LA PATIENCE S’IMPOSE POUR LES ACHETEURS D’AUTOMOBILES

En cette période de déconfinement et de reprise économique, les acheteurs d’automobiles neuves ont intérêt à faire preuve de patience avant de mettre la main sur leur nouvelle acquisition.

Pour de multiples raisons, plusieurs concessionnaires du Saguenay-lac-saint-jean ont peine à maintenir des inventaires importants en dépit du fait que les lignes de production de l’industrie ont recommencé à tourner à plein.

C’est le cas chez le concessionnaire chicoutimien Paul Albert Chevrolet Buick Cadillac GMC, dont la cour est presque vide malgré que les clients soient au rendez-vous et souhaitent renouveler leur bail de location ou acheter une nouvelle voiture. En entrevue, Pierre Albert explique que la pandémie, avec la fermeture des usines de montage américaines pendant trois mois, a empêché la production de 1,3 million de véhicules.

L’autre facteur qui a perturbé le marché, selon lui, a été la pénurie mondiale de microprocesseurs pour voitures qui a été aggravée par un incendie survenu le 19 mars dernier chez le géant japonais de l’électronique Renesas Electronics. Ce groupe approvisionne le marché mondial des microprocesseurs dans une proportion de 20 %. « Les microprocesseurs sont devenus très importants dans les voitures. La plupart des transmissions de véhicules sont gérées par des systèmes informatiques », explique-t-il.

La pénurie de microprocesseurs a été encore amplifiée par le fait que d’autres producteurs, taïwanais entre autres, ont détourné leurs livraisons destinées à l’origine à l’industrie automobile, en décroissance, vers des industries oeuvrant dans le divertissement, dont Sony et LG, et les équipements informatiques utiles au télétravail, en forte croissance pendant la COVID-19.

L’approvisionnement a aussi été compliqué par les sanctions imposées en 2020 par l’ancien président américain Donald Trump aux fabricants chinois comme Huawei et SMIC, le numéro 1 chinois des semiconducteurs, rapportait en mars le journal français Le Monde.

C’est ainsi que General Motor a poursuivi le montage de milliers de voitures et de camionnettes sans les doter de tous les microprocesseurs nécessaires. Ces véhicules sont stockés par milliers sur d’immenses terrains chez les voisins du Sud. Ils sont livrés aux concessionnaires locaux au fur et à mesure que les microprocesseurs sont livrés aux constructeurs.

« Nos ventes sont excellentes quand même, mais on n’a pas d’inventaire. On réussit à naviguer à travers tout ça, sauf qu’on doit faire des suivis serrés avec nos clients », explique M. Albert.

Chez Saint-félicien Toyota, le directeur des ventes, Pierreluc Fortin, en a long à dire sur la situation actuelle et confirme que toute la planète automobile est touchée par une forte hausse de la demande postpandémique liée à des difficultés d’approvisionnement.

Selon lui, Toyota est moins touchée que la concurrence puisque le constructeur japonais était très près de son fournisseur, Renesas Electronics. « On est pas mal moins touchés puisque des concessionnaires sont vides. On livre de gros volumes de véhicules et on fait des affaires », observe-t-il.

Il reconnaît que la concession fait face elle aussi à des difficultés d’approvisionnement en véhicules, mais que tout ce qui entre dans la cour est livré rapidement puisque tout a été vendu des semaines à l’avance sur commande. « J’aimerais avoir 100 voitures dans la cour, mais présentement j’en ai 27. Les clients ne voient pas de voitures dans la cour. »

M. Fortin souligne à titre d’exemple que si Toyota cesse de produire pendant deux mois dans ses usines les 1000 voitures assemblées, un manque à gagner de 600 000 voitures affecte le marché, sans compter le rodage lié au redémarrage de chaque usine.

La demande est particulièrement forte pour les véhicules hybrides, selon lui, et une rupture de stock implique des délais importants de livraison aux clients.

USAGÉS

Les délais de livraison dans le secteur du véhicule neuf ont une incidence sur le marché des voitures usagées, dont les prix ont grimpé en flèche, selon M. Fortin, pour les modèles relativement récents de 2018 à 2020. Ces véhicules mis en location au Canada pour une certaine période de deux ou trois ans sont récupérés par des exportateurs au Canada en dollars canadiens, puis revendus sur le

marché américain en dollars américains. Le taux de change permet ainsi des profits intéressants.

Le fait que les échéances des baux de location des véhicules ne changent pas pendant les arrêts de production crée une autre forme de pression sur le marché. « Actuellement, les constructeurs ont de la misère à fournir ce qu’on vend. On ne fait que fournir les ventes habituelles. Lorsque la pandémie est arrivée, j’avais 115 véhicules dans la cour. Présentement, j’en ai 27. »

La vente de voitures neuves est également stimulée par le fait que beaucoup de consommateurs ont économisé, pendant la pandémie, en raison de l’annulation des voyages à l’étranger et par la stimulation des programmes gouvernementaux. L’an passé, les concessionnaires automobiles s’attendaient à une catastrophe, selon M. Fortin, ce qui n’a pas été le cas. La preuve en est qu’en 2020, le concessionnaire a réalisé en dix mois le chiffre de vente qu’il avait réalisé pendant toute l’année 2019.

Les concessionnaires consultés prévoient que la situation du marché devrait se stabiliser dans quelques mois, au fur et à mesure que les approvisionnements reprendront un cycle normal. Intel a annoncé la construction de deux usines de semiconducteurs aux États-unis, ce qui devrait aider à résoudre les problèmes du marché. Pour le moment, les consommateurs ont intérêt à planifier longtemps à l’avance leur achat ou échange de véhicules afin de ne pas être pris de court, conseille M. Fortin.

« Actuellement, les constructeurs ont de la misère à fournir ce qu’on vend. On ne fait que fournir les ventes habituelles. Lorsque la pandémie est arrivée, j’avais 115 véhicules dans la cour. Présentement, j’en ai 27.»

— Pierre-luc Fortin, directeur des ventes chez Saint-félicien Toyota