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Le prix de la liberté

NORMAND BOIVIN nboivn@lequotidien.com

J’achète une draisienne à mon petit-fils de 22 mois. Un vélo pas de pédales. Ma belle-fille me demande si j’ai acheté un casque. « - Non. -Pas question que mon fils fasse du vélo pas de casque. Ça prend une seconde pour avoir un accident », qu’elle me répond, même si je lui ai dit que je serais toujours à côté. « - Son père non plus ne veut pas. Il va aller lui acheter un casque », ajoute-t-elle. C’est ben le bout, il ne voulait jamais porter de casque. Ni en vélo ni en ski. Il a fallu que je lui achète un casque de style militaire pour qu’il le porte et encore là, il l’enlevait quand j’avais le dos tourné. « - Toi, tu en portais un quand tu étais jeune ? qu’elle me demande. - Ça n’existait pas dans mon temps. - T’es ben vieux. - Dans mon temps, il n’y avait pas de casque, pas de ceinture de sécurité, on pouvait boire au volant, on ne mettait pas de préservatif, pis un ticket de vitesse coûtait 40 $ », que je conclus.

Je ne dis pas que je suis contre ces mesures ; la ceinture de sécurité sauve des vies et des blessures graves, l’interdiction de conduire en état d’ébriété aussi et personne ne remettrait ça en question.

Mais c’est vrai qu’on était plus libre « dans mon temps », et ce n’était pas nécessairement pour le mieux.

Je ne devrais pas raconter ça, mais je me souviens que lorsque je sortais avec mes chums le samedi soir, on s’achetait des bouteilles de Baby Duck qu’on prenait comme apéro avant d’aller dans les discothèques, afin d’avoir un bon feeling en partant pour que ça nous coûte moins cher. Et la ceinture de sécurité était pratique pour faire sauter le bouchon des bouteilles de bière quand on conduisait, car les capsules dévissables n’existaient pas encore.

C’est effrayant de penser à ça aujourd’hui. Ça n’a aucun bon sens. Mais autres temps, autres moeurs. Quand on se sentait en état de conduire, on prenait le volant. Il n’y avait pas d’éthylomètre et les publicités contre l’alcool au volant commençaient à peine.

Aujourd’hui, on en demande de plus en plus à l’état. On lui demande de veiller sur nous, de payer pour notre bien-être. Alors en contrepartie, il gère de plus en plus nos vies, et pour pas que ça lui coûte trop cher, il réglemente. Alors je ne comprends pas pourquoi les gens se rebiffent de plus en plus et demandent plus de « libaartéée ». Quand on dépend de papa, on suit les règles de papa.

À l’époque où on pouvait tout faire, la Société de l’assurance automobile du Québec n’existait pas encore. Quand on était un jeune conducteur, le principal obstacle pour avoir une voiture était l’assuranceresponsabilité. Il ne fallait pas qu’assurer la tôle, il fallait assurer les risques de blessures et ça, ça coûtait un bras pis une jambe. Quand j’ai acheté ma première voiture en 1976, une Coccinelle 1969, je l’avais payée 750 $, mais mon assurance autrui, 679 $. Et ma tôle n’était même pas assurée.

Aujourd’hui, on demande au gouvernement de payer, mais lui, il ne veut pas que ça lui coûte trop cher. Avec le no fault, on demande à tous les conducteurs d’être blancs comme neige, car ce n’est pas le fautif qui paye.

Je prends l’exemple de l’automobile, mais dix ans plus tôt, c’étaient les soins de santé qu’on devait payer de notre poche. Heureusement, le gouvernement n’oblige pas les gens à adopter de saines habitudes de vie à défaut de quoi il nous enlèverait notre carte d’assurance-maladie. Mais ne vous demandez pas pourquoi il a pris la pandémie avec autant de sérieux.

Aujourd’hui, on demande à l’état de prendre soin de nos enfants avant qu’ils commencent l’école et on lui demande de prendre soin de nos parents devenus trop vieux. Bref, on lui demande de veiller sur nous de notre naissance à notre mort. On n’a peut-être encore rien vu. La « libaaartééee » a un prix.

LE MAG

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2021-06-12T07:00:00.0000000Z

2021-06-12T07:00:00.0000000Z

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