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REVIVRE SUR UN VÉLO COUCHÉ

OLIVIER PIERSON olivier.pierson@lavoixdelest.ca

Atteint d’une maladie dégénérative, Michel Laurin a vu sa vie transformée depuis qu’il a découvert le vélo couché. Loin de s’en tenir à son propre bien-être, ce Granbyen d’adoption aimerait rendre ce moyen de locomotion accessible aux personnes à mobilité réduite, et en particulier à celles qui vivent isolées.

L’homme qui nous reçoit dans son appartement du boulevard Montcalm à Granby a le sourire accroché au visage, une amabilité qui semble innée et une belle énergie. Les tatouages qui ornent ses avantbras ne laissent d’ailleurs aucune place au doute. Sur le droit a été gravé Love in action. Sur le gauche, le mot Faith, qui se contorsionne en Hope lorsqu’il le présente sous un autre angle. De la foi, de l’amour et l’espoir, il en a fallu beaucoup à ce grand gaillard (environ 6 pieds sous la toise pour 230 livres) que le destin a tenté de faire trébucher.

C’était en 2000. La maladie venait d’entrer dans sa vie. Le genre à lui imposer comme partenaire quotidien un déambulateur et à ralentir son élocution. Le coup porté par cette intruse neurodégénérative, qui affecte son équilibre et ses membres inférieurs, fut rude à encaisser. « J’ai fait une dépression sévère les trois premières années. Je ne voulais pas devenir un fardeau pour mon épouse », raconte ce père qui se dit fier de ses cinq enfants, auxquels il doit d’être sept fois grand-père.

PÉDALER CHEZ LUI

Il y a une douzaine d’années, il découvrait les joies du vélo stationnaire, dont il allait devenir un fervent pratiquant, à raison de 20 à 30 minutes intensives chaque jour. « Ça m’aide à conserver un poids stable et une bonne santé générale », dit-il. Lorsqu’il se met à pédaler dans son bureau, son coeur galope et sa tête respire. Avec le recul, le sexagénaire pose un regard empreint de gratitude sur cette monture statique qui a chassé ses idées noires et élargi ses horizons intérieurs. « Sans ce vélo stationnaire, je serais déjà dans un fauteuil roulant », admet-il.

Une autre monture est entrée dans sa vie récemment. Un vélo couché. « La première fois que j’en ai vu un, c’était lors d’un voyage aux Étatsunis. Lorsque je suis revenu au Québec, j’ai fait des recherches sur le Net », raconte cet ancien informaticien. Il décide alors de s’en procurer un, sauf que le prix d’une version électrique coûte deux bras, si ce n’est plus. Au lieu de laisser tomber, il se tourne vers la plateforme de collecte de fonds Gofundme. La greffe prend rapidement. Soixante personnes le soutiennent financièrement dans sa démarche. « J’ai pu récolter 4500 $ sur les 5000 $ que coûtait le vélo. »

Pour cet ancien accro au sport — qui a notamment pratiqué le cyclisme, la natation et le water-polo avant de fonder une famille —, l’acquisition de ce trois-roues a apporté les dernières pièces qu’il manquait à sa reconstruction mentale. Grâce à lui, il s’est enivré du sentiment grisant de la liberté, le regard toujours rivé sur les paysages et les animaux que procure la nature. « Je vais où je veux, ou presque, quand je veux », clame-t-il.

Quand il ne se balade pas avec sa douce moitié, qui a elle aussi fait électrifier son bicycle, il part prendre l’air avec un petit groupe d’adeptes de vélo couché (dont un monsieur de 90 ans), comme lors de cette sortie programmée jeudi 10 juin dans l’après-midi, avec pour point de départ le parc Daniel-johnson. Parfois, des gens intrigués lui posent des questions, ce qui comble de joie cet homme avide de contact humain, jamais avare d’informations à distribuer comme des poignées de main.

À LA RECHERCHE DE PARTENAIRES

C’est ce besoin viscéral d’aller vers les autres qui l’a incité à vouloir promouvoir les bienfaits de cette activité. Michel Laurin caresse l’espoir de pouvoir rendre accessible, grâce à un système de location, sa pratique aux personnes à mobilité réduite, « avec ou sans handicap », et particulièrement à celles qui sont isolées.

Celui qui a parcouru près de 2500 km sur les pistes de L’estriade, d’avril à octobre 2020, dit avoir entrepris plusieurs démarches en ce sens, en 2018 et 2019, auprès d’organismes communautaires et municipaux. En vain.

Pas de quoi cependant entamer sa volonté d’aller de l’avant et de trouver des partenaires — publics ou privés — pour financer et accompagner ce projet qui lui tient tant à coeur.

Il aura d’ailleurs bientôt l’occasion de le défendre à nouveau, de façon virtuelle. « J’ai une rencontre vidéo prévue le 15 juin avec l’assistant de François Bonnardel (ministre des Transports), qui est sensible à la cause du vélo », lâche-t-il.

Il compte aussi sur son blogue (accesvelocouche.net), où il partage ses conseils et son expérience, pour élargir la communauté des cyclistes couchés (ou presque). On y trouve aussi quelques vidéos prises avec une Gopro, fixée sur son casque, qui donne un aperçu de leurs virées vivifiantes et que ce catholique croyant a semées comme des petites graines.

Par amour pour son prochain et, sans doute, pour ce moyen de locomotion qui lui a fait voir la vie autrement.

AFFAIRES

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