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LETTRE À MON MONSEIGNEUR

KONRAD SIOUI Collaboration spéciale

À Mgr Gérald Cyprien Lacroix

Il n’y a pas si longtemps, pendant que nous faisions le trajet ensemble en direction du sanctuaire du Cap-de-la-madeleine, nous échangions sur des questions qui revêtent toujours un caractère important, dont celui du traitement réservé à l’ensemble des Premières Nations et des autres peuples autochtones.

Au Cap, nous avons entendu des témoignages à glacer le sang, venant de membres de la Nation atikamekw, qui exposaient toute la souffrance vécue et subie dans les pensionnats. Ces abus physiques et psychologiques pendant tant d’années. Ils parlaient de leurs parents qui se sont vus arracher de force leurs enfants pour ne plus jamais les retrouver intacts. Ils nous disaient que ce sont eux, leurs parents, qui sont les véritables survivants de ces écoles de réforme pour Indiens. Que ce sont leurs parents qui ont le plus souffert de cette déchirure et qui pourtant, ont été laissés pour compte, comme s’ils n’avaient jamais existé, dans les règlements offerts aux victimes par le gouvernement fédéral.

Sur le chemin du retour, nous avons parlé de nos territoires et de l’appropriation des terres du Séminaire par le diocèse de Québec et son supérieur de l’époque, Monseigneur François de Laval. Vous m’avez alors dit que vous alliez y voir et me revenir avec des réponses, dont celle qui confirmerait, ou pas, le transfert unilatéral de cette partie de notre territoire ancestral aux mains du régime français de l’époque.

Je vous avais aussi confié la façon dont j’ai été accueilli à l’école fédérale de jour, lors de la rentrée en première année à Wendake, en 1959, où les soeurs du Perpétuel Secours, à grands coups de jets d’eau bénite, nous disaient, alors que nous étions agenouillés, que nos ancêtres étaient des barbares et des sauvages qui avaient commis tant de crimes, dont celui d’avoir porté atteinte à la vie des saints martyrs canadiens.

Nous apprenions en ce premier jour d’école, à six ans à peine, que nous n’allions pas être accueillis au ciel parce que notre crime était trop grave. Mon père nous a confié, dans sa grande sagesse, de ne pas croire cette version truffée de fausses interprétations, mais plutôt de toujours vénérer nos ancêtres et que, de toute façon, un jour, bientôt, nous allions parler pour nousmêmes et écrire notre propre version des faits. Nous y voilà.

J’ai aimé voyager avec vous et j’ai toujours su que vous étiez un homme qui remplissait sa mission au sein de l’église avec humanisme et bonté. J’ai été ému lorsque vous m’avez confié que vous avez été sauvé à la naissance, lors de l’accouchement, par le valeureux Dr Léon Groslouis. Vous me disiez être à jamais reconnaissant envers notre Nation huronne-wendat, en particulier.

Ensemble nous avons pleuré les atrocités vécues par nos frères et soeurs musulmans de Québec, en priant à l’église afin que Dieu reçoive nos offrandes et nos voeux de paix et de fraternité. Vous nous avez tous invités à l’archevêché pour que nous puissions parler d’une même voix, peu importe la dénomination à laquelle appartiennent les différentes églises : anglicane, protestante, musulmane, presbytérienne, catholique ou autres.

Vous nous avez implorés de rester unis pour servir notre prochain et apporter de l’espoir à l’humanité qui en a tant besoin. Vous avez soutenu les efforts de nos Nations lorsque nous avons eu à faire face à des drames psychologiques où nos enfants ont été sacrifiés au bûcher, pour nourrir la folie et la haine.

DIGNITÉ ET ÉGALITÉ

Aujourd’hui, Monseigneur, laissez-moi vous appeler mon frère, comme nous avons pris l’habitude de nous appeler. Nous ne sommes les enfants de personne et en ce sens, le message provenant du Vatican, parlant de « la reconnaissance des droits et des valeurs culturelles de toutes les filles et de tous les fils du Canada », ne remplit pas son mandat qui est de nous traiter avec dignité et égalité.

Nous sommes des femmes et des hommes égaux en toutes circonstances et non pas des mineurs au sens de la Loi. Le colonialisme n’a jamais été, n’est pas et ne sera jamais une solution aux valeurs de L’ONU qui tirent leur source des lois naturelles. Ce mouvement vers la réconciliation effective et la reconnaissance mutuelle ne peut passer que par l’esprit et l’intention des traités, c’est-à-dire d’égal à égal.

À l’instar de centaines, voire de milliers de prêtres, de soeurs et de frères, de même que de vos homologues qui ont répondu à l’appel du Christ, dans son infinie bonté, il est urgent maintenant de passer à l’action et de rejoindre les voix qui s’expriment au nom de l’église « une, sainte, catholique et apostolique » pour implorer le pape François de couper court avec l’establishment de l’église et rejoindre les rangs des affligés à la recherche de vérité.

L’archevêque de Montréal Christian Lépine, de même que l’archevêque de Colombie-britannique, J. Michael Miller, ouvrent la voie et offrent leurs excuses sans condition et répondent ainsi aux voeux exprimés par leurs centaines de milliers de fidèles.

De longues enquêtes menées par un émissaire du Vatican n’auront pas plus de succès à court, moyen et long terme que toutes ces commissions d’enquête mises en place depuis la crise d’oka en 1990.

La Commission royale a rendu son rapport en 1996 et bien que toutes les 400 recommandations prônaient un véritable changement dans les relations entre Premières Nations et Canadiens, les échecs de Meech et de Charlottetown ont démontré encore une fois que la place des Autochtones était en dehors du cercle confédératif canadien.

Notre seul moyen de faire avancer notre cause passait par le recours aux tribunaux. Nous avons investi avec nos propres moyens tout ce que nous avions de ressources pour faire valoir nos droits jusqu’à la Cour suprême et gagner. Mais à quel prix ? Au prix de plus de dix années à se battre envers et contre tous pour finalement entendre les savants juges déclarer que nous étions bien des êtres humains égaux en droit et que la lutte de nos ancêtres pour protéger notre existence méritait d’être célébrée.

Ainsi, je vous demande, en notre nom à tous, mon frère Gérald Cyprien, archevêque de Québec, d’écouter nos prières et d’intercéder pour nous, auprès du souverain pontife, afin qu’il rejoigne le concert des voix de toutes les congrégations provenant de toutes les dénominations afin de conclure véritablement ce si nécessaire processus de paix et de guérison.

Des excuses exprimées humblement venant de Saint-pierre de Rome auront tôt fait de finir de compléter le Grand Cercle des humains de bonne volonté. Que la paix soit avec toi.

Ton frère Konrad.

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