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QUAND LA QUÊTE DE LA NAISSANCE IDÉALE LAISSE DES TRACES

KATHERINE BOULIANNE kboulianne@lequotidien.com

«

Et j’ai l’impression que parfois, on met l’accent un peu trop sur l’événement en tant que tel, plutôt que sur le résultat final qui est un bébé et une » maman en santé.

— Dre Camille Potvin

Pour les mamans en devenir, la conception d’un plan de naissance revêt une grande importance à l’approche de l’arrivée de leur poupon. S’il est bon de se préparer et de visualiser chacune des étapes de ce jour mémorable, une gynécologue souhaiterait toutefois sensibiliser certaines patientes qui pourraient y accorder trop d’importance.

Des personnes présentes dans la salle d’accouchement, en passant par l’utilisation ou non d’épidurale, jusqu’à l’ambiance désirée ou la façon de gérer la douleur lors de la période de travail... Tous ces éléments et bien d’autres font partie du plan de naissance qu’élabore la maman en vue du jour J et qui l’aide à se sentir rassurée face à l’inconnu que représente l’arrivée d’un bébé.

« Ce n’est pas rare que quelqu’un arrive avec une idée très précise de comment elle voit son accouchement. C’est un peu un événement. Et j’ai l’impression que parfois, on met l’accent un peu trop sur l’événement en tant que tel, plutôt que sur le résultat final qui est un bébé et une maman en santé », estime Dre Camille Potvin, obstétriciennegynécologue à Alma.

Celle-ci s’est confiée au Progrès afin de partager ses inquiétudes et tenter de rassurer les mères rongées par la déception de ne pas avoir atteint l’idéal qu’elles s’étaient fixé. Parmi elles, bon nombre auraient voulu un accouchement naturel, mais ont dû chambouler leur plan en raison de leur condition ou de celle de bébé.

« Je ne voudrais surtout pas avoir l’air de juger ces femmes, ce n’est vraiment pas le cas. C’est seulement que je trouve ça tellement triste pour elles que l’arrivée d’un bébé en santé ne soit pas suffisante pour adoucir le sentiment d’échec qu’elles ressentent face à un accouchement qui ne s’est pas passé comme prévu », insiste Dre Potvin.

La conception de naissance naturelle se définit surtout par l’absence d’anesthésiant ou d’intervention extérieure pour mener l’accouchement à terme, telle que l’utilisation de ventouses ou la pratique d’une césarienne. De nombreux ouvrages ont été édités à ce sujet avec le temps, en plus d’une panoplie d’influenceurs qui partagent leurs expériences sur le Web afin de guider les femmes désireuses d’atteindre cet idéal.

Dans tous les cas, on mise beaucoup sur la force intrinsèque de la femme, dont le corps a été conçu pour l’accouchement, vantant ses capacités de vivre ce moment dans le bonheur et le calme. Si cette perception de la naissance a tout pour rassurer et inspirer confiance et puissance à la mère avant l’accouchement, elle peut aussi mettre beaucoup de pression à celles qui vivront un accouchement difficile.

« On met la barre haute. On a tellement accès à plein de choses sur le Web et les gens se comparent tellement entre eux, que c’est encore la pression de la perfection. La famille parfaite, l’accouchement parfait... Mais autant je ne ferais pas une césarienne sur demande, autant on ne peut pas jurer que par

l’accouchement naturel », croit l’obstétricienne-gynécologue.

Qui plus est, ce désir de réussir un accouchement naturel peut aussi entraîner beaucoup de méfiance de la part de la patiente envers le personnel médical. Et c’est là que la médecin émet quelques inquiétudes.

« Nous devons beaucoup expliquer pour quelles raisons nous faisons certaines interventions et répéter que chaque intervention médicale est réalisée pour une raison bien particulière. C’est certain que quelqu’un qui n’a pas besoin d’aide, je la laisserai travailler seule. Règle générale, les gens sont ouverts lorsqu’on leur explique bien. Il y en a d’autres qui sont plus difficiles à aller chercher, mais ce n’est pas la majorité », nuance-t-elle.

N’en demeure qu’à la suite d’un accouchement difficile ou d’une césarienne, certaines mères conserveront un profond sentiment d’échec et de culpabilité, prenant sur elles le fait de ne pas avoir « réussi » à accueillir leur bébé dans les conditions et l’environnement qu’elle souhaitait. En dix ans de pratique, Dre Camille Potvin a dû en conforter plus d’une à ce sujet et a ajusté son approche au fil du temps.

« J’ai l’impression que mes collègues et moi passons un peu plus de temps à parler du plan de naissance avec les patientes, pour essayer de désamorcer en amont les craintes qu’elles pourraient avoir, et éviter les déceptions. Et quand il y a des accouchements difficiles, par exemple des césariennes, nous faisons beaucoup de rétroaction pour expliquer encore qu’est-ce qui nous a poussés à faire ça, ou pourquoi nous n’aurions pas pu attendre plus longtemps. De mon expérience, j’ai remarqué que ça aidait beaucoup les patientes à faire leur deuil », estime-t-elle.

Avec ce témoignage, l’obstétricienne-gynécologue espère ainsi transmettre un message d’ouverture à celles qui se préparent à mettre au monde leur précieux trésor.

« C’est correct de se préparer et de se faire une idée sur comment nous voyons les choses. Mais je crois que la meilleure attitude à adopter dans un contexte d’obstétrique, c’est d’avoir l’esprit ouvert. C’est bon de se pratiquer à se détendre, ça peut nous aider à lâcher prise. Mais reste qu’on ne contrôle pas

« C’est correct de se préparer et de se faire une idée sur comment nous voyons les choses. Mais je crois que la meilleure attitude à adopter dans un contexte d’obstétrique, c’est d’avoir l’esprit ouvert. » — Dre Camille Potvin grand-chose en obstétrique », conclut Dre Potvin.

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2021-07-24T07:00:00.0000000Z

2021-07-24T07:00:00.0000000Z

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