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EN ÉQUILIBRE SUR LA FRONTIÈRE

JONATHAN CUSTEAU jonathan.custeau@latribune.qc.ca

Sentez-vous le vent du sud ? Il pourrait souffler vers le Canada dès le 9 août en raison de l’ouverture des frontières pour les Américains annoncée lundi. Déjà en début de semaine, Air Canada bonifiait ses horaires de vol pour les liaisons avec les villes américaines pour la fin de l’été. On s’attend donc visiblement à un retour des voyageurs américains en territoire canadien.

Les Étatsuniens n’attendaient pourtant pas une décision du nord pour remballer passeport et maillot de bain. Il y a plusieurs semaines déjà qu’ils s’en donnent à coeur joie sur les réseaux sociaux, ayant repris les voyages comme avant. Idem pour l’europe, qui a repris ses droits sur Instagram, alors que des influenceurs ont recommencé à nous faire saliver à l’idée de redevenir aventuriers.

Parmi les choses que la pandémie a enseignées aux voyageurs indomptables, c’est bien qu’il restera toujours un coin du monde à explorer pour quiconque aura encore soif de bourlingue. Plus que jamais, elle me taraude, la certitude qu’une vie ne suffira pas à me jeter dans les yeux tous les paysages, tous les hôtels originaux et tous les sourires étrangers qui me font envie. Elle me taraude juste un grain de sable de plus que cette indécision à savoir si le moment est bien choisi pour recommencer à écorner les pages de mon passeport.

Pas de souci, j’ai pris note du nouveau vol direct Montréalhonolulu annoncé récemment par Air Canada. J’ai les fjords de Norvège et les montagnes de la Géorgie qui me reviennent en tête sporadiquement, comme la Polynésie française, qui me faisait envie avant la pandémie, avec son eau turquoise et ses promesses de décrocher complètement du mode de vie nord-américain.

N’appelez pas l’ambulance, je n’ai pas perdu mes envies de prendre le large. Malgré les obligations financières et familiales qui se sont ajoutées dans la dernière année, je n’aurai jamais de semelles assez lourdes pour m’empêcher de m’envoler quelques fois par année.

Mais le jeu du yoyo du confinement-déconfinement m’a un peu donné le tournis. Les mesures dissuasives, comme la quarantaine obligatoire à l’hôtel, auront produit leur effet. Pas question de payer des centaines de dollars pour être confiné entre quatre murs qui ne sont pas les miens. Mais le yoyo donne aussi envie de profiter au maximum des relâchements, au cas où on passerait un nouvel hiver à se tourner les pouces. C’est là que le niveau d’éthique entre en jeu.

S’il suffit d’avoir peur que la reprise du tourisme à large échelle nous précipite dans une quatrième vague pour décider de rester à la maison, ça n’en freinera certainement pas d’autres, à tort ou à raison, d’emmagasiner évasion et liberté pendant que le soleil brille. Si la relance de l’économie a servi à expliquer toutes sortes d’assouplissements asymétriques, elle justifie certainement qu’on participe à la relance du tourisme, une industrie qui mettra des années à se remettre des secousses liées à la pandémie.

Mais un peu pour les mêmes raisons, pendant que l’angleterre abandonne les restrictions sanitaires, que la tour Eiffel accueille de nouveau les visiteurs et que la France abandonne le masque dans les lieux clos pour les personnes doublement vaccinées, l’islande rétablit les contrôles sanitaires en raison d’une hausse de contamination. Début juillet, c’est Malte qui fermait ses frontières aux voyageurs non vaccinés. L’île de Méditerranée expliquait que les nouveaux cas déclarés se trouvaient majoritairement chez des individus non vaccinés et qu’il fallait d’abord penser à protéger sa propre population.

C’est là que la balance tangue, qu’elle me force à jouer les équilibristes sur la frontière. Protéger les populations locales, quand on voyage, c’est un peu, beaucoup notre responsabilité aussi. À Malte, le taux de vaccination est élevé et avoisine les 80 %. Mais peut-on en dire autant pour les pays plus pauvres qui nous accueillent habituellement pour nous offrir un repos sous le soleil ? Les employés des hôtels et des restaurants destinés aux touristes ont-ils seulement eu accès à un vaccin ? Pourront-ils se faire soigner si la maladie les frappait ?

Il y a sans doute moyen de voyager en réduisant les risques autant que possible, pour nous et pour les autres. Si on peut difficilement contrôler la distance avec son voisin dans l’avion, on arrive assez bien à placer un mètre avec tout étranger dans la plupart des autres contextes. Avouonsle, la pandémie nous a donné des envies de plein air et les grands espaces ont la cote. Voilà une piste intéressante pour la reprise du tourisme en territoires incertains.

Enfin, il me paraît logique que les deux doses de vaccin contre la COVID, comme ceux de l’hépatite, de la fièvre jaune, du tétanos ou de la rage qu’on prenait avant de voyager, à l’époque prépandémique, deviennent la norme pour les touristes étrangers. Sans une certaine forme d’universalité dans les méthodes de contrôle des voyageurs, comment arriveronsnous à empêcher une nouvelle flambée mondiale ? Mais encore faudra-t-il s’entendre sur la façon de présenter les preuves vaccinales et nous assurer que tous ceux qui souhaitent voyager aient accès à ces deux doses.

Pour les vacances d’été, je choisis donc de rester au Canada. J’ai mes deux doses dans le bras et des rêves de montagnes plein la tête. Après, assurément, je vérifierai le niveau de danger non seulement pour moi, mais aussi pour les populations locales, avant de réserver une visite à l’étranger.

S’il suffit d’avoir peur que la reprise du tourisme à large échelle nous précipite dans une quatrième vague pour décider de rester à la maison, ça n’en freinera certainement pas d’autres, à tort ou à raison, d’emmagasiner évasion et liberté pendant que le soleil brille.

VOYAGES

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2021-07-24T07:00:00.0000000Z

2021-07-24T07:00:00.0000000Z

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