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Bonsoir, elle est partie !

PATRICIA RAINVILLE prainville@lequotidien.com

Je me demande souvent si les ados d’aujourd’hui sont plus ou moins libres que je l’étais à leur âge. Je ne suis pas encore tellement vieille, mais j’ai comme l’impression que j’avais plus de latitude que ceux et celles qui ont 15 ou 16 ans aujourd’hui. Pour quelle raison ? Le cellulaire, cet objet qui est devenu pratiquement un organe vital des nouvelles générations. Je m’inclus aussi làdedans, puisque je manque d’air lorsque je m’aperçois que mon cell est resté à la maison, ce qui arrive au maximum une fois par année, ou lorsqu’il manque de batterie.

Mais lorsque j’avais 14 ou 15 ans, le cellulaire était destiné aux riches hommes et femmes d’affaires et le paget aux vendeurs de drogue. En tout cas, c’était ma perception. Je n’étais ni l’une ni l’autre, donc impossible pour mes parents de me retracer lorsque je quittais la maison pour la soirée. Bonsoir, elle est partie !

Je n’étais pas l’ado la plus problématique, mais j’ai tout de même fait mon lot de niaiseries et, lorsque j’y repense, j’aurais bien pu me mettre dans le pétrin. Heureusement, il ne m’est rien arrivé de grave.

Nous avions l’habitude, ados, d’aller passer la soirée au fond d’une coulée, près d’une rivière, histoire de boire quelques bières et fumer des tonnes de cigarettes. Bien que je n’étais pas celle qui remontait de la coulée la plus amochée, des accidents, il aurait pu en arriver des dizaines. Personne n’avait de cellulaire et il fallait marcher un bon kilomètre dans le bois avant d’atteindre notre petit havre de paix.

Un peu plus tard, vers 16 ans, le fond de la coulée ne m’intéressait plus tellement. J’ai plutôt commencé à m’intéresser aux bars. Certains avaient la réputation, dans le temps, de laisser passer les mineurs. J’y ai donc passé plus d’une soirée, dans la totale illégalité. Le pire dans tout ça, c’est que personne n’avait de voiture et que ces bars étaient situés un peu trop loin de la maison pour s’y rendre à pied. Faire du pouce était la solution la plus pratique et la plus rapide.

Si mes parents le savaient ? Jamais de la vie. Ma mère m’aurait certainement enfermée dans ma chambre si elle avait su ça. Et je la comprendrais.

Mais à cet âge et dans ma tête d’ado, c’était certainement la meilleure idée au monde.

Et une fois que j’avais dit à ma mère que je partais chez mon amie passer la nuit, comment vouliez-vous qu’elle sache ce que je trafiquais dans son dos ? Elle n’appelait certainement pas à minuit chez mon amie pour savoir si j’y étais réellement. Mais si j’avais eu un cellulaire, ça aurait sans doute été une autre histoire.

Certains parents vont aujourd’hui jusqu’à suivre leur jeune grâce aux applications de géolocalisation.

Pas certaine que mes parents auraient aimé voir le petit point clignoter sur la carte dans le fond d’une coulée, en bordure du boulevard à faire du pouce ou sur le plancher de danse d’une discothèque.

J’en ai discuté avec mon chum dernièrement et ce qu’il a pu faire dans sa jeunesse est 1000 fois pire que moi.

Il faut bien que jeunesse se fasse, dit-on. Mais certains la font un peu plus fort que d’autres.

Au fond, j’imagine que ça n’a pas tant changé. Je serais tout de même curieuse de savoir ce que les ados d’aujourd’hui réussissent à faire dans le dos de leurs parents et, surtout, sans attirer l’attention des autorités.

LE MAG

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2021-06-12T07:00:00.0000000Z

2021-06-12T07:00:00.0000000Z

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