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LES VACCINS ANTI-COVID QUI S’ACCUMULENT DANS LES OVAIRES, VRAIMENT?

L’AFFIRMATION

« Au cours d’une discussion récente, une personne dans la trentaine m’a dit qu’elle refusait de se faire vacciner pour deux raisons : 1) il n’y aurait aucun décès dû à la COVID-19 chez les moins de 40 ans, m’a-t-elle dit, en me montrant un graphique de la Santé publique ; et 2) elle dit que l’arn-messager du vaccin [ARNM, dont nos cellules se servent pour fabriquer la protéine virale à laquelle notre système immunitaire réagit ensuite] se répand partout dans le corps et s’accumulerait en particulier dans les ovaires. Estce vrai ? », demande Martin Paradis, de Saint-martin-de-beauce.

LES FAITS

Il n’est pas tout à fait exact de dire qu’il n’y a eu « aucun décès » lié à la COVID au Québec chez les moins de 40 ans. Le graphique de l’institut national de la santé publique [https ://bit.ly/2xbctsx] auquel réfère M. Paradis peut porter à confusion quand on le regarde rapidement parce que les décès sont tellement concentrés chez les aînés – plus de 10 200 décès, ou 90,8 % du total, chez les 70 ans et plus depuis le début de la pandémie – que les barres des autres groupes d’âges ont l’air d’être à zéro, mais il y a quand même eu quelques décès parmi eux. On peut le voir quand on passe le curseur sur chaque groupe d’âge.

Depuis le printemps 2020, il y a eu une dizaine de décès liés à la COVID-19 au Québec chez les 20-29 ans et une vingtaine chez

les 30-39 ans. Ce n’est donc pas « zéro », et cela ne compte pas les hospitalisations – plus de 2200 chez les moins de 40 ans depuis le début de la pandémie, dont environ 390 aux soins intensifs –, mais il demeure manifeste que les jeunes sont beaucoup, beaucoup moins à risque que les personnes âgées. Si c’était là l’idée générale qui était exprimée dans la conversation qu’a eue M. Paradis, elle est plutôt vraie.

Maintenant, le cas de L’ARNM qui s’accumulerait dans les ovaires est une autre paire de manches. Cette rumeur remonte au printemps dernier, quand un chercheur de l’université de Guelph, Byram Bridle, l’a « sortie » d’un rapport que Pfizer avait envoyé aux autorités japonaises en 2020. J’ai déjà parlé des conclusions inutilement alarmistes de M. Bridle [https ://

bit.ly/3lzyquk] il y a quelques mois, mais pas spécifiquement de ce qui se passe dans les ovaires. Alors, revenons-y un peu. Le rapport de Pfizer [https ://bit.

ly/3ltmrst] décrit des expériences de « pharmacocinétique » – soit ce qu’il advient d’un médicament ou d’un vaccin une fois qu’il est dans l’organisme, où il va, pendant combien de temps, etc. – faites sur des rats. Il circule abondamment dans les milieux antivaccins, où certaines personnes en ont tiré un graphique que la « trentenaire » a montré à M. Paradis. On y voit la concentration de certaines composantes du vaccin – j’y reviens tout de suite – dans divers organes, et l’augmentation semble à première vue spectaculaire dans les ovaires : de 0,1 partie par million (ppm) une demi-heure après l’injection jusqu’à 12 ppm au bout de 48 heures. C’est manifestement ce qui fait hésiter la connaissance de M. Paradis.

Si cela signifiait que L’ARNM, et donc la protéine virale, se retrouve un peu partout dans l’organisme, ce serait effectivement inquiétant, car ça impliquerait qu’une réaction inflammatoire potentiellement nuisible surviendrait partout. C’est en bonne partie pour cette raison qu’on administre ces vaccins dans un muscle : afin qu’il reste sur le site d’injection le temps qu’ils y fassent leur travail, avant que le corps n’en dispose.

Mais ce n’est pas ce que ces résultats-là veulent dire – ils ont juste été horriblement mal interprétés dans les milieux antivaccins. Car ce que montre vraiment le graphique, ce n’est pas du tout des concentrations D’ARNM. Dans le vaccin de Pfizer – même chose pour celui de Moderna –, cet ARNM est encapsulé dans de minuscules enveloppes de lipides qui lui permettent d’être mieux intégré par nos cellules. L’expérience décrite dans le document consistait à placer des atomes radioactifs dans ces lipides-là – et non dans L’ARNM –, afin de pouvoir, lui, « suivre » à la trace – car la radioactivité est une chose qui est très facile à détecter et à mesurer.

Il y a deux choses importantes à savoir à ce propos. La première, c’est que le vaccin ne reste pas longtemps intact dans l’organisme, qui le métabolise rapidement. Comme me le disait récemment Denis Leclerc, chercheur en vaccinologie à l’université Laval, « la demi-vie du vaccin [NDLR Le temps qu’il faut pour que la moitié du vaccin soit dégradé par

VERDICT

l’organisme] après l’injection est relativement courte, probablement moins de 48 heures. […] En fait, on est confiants que la radioactivité révèle l’emplacement des nanoparticules de lipides seulement à court terme, dans les heures suivant l’injection. Après, ces nanoparticules sont rapidement dégradées. »

Or, et c’est majeur, le fait que le corps métabolise ces nanoparticules n’affecte en rien leur radioactivité. Un noyau atomique instable, donc radioactif, va demeurer instable même si la molécule dans laquelle il se trouve est transformée chimiquement. Alors, non seulement le graphique ne montre pas les concentrations de L’ARNM dans les organes, mais passé quelques heures, il ne renseigne même pas vraiment – du moins, pas uniquement – sur l’emplacement des nanoparticules de lipide. Il montre simplement où se trouvent les traceurs radioactifs, peu importe ce que le corps en a fait, et ces traceurs peuvent avoir un comportement très différent de L’ARNM dans le corps.

Notons aussi que ces mêmes traceurs indiquent que la grande majorité des capsules de lipides – ou de ce qu’il en est advenu – sont passées par le foie, comme il se doit d’ailleurs, a noté le chercheur en biochimie de l’université Texas Tech Abraham Al-ahmad, dans un billet de blogue où il décortiquait ces résultats [https ://bit. ly/3eopgbi]. Au total, seulement 0,1 % des traceurs se sont déposés dans les ovaires – même s’il y a quand même eu une augmentation de leur concentration.

Par ailleurs, le même document de Pfizer décrit une autre expérience qui, elle, n’est à peu près jamais mentionnée par les antivaccins, qui citent ce rapport même si elle – ou peut-être parce qu’elle – permet de se faire une bien meilleure idée de ce qu’il advient de L’ARNM lui-même, et non des lipides qui l’entourent. L’exercice a consisté essentiellement à injecter de L’ARNM d’une protéine qui, lorsqu’elle se dégrade dans l’organisme, émet de la « bioluminescence », ce qui permet de savoir où elle va et dans quelles concentrations. Les chercheurs ont également injecté de l’eau salée à d’autres rongeurs afin d’avoir un point de comparaison.

M. Al-ahmad s’est servi de ces données pour faire une approximation de L’ARNM qui se retrouve dans les ovaires – chiffres qui ne sont pas présents dans le rapport. Essentiellement, ses calculs montrent que les concentrations mesurées dans les ovaires ne dépassent jamais les niveaux observés dans le groupe « eau salée », signe qu’il n’y a pas D’ARNM qui s’y rend. Cela indique qu’« il y a un découplage à prendre en compte : la détection d’un traceur radioactif n’implique pas forcement la présence de lipides des nanoparticules, et encore moins celle D’ARNM fonctionnel », a précisé M. Al-ahmad, dans un échange de courriels.

Bref, ces données n’indiquent pas un problème ; elles montrent au contraire que le vaccin se comporte dans l’ensemble exactement comme il doit se comporter.

Enfin, on notera une dernière chose à propos du « rapport japonais » : les doses qui ont été administrées aux rats étaient absolument massives, sans aucune commune mesure avec ce qui est injecté aux humains. Pour l’expérience sur les nanoparticules de lipides, par exemple, les rats recevaient 50 microgrammes (µg) D’ARNM, ce qui est plus que les 30 µg administrés aux humains [https ://bit. ly/2xolwpw]. En tenant compte du poids corporel des rats – disons autour de 200 g –, on parle d’une dose qui est plusieurs centaines de fois supérieure à celle des humains. Ce qui est une raison de plus de ne pas s’inquiéter de ces résultats.

Pas tout à fait pour l’absence de décès chez les moins de 40 ans et complètement faux pour le reste. L’idée d’une accumulation massive du vaccin dans les ovaires provient d’une mauvaise compréhension des données d’un rapport de Pfizer. Quand on examine le document comme il se doit, il devient clair que ses résultats ne disent rien de tel.

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