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Ces rencontres qui restent gravées dans la mémoire

PATRICIA RAINVILLE — ARCHIVES LE PROGRÈS PATRICIA RAINVILLE prainville@lequotidien.com

Ce qui est magique, dans le métier de journaliste, c’est d’avoir la chance de rencontrer des gens qu’on n’aurait sans doute pas croisés en temps normal. Premiers ministres, vedettes de cinéma, peintres de renom, athlètes olympiques, scientifiques, héros ; la liste est longue.

Mais s’il y a une rencontre qui m’a marquée au cours de ma carrière, c’est celle avec Chantale Poissant.

Le nom ne vous dit peut-être rien, mais si je vous parle de l’ermite de Saint-félix-d’otis, peutêtre la replacerez-vous.

La dame est décédée il y a quelques jours. Elle avait seulement 60 ans. Elle a rendu l’âme dans son habitation rustique, où elle vivait depuis 23 ans, recluse de la société d’aujourd’hui.

Je l’avais rencontrée en 2011 pour le journal, lors d’une fête qu’elle avait organisée chez elle avec des amis de son village. J’avais alors 24 ans et cette entrevue m’avait profondément touchée. Le photographe Sylvain Dufour et moi nous étions présentés sur sa terre, sans nous annoncer. D’abord réticente, elle nous avait finalement accueillis à bras ouverts, gentille et généreuse. Elle nous avait offert du jus de rhubarbe concocté pour l’occasion. Elle nous avait fait une place parmi ses amis.

Le mode de vie de Chantale Poissant, qui se nourrissait de ce qui poussait ou courait autour d’elle et qui faisait tout de ses mains, avait de quoi d’impressionnant. Elle m’avait alors dit vivre avec une centaine de dollars par année. Que les valeurs d’aujourd’hui ne lui correspondaient pas et qu’elle n’avait pas l’intention de retourner vivre dans la civilisation. Le bois et la solitude la rendaient heureuse.

Je ne devais pas être la seule intéressée par la dame, puisque chaque année, depuis 10 ans, je recevais des messages de journalistes d’un peu partout au Québec et d’europe, qui me demandaient, après être tombés sur mon reportage sur Internet, si j’avais les coordonnées de l’ermite de Saint-félix. Ils s’intéressaient eux aussi à cette originale dame.

J’ai beaucoup pensé à elle, au cours des 18 derniers mois. J’ignorais qu’elle était malade, mais je me suis demandé comment une personne vivant recluse de la société voyait la pandémie. Je me demandais si elle était au courant que la planète était confinée. Probablement que oui, puisqu’elle avait tout de même plusieurs amis. Mais j’aurais aimé la questionner à ce sujet.

Mais non, je n’avais pas ses coordonnées. Et je n’aurai finalement pas eu le temps de le faire, puisque Chantale Poissant est décédée d’un cancer, chez elle, loin du rythme effréné de la vie d’aujourd’hui. Son mode de vie était à des annéeslumière du nôtre. Mais sa soeur a confié à ma collègue Isabelle Tremblay qu’elle n’avait jamais regretté son choix de tout laisser derrière pour vivre son rêve.

Ce genre de personne m’épatera toujours. Ceux et celles qui font fi du jugement des autres pour faire ce que leur coeur leur dicte.

Je ne l’ai rencontrée qu’une seule fois. Elle n’était ni une élue qui change le monde, ni une vedette de la télévision, ni une triple médaillée olympique. Et pourtant, elle restera sans doute dans mon top-10 des entrevues les plus marquantes de ma carrière.

Sans doute parce qu’elle était tout simplement authentique.

ENTRE ELLE ET LUI

fr-ca

2021-09-18T07:00:00.0000000Z

2021-09-18T07:00:00.0000000Z

https://lequotidien.pressreader.com/article/282952453332553

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