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AVEC LAURENCE

famille, avec succès.

Encore aujourd’hui, la plaie est vive quand on aborde la question. « Je suis encore magané. Je serai marqué toute ma vie par ça. Mais ce jour-là, quand j’ai vu ma pinotte devoir aller affronter les caméras de télévision... » La voix de Guy Lapointe se brise, les deux parents ont encore de la difficulté à en parler sans que l’émotion ne vienne serrer la gorge.

« Quand c’est arrivé, je me suis mise en mode solution. On va tout faire, on va sortir ma fille de là. Je m’assoyais avec elle et on repassait en revue ce qu’elle avait mangé, où elle était allée, avec qui elle avait parlé. Il fallait trouver d’où ça venait. Ce n’était pas possible qu’on ne se batte pas », constate Nathalie Vincent.

Des mois de recherches, de tests, d’hypothèses pour en arriver à la conclusion de la contamination croisée, et à la réintégration de l’athlète à l’équipe afin qu’elle se prépare pour la plus importante compétition de sa vie. Une épreuve qui a révélé aux parents à quel point Laurence pouvait être forte. Ils n’en avaient jamais douté, mais à ce point ?

Outre le fait qu’elle aura raté plusieurs mois d’entraînement, ses parents déplorent aujourd’hui qu’une contamination croisée, avec une quantité aussi infime, ait failli ruiner sa carrière d’athlète, mais aussi sa réputation. Et il faudra revoir ces critères dans le futur, puisqu’il semble désormais même possible qu’une simple poignée de main avec une personne ayant consommé un produit interdit puisse contaminer un athlète et briser son rêve. Si l’on veut éviter que les sportifs de haut niveau ne soient forcés de vivre des années dans une bulle de verre, il y aura des choses à revoir.

Pas étonnant, après toutes ces épreuves, que la simple contrariété de ne pas pouvoir assister en personne aux Jeux olympiques soit bien secondaire dans l’esprit des parents de Laurence. « Si tu nous avais dit en 2019, quand on réservait nos voyages, qu’on ne pourrait pas y aller, on aurait été vraiment déçus. Il n’y avait rien pour nous faire manquer la performance de notre fille aux Olympiques. Mais là, avec tout ce qu’elle a vécu et avec la COVID, qu’elle soit là, c’est notre plus grand bonheur et on sera devant la télé. On ne manquera rien. On le fera rejouer et rejouer en boucle. Mais la chose la plus importante est qu’elle ait eu sa place », considère sa maman.

DÉJÀ MÉDAILLÉES

D’ailleurs, à ses yeux, chacune des femmes qui sera de ces jeux en canoë a déjà sa médaille d’or au cou. Parce qu’il a fallu en ramer une shot pour amener la discipline du canoë féminin aux Olympiques. Et on a dû souvent se boucher les oreilles devant des commentaires dépassés et rétrogrades sur le fait que la place des femmes n’était pas dans un canot, que leur morphologie ne leur permettait pas de bien performer dans cette discipline. Et même qu’une femme qui compétitionnait en canoë ne pourrait pas avoir d’enfants plus tard. Oui, tout ça, ça a déjà été dit ! Et Laurence n’a pas écouté. Elle a foncé dans le tas. Elle a aidé à tracer la voie. « Son mentor à l’époque, Dave Frost, lui avait dit : Laurence, tu seras le fer de lance qui va emmener les femmes aux Jeux olympiques. Elle a réussi à emmener le niveau là en faisant toujours monter la barre un peu plus haut. Sa mission est accomplie. Sa médaille d’or est gagnée. C’était son rêve, et elle a réussi à emmener les femmes avec elle », martèle Guy Lapointe, non sans fierté.

Alors pour que le rêve soit complet, il ne lui restera qu’à vivre pleinement ces quelques jours, à foncer, à tout donner. Et pour que son moral soit au top, ses parents seront avec elle ce samedi soir, pour partager un bon souper et discuter de tout sauf de la compétition. On ferme la télé, on éteint les cellulaires et on ne laisse aucune nouvelle concernant les Olympiques venir teinter ce petit moment en famille. Laurence en a besoin. Et ses parents ont toujours respecté son équilibre.

Et bien que les Olympiques soient une étape qui doit se planifier des mois, des années à l’avance et qui se vit constamment dans l’instant présent, dans chaque entraînement prévu, les parents ne peuvent s’empêcher de penser à ce que sera la suite. Laurence aura certainement besoin d’une pause, et n’a pas encore pris la décision à savoir si elle poursuivra encore jusqu’en 2024, à Paris. C’est elle qui décidera, tranchent les parents.

En attendant, l’université de Montréal doit rendre sa décision si elle sera admise au baccalauréat en physiothérapie. Sa mère trouve qu’elle ferait une excellente thérapeute sportive... mais n’imposera jamais aucun choix à sa fille. Sinon son unique souhait de la savoir heureuse.

« Et je souhaite aussi qu’elle puisse un jour apprendre à refaire confiance pour rencontrer quelqu’un », ajoute son père, non sans cacher que la blessure de la trahison se fait encore ressentir. Même si Laurence n’a jamais été du type à entretenir de la rancoeur, et qu’elle a le bonheur facile.

Mais en ce samedi soir de veille du grand départ, outre ses parents, la seule personne qui comptera vraiment dans la vie de Laurence, c’est son Youki, qui viendra lui faire le plus doux des câlins, et qui s’endormira à ses côtés pour lui donner toute l’énergie et l’amour dont elle a besoin. Pour lui apporter l’équilibre qui la mènera jusque sur le podium.

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2021-07-24T07:00:00.0000000Z

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