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TOUJOURS PILOTE D’AVION À 93 ANS

AUDREY TREMBLAY audrey.tremblay@lenouvelliste.qc.ca

«C’est beau le Québec! Ils ne l’appellent pas la Belle Province pour rien!» Louis-philippe Lebeau en sait quelque chose, il pilote depuis près d’un demi-siècle. À 93 ans, bientôt 94, il détient toujours sa licence de pilote et il est aussi passionné qu’au premier jour par ce sentiment de liberté difficile à décrire encore aujourd’hui.

« La liberté, la liberté, la liberté... L’aviation, c’est une passion et c’est une drogue », lance le nonagénaire.

« C’est un autre monde ! On voit des choses que les autres ne peuvent pas voir. La richesse du terrain est extraordinaire », ajoute-t-il.

Pas besoin d’aller bien loin pour comprendre à quel point M. Lebeau est passionné d’aviation. Son visage s’allume dès qu’on évoque le sujet, les revues spécialisées auxquelles il est encore abonné sont à portée de main, les photos d’avions sont bien exposées au mur et dès qu’on entre dans la maison, le modèle réduit de son Cessna 175 attire l’oeil. C’est un cadeau de la famille, et il en est fier.

Il est difficile de savoir s’il est le plus vieux pilote au Québec, mais à 93 ans, il est assurément un des plus vieux.

D’aussi loin qu’il se souvienne, parce que la mémoire est une faculté qui oublie, mentionne-til au passage, il a toujours eu un faible pour l’aviation.

« J’étais tout jeune et je voulais avoir un avion », insiste-t-il.

Louis-philippe Lebeau a fait son cours dans les années 70. Il est officiellement devenu pilote à 45 ans. C’était il y a 48 ans.

Roberval, Val-d’or, Montréal, Nouveau-brunswick, Gaspésie, Laurentides... Au total, c’est aux alentours de 950 heures de vol qui se retrouvent dans son carnet de bord. Mis à part une quarantaine d’heures, ce sont des vols sur flotte qui ont été réalisés par le Latuquois.

Du jour un à aujourd’hui, le pilote estime que c’est toujours le même sentiment lorsqu’il prend le contrôle de l’avion. « C’est toujours la même flamme qui brûle », lance-t-il.

Il s’est départi de son avion au début des années 2000, mais il n’a pas perdu la passion pour autant. Chaque année depuis, il a loué un avion pour voler le nombre d’heures nécessaire afin de garder son droit de piloter.

Il doit toutefois attester d’une bonne santé annuellement afin de conserver ses acquis. Chaque fois, c’est un stress, peu importe l’âge, assure-t-il. Ce sera dans les prochains jours. Son dernier vol à Parent l’an dernier pourrait bien être le dernier. Il préfère ne pas envisager la possibilité tout de suite. « J’ai déjà vu des pilotes avoir leur licence jusqu’à 102 ans ! […] Je ne sais pas comment ça va aller cette année. J’ai commencé à faire de la haute pression un peu. C’est possible que je ne sois pas capable de renouveler ma licence », dit-il lucidement.

« Chaque fois qu’un pilote doit passer un examen médical, il a peur ! Peu importe son âge. »

GRAVE ACCIDENT

Louis-philippe Lebeau le sait : ce sera tout un deuil à faire, mais il devra se faire à l’idée et suivre les règles. Il aura toutefois toutes ces histoires de vols à se remémorer, qu’elles soient bonnes ou moins bonnes.

Il faut dire que M. Lebeau a survécu à un grave accident d’avion en 1988, alors qu’il n’était pas aux commandes.

« J’aurais dû l’empêcher de décoller. Ça n’aurait pas dû arriver. On ne décolle pas le vent dans le dos », lance-t-il, comme si l’événement était arrivé hier.

Fracture du crâne, dislocation d’une hanche ; les blessures ont été multiples. Louis-philippe Lebeau a passé un long séjour à l’hôpital.

« J’étais magané. Il a fallu deux ans pour me remettre de ça. »

Mais pas question de renoncer à voler. À sa sortie de l’hôpital, il a repris les commandes. Il est rentré chez lui en avion.

Il se souvient d’un vol en plein orage électrique, d’avoir apporté des boîtes de scrutin aux quatre coins du territoire de La Tuque lors d’élections, d’une fois où ça aurait pu mal virer avec son ami « Voyou »... Il se souvient toutefois surtout de la beauté de tout ce qu’il a pu voir du haut des airs.

« La province de Québec offre une multitude de paysages. Je n’ai pas assez visité la province. Je n’ai pas eu le temps ! J’aurais dû prendre plus de temps. »

PRUDENCE ET HUMILITÉ

Pour être un bon pilote, il n’y a pas de recette miracle, selon M. Lebeau. Il faut avoir du sang-froid et ne faut pas être trop téméraire. Il faut être humble et suivre les conseils de ceux qui ont de l’expérience.

S’il a été infirmier une partie de sa vie, on le reconnaît surtout comme pourvoyeur. Il a fondé la Pourvoirie Haltaparche, située au sud du barrage Gouin. Il en a été propriétaire jusqu’au début des années 90. Son avion était un incontournable pour se déplacer dans ce secteur forestier de la Haute-mauricie.

« J’avais fait faire une piste sur mon terrain pour que les avions viennent ! […] J’avais beaucoup de clients avec des avions », souligne-t-il.

Les souvenirs y sont nombreux. Il se rappelle encore avoir reçu des clients importants, dont Wendell H. Ford, qui a représenté le Kentucky au Sénat américain de 1974 à 1999. Les souvenirs et les photos de cette visite ont été encadrés. « Il est venu avec son avion et dix autres personnes. Ils avaient réservé la place pour une semaine », se souvient-il.

« J’ai reçu aussi beaucoup de propriétaires de grandes compagnies hydrauliques américaines. Ils venaient à la pêche chez nous, mais ils venaient aussi pour étudier les rivières qui produisaient régulièrement du courant », raconte-t-il.

En juillet dernier, ses proches ont souligné ses nombreuses années de pilotage à l’aéroport de La Tuque. M. Lebeau a reçu une lettre de l’assemblée nationale signée par le ministre des Transports, François Bonnardel, afin de le féliciter pour sa carrière exceptionnelle de pilote de brousse.

« C’est un exploit formidable et je tenais à vous le souligner », peut-on lire dans cette lettre.

En pleine forme à 93 ans, Louisphilippe Lebeau s’occupe de la maison seul, avec un peu d’aide. Il est également cuisinier plus souvent qu’à son tour. Le pain n’a plus de secret pour lui et les épices non plus. Il est en forme et il est prêt, si la santé le permet, à prendre les commandes pour un autre vol.

NÉCROLOGIE

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2021-09-18T07:00:00.0000000Z

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