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LE MYSTÈRE DES ÉPERLANS MORTS AU LAC OTIS

ROGER BLACKBURN rblackburn@lequotidien.com

Si les chasseurs et pêcheurs qui occupent la forêt québécoise sont les yeux de la protection de la faune pour dénoncer les actes de braconnage, les réseaux sociaux sont un excellent endroit pour les lanceurs d’alerte. En fin de semaine dernière, un internaute a pris en photo la plage en face de son chalet au lac Otis pour montrer une quantité importante d’éperlans morts.

On compte une vingtaine de réactions sous sa publication qui confirme la situation. « Nous aussi sur notre plage pleine de petits poissons morts (sur îles). Première fois en 12 ans. C’est bizarre ».

« Moi aussi j’ai constaté la même chose sur ma plage et l’eau est vraiment sale, je n’ai jamais vu comme ça en 40 ans. », peut-on lire sur la page Facebook Spotted : Saint-félix d’otis.

SUR LE TERRAIN

Je me suis rendu dans ce secteur, il y a quelques semaines, alors qu’un lecteur s’inquiétait des coupes de bois sur les rives du lac Otis. La coupe d’arbres, dans le secteur du parc du 150e, l’an dernier, a mis le ruisseau complètement à nue, l’exposant au soleil et le privant de sa source d’ombrage. Selon mes informations, ce petit ruisseau est une fraye à éperlans.

Le même phénomène a été constaté l’an dernier alors que des poissons morts ont été retrouvés sur les berges. Lors de ma visite, le bateau du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) était sur le lac afin de poursuivre les recherches sur la présence de brochets dans ce plan d’eau qui compte également une population d’omble chevalier naturel qu’il est important de protéger.

RÉPONSE DU MINISTÈRE

J’ai adressé une demande au ministère pour réaliser une entrevue avec les biologistes responsables du dossier au bureau régional du MFFP, mais on m’a demandé quelles étaient mes questions et les communications de Québec m’ont répondu par courriel. Ça fait des années que je fais des entrevues avec les biologistes du bureau régional du MFFP, ils accomplissent du travail important sur le terrain et ont à coeur la connaissance de la faune de la région et sont fiers de partager le résultat de leurs recherches. Je trouve ça bizarre quand Québec veut contrôler le message et ne nous laisse pas parler à notre monde qui connaît nos réalités de terrain.

« Bonjour, voici les réponses à vos questions :

Question : Le Ministère est-il au courant d’abattage d’arbres dans ce secteur, près de la frayère ?

Réponse : Oui, le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) a été informé de la situation au cours des dernières semaines.

Après vérification, le secteur visé est situé en terres privées. L’application du Règlement sur l’aménagement durable des forêts (RADF) et du Règlement sur les habitats fauniques (RHF) ne sont donc pas applicables dans la présente situation. La réglementation applicable est la Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables (Loi sur la qualité de l’environnement), laquelle est sous la responsabilité du ministère de l’environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC).

Le signalement a été rapidement acheminé au MELCC par la DGFA-02 (Direction de la gestion de la faune du Saguenay–lac-saint-jean).

Question : Est-ce qu’il y a des informations pertinentes à connaître sur ce dossier ?

Réponse : Il n’est pas possible de faire un lien direct entre la coupe d’arbres et les mortalités d’éperlans de l’été 2019. Ce phénomène n’apparaît pas lié puisque des éperlans morts avaient été retrouvés à différents endroits sur l’ensemble du plan d’eau. Les spécimens morts étaient effectivement plus nombreux dans ce secteur, possiblement en raison de la présence d’une frayère potentielle, mais également parce que le vent avait favorisé le déplacement des spécimens morts dans ce secteur.

En 2019, des analyses avaient été faites sur les spécimens morts. Le Centre québécois sur la santé des animaux sauvages avait fourni à la Direction de la gestion de la faune du Saguenay–lac-saint-jean les informations suivantes :

• Les spécimens qui ont été acheminés ne présentaient aucune évidence de maladie infectieuse.

• Tous les spécimens étaient en post-fraie.

• La principale hypothèse qui pourrait expliquer cette mortalité serait l’épuisement à la suite de la période de fraie. En effet, la fraie peut provoquer un épuisement et affaiblir le système immunitaire. »

J’aurais aimé ça jaser avec un biologiste au sujet des hypothèses d’épuisement. Est-ce que la disparition d’arbres chaque côté du ruisseau et un peu partout dans ce milieu humide peut provoquer une augmentation de la température de l’eau et est-ce que frayer en eau chaude épuise plus que frayer en eau froide ? Est-ce qu’on ne devrait pas demander à ceux qui ont coupé les arbres de les replanter ?

« Il y a des milliers d’éperlans qui frayent dans le lac Saint-jean et on n’entend pas parler souvent d’éperlans morts sur les plages du lac », m’a fait remarquer un pêcheur du coin.

Est-ce à cause du printemps hâtif et des bas niveaux des lacs que l’eau a réchauffé plus vite ? Est-ce que ce sont les effets du réchauffement climatique qui se manifestent ? On aimerait savoir si nos biologistes ont suffisamment de ressources et d’argent pour documenter le phénomène. Si le monde de Québec a assez de monde pour poser les questions des journalistes à la place des gens d’ici, gênez-vous pas pour nous envoyer des biologistes et du budget en renfort, ce ne sont pas les dossiers de recherche qui manquent ici. Si dans votre coin vous bâtissez des métros, des réseaux de trains et que vous creusez des tunnels, ici on essaye de protéger nos lacs et nos rivières.

CHASSE ET PÊCHE

fr-ca

2021-06-12T07:00:00.0000000Z

2021-06-12T07:00:00.0000000Z

https://lequotidien.pressreader.com/article/282428467131512

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