parmi les quelque 3000 commentaires sous la publication, un internaute a répondu : « Tu déménages dans le bois pis tu reviens pu jamais en ville, tu es beaucoup trop fatiguant et intolérant. »

Au contraire, d’autres citoyens se montraient irrités par le bruit de la tondeuse au souper, l’un d’eux allant jusqu’à proposer une petite vengeance contre le tondeur : « Tu attends qu’il finisse et quand ça sera à son tour de souper tu lui orientes un haut-parleur avec un air d’opéra plate à souhait .... c’est lui qui va venir te voir. »

Alors que la saison de la tonte de pelouse bat son plein, l’épineuse question est de retour : à quelle heure tondre le gazon ? Devrait-on s’abstenir durant le souper ou à d’autres moments – le dimanche matin, par exemple – pour bien s’entendre avec ses voisins ?

Pour l’éthicien René Villemure, auteur du livre L’éthique pour tous... même vous ! Petit traité pour mieux vivre ensemble, ce débat peut être éclairé par l’éthique.

« L’éthique, c’est un peu moins de soi et un peu plus des autres, dit M. Villemure. Donc, penser à la collectivité ou aux autres avant de penser à soi. C’est le contraire de l’égoïsme. »

Un citoyen qui tond sa pelouse à n’importe quelle heure devrait se demander : « Est-ce que, ce faisant, je suis en train de favoriser moi ou les autres ? Ou, du moins, estce que je ne favorise que moi ? », poursuit l’éthicien.

Bien sûr, note M. Villemure, il y a des cas où la réponse à cette question est évidente. Si on choisit de passer la tondeuse à minuit, il est évident qu’on dérange les autres.

Dans les cas moins clairs, comme l’heure du souper, « il n’y a pas de solution magique », dit l’éthicien.

Certains pourraient avoir le réflexe de dire : « J’ai le droit. »

« Mais chose certaine, on n’a pas que des droits en société, on a des devoirs aussi, dit M. Villemure. Et le devoir, c’est un peu moins de soi et un peu plus des autres. »

Le bon voisinage exige une certaine retenue, mais il exige aussi une certaine tolérance, souligne l’éthicien. Si un voisin grogne dès qu’il entend le bruit de la tondeuse, son seuil de tolérance est sans doute à revoir, note Villemure.

« Il y a du monde pour qui vous passeriez le gazon à n’importe quelle heure, et ça va être trop, dit-il. [...] Là, c’est encore un égoïsme, mais inverse. »

Selon M. Villemure, il ne faut pas perdre de vue l’importance de garder un bon voisinage. « Si un jour vous êtes inondé chez vous, vous aimeriez peut-être ça que le voisin qui passe la tondeuse à 5 heures vienne vous aider », dit René Villemure.

Dans tous les cas, les voisins doivent apprendre à se connaître.

Pour y arriver, la solution est simple, note M. Villemure : avant de crier, parlez-vous !

Selon l’éthicien, c’est un paradoxe moderne de voir des citoyens se plaindre de leurs voisins sur Internet alors qu’ils n’osent pas se parler en face.

En discutant en personne, les voisins doivent savoir qu’il n’y a pas d’heure parfaite, ajoute l’éthicien. L’idéal est de s’entendre sur une heure qui peut convenir aux deux.

Si, par exemple, des voisins ont un jeune enfant qui fait des siestes l’après-midi, on peut songer à tondre la pelouse à un autre moment. À l’inverse, si le voisin dispose d’une courte période pour effectuer sa tonte, on peut tolérer qu’il le fasse à l’heure du souper.

C’est en se parlant qu’on arrive à une solution juste pour les deux parties, rappelle René Villemure. « Tant qu’on n’a pas ce bout de discussion là, on est comme deux solitudes. »

L’éthicien René Villemure est l’auteur du livre L’éthique pour tous... même vous! Petit traité pour mieux vivre ensemble. —