PLANCHES À DESSIN

L’univers de Jasmin Bugeault se déploie sur les murs de la bibliothèque de Chicoutimi jusqu’au 27 septembre

Pour sa première exposition, Jasmin Bugeault frappe fort. Intitulée Ça planche, elle regroupe 29 images peintes essentiellement sur des planches à roulettes. Chacune montre des personnages issus de l’imagination fertile de l’artiste âgé de 47 ans. Son univers, qui semble tout droit sorti d’une bande dessinée au caractère fantastique, se déploie sur les murs de la bibliothèque municipale de Chicoutimi jusqu’au 27 septembre.

Accrochées à la verticale, à la manière d’un tableau, ses créations prêtent vie à des personnages dont la forme s’apparente à celle des humains, mais parfois aussi à des animaux, voire à des créatures extraterrestres. Certains sont jolis, tellement qu’on pourrait en faire des peluches destinées aux enfants. D’autres, en revanche, n’auraient pas déparé dans un tableau de Jérôme Bosch, style Le jugement dernier. Leur look tentaculaire, accentué par une langue impossiblement longue, ne donne pas le goût de les voir s’insinuer dans un songe. Le réveil serait aussi brutal que libérateur.

« Chaque fois que je peins une planche, je raconte une histoire que j’ai inventée, dans un univers que j’ai inventé. Elle met en scène ce que j’appelle La Membrane, un monde microscopique, insectoïde et aquatique où on retrouve des extraterrestres. Il s’agit d’un monde en mutation, a décrit Jasmin Bugeault à l’occasion d’une entrevue accordée au Progrès. L’exposition donne une bonne idée de ma vision, de la thématique qui relie tout ça. Je trouve ça l’fun.»

Sur les murs de la bibliothèque, il lui est arrivé de rapprocher deux ou trois planches parce que la palette de couleurs était similaire, qu’elles avaient un thème en partage. Les titres laissent voir un bout de la trame narrative, mais on est loin d’un parcours fléché. Ainsi, il ne suffit pas de lire Une araignée dans le plafond, Où est le lapin ? ou Elle va naître pour décoder l’oeuvre correspondant à ces descriptions sommaires.

L’imagination des visiteurs est donc fortement sollicitée, comme l’est celle de l’artiste au moment où il réalise ses croquis. Illustrateur professionnel, il ne se verrait pas appliquer de la peinture acrylique sur une planche en se laissant guider par son seul instinct. « Il faut que je visualise mon affaire, souligne ainsi Jasmin Bugeault. Comme j’ai besoin de balises pour créer, je dois savoir où je commence et où je finis. »

La peinture est appliquée à l’aide d’un pinceau ou d’un crayonpompe. Quant au support, il a commencé à l’explorer il y a deux ans, sur des planches usagées. Après avoir été dûment sablées, elles se transforment en tableaux si bien adaptés à leur format que ça semble couler de source. « J’aime peindre sur des canevas qui ne sont pas traditionnels. Le skate, ça nous sort du carré », fait valoir le Chicoutimien.

Signe que cette démarche l’a inspiré, il a diversifié l’approvisionnement afin de maintenir le rythme de sa production. Un manufacturier lui a cédé des modèles défectueux, puis l’artiste a utilisé des surfaces en pin qui n’avaient jamais vu l’ombre d’une roulette, ce qui est également son cas. « Je n’ai jamais fait de planche à roulettes, mais j’aime la culture qui entoure ce sport, son côté bad ass, underground », rapporte Jasmin Bugeault.

Une autre chose qu’il n’a jamais faite, c’est de vendre l’une de ses créations. Pour la simple et bonne raison que personne n’a pu les voir avant qu’elles aboutissent à la bibliothèque de Chicoutimi. « Je n’ai jamais même essayé. Le monde de la peinture, je commence seulement à tâter ça », énonce l’artiste.

Déjà, cependant, il a un autre concept en tête, comme en font foi les figurines regroupées dans un présentoir. Ce sont des tableaux 3D et chacun a sa personnalité, qui transcende ses modestes origines.

« C’est super hot de faire ça. Je vais en peindre des plus gros », annonce Jasmin Bugeault, qui poursuivra cette veine créative parallèlement à une troisième série centrée sur le bois de palette.