LeQuotidienSurMonOrdi.ca

AVANT JONATHAN ET CAREY, IL Y A EU JIMMY

IAN BUSSIÈRES ibussieres@lesoleil.com

Plus de six décennies avant Jonathan Drouin et Carey Price, l’ancien voltigeur des Red Sox de Boston Jimmy Piersall, décédé en 2017 à l’âge de 81 ans, avait été l’un des premiers sportifs à parler publiquement de ses problèmes de santé mentale. Piersall a publié en 1955 le livre Fear Strikes Out, qui racontait son combat quotidien avec le désordre bipolaire, alors que la santé mentale des athlètes était encore un sujet tabou.

L’ouvrage avait même été adapté un peu maladroitement au cinéma, en 1957, par Robert Mulligan avec Anthony Perkins dans le rôle de Piersall. On raconte que l’enfance de Piersall durant la Grande Dépression aurait eu un impact important sur la santé mentale du talentueux et extravagant athlète, dont la mère avait aussi dû composer avec des problèmes de ce type.

Embauché à l’âge de 17 ans par les Red Sox de Boston, Piersall, reconnu pour l’excellence de son jeu défensif, avait lancé sa carrière dans les majeures à l’âge de 20 ans, en 1950, et était devenu un joueur régulier trois ans plus tard, alors qu’il a établi un record d’équipe en frappant six coups sûrs dans un match de neuf manches.

C’est cependant son comportement erratique sur le terrain qui retenait souvent l’attention, durant cette période : ses nombreuses prises de bec avec les arbitres, une bagarre avec Billy Martin, des Yankees de New York, sur le terrain, puis avec son coéquipier Mickey Mcdermott, dans l’abri des Sox, et un autre incident où il avait donné une fessée au fils d’un autre coéquipier avaient amené les Red Sox à le rétrograder dans les ligues mineures en 1952.

Avec les Barons de Birmingham, la situation ne s’est pas améliorée pour Piersall, qui a été expulsé de quatre matchs pour ses colères qui survenaient souvent après qu’il ait été retiré au bâton. Suspendu, Piersall a demandé de l’aide et a été traité dans un hôpital du Massachusetts.

Les médecins avaient alors diagnostiqué ce qu’ils qualifiaient « d’épuisement nerveux ». On allait vite découvrir qu’il s’agissait plutôt de maniaco-dépression, le terme utilisé à l’époque pour qualifier le désordre bipolaire. Piersall était demeuré en institution pendant sept semaines, ratant le reste de la saison et recevant des traitements par électrochocs, ainsi que du lithium, une médication qu’il allait prendre toute sa vie.

Ses traitements lui ont permis de se remettre, de sorte qu’à son retour au jeu en 1953, il a fait partie des prétendants au titre de joueur le plus utile de la Ligue américaine. C’est aussi à ce moment qu’il a commencé à travailler sur son projet de livre afin de raconter son histoire. Fear Strikes Out, écrit en collaboration avec le journaliste sportif Al Hirshberg, allait paraître deux ans plus tard.

INSULTES ET ATTAQUES

Les aveux au sujet de sa santé mentale n’ont cependant pas été bien vus par tous, durant les années 50 et 60, et Piersall recevait régulièrement des insultes de la part de spectateurs et de joueurs adverses. Le 10 septembre 1961, alors qu’il portait les couleurs des Indians de Cleveland, deux fans des Yankees de New York ont sauté sur le terrain durant un match pour s’en prendre à lui, alors qu’il patrouillait le champ centre, au Yankee Stadium.

Piersall avait envoyé le premier au tapis d’un coup de poing et le second avait pris ses jambes à son coup. Piersall s’était mis à sa poursuite pour tenter de lui botter le derrière, mais ses coéquipiers Johnny Temple et Walt Bond avaient attrapé le fuyard en premier, lui assénant quelques solides coups. Ne faisant ni une ni deux, Piersall allait voler un circuit à Johnny Blanchard sur le jeu suivant, récoltant même des applaudissements des chauvins partisans new-yorkais !

Ses problèmes de santé mentale ont refait surface en 1960, alors qu’il s’alignait avec les Indians et que le médecin de l’équipe lui avait prescrit des traitements psychiatriques après une série d’incidents contre les Yankees. L’équipe avait même instauré un système de bonis visant « l’amélioration de son comportement », qui avait permis à Piersall de récolter 2500 $ de plus cette année-là.

Malgré tous les ennuis que sa condition lui a apportés, Piersall n’a pas hésité à déclarer dans Fear Strikes Out que « devenir cinglé était probablement la meilleure chose qui lui soit arrivée ». « Qui avait entendu parler de Jimmy Piersall avant que ça arrive ? », avait-il écrit dans son bouquin.

UN PHÉNOMÈNE

Il faut dire qu’au-delà de ses problèmes de santé mentale, Piersall était un phénomène qui ne détestait pas du tout épater la galerie. Il s’assoyait régulièrement sur la clôture du champ extérieur, s’est déjà amené au bâton avec sur la tête une perruque des Beatles, parlait au monument de Babe Ruth au champ centre du Yankee Stadium et a déjà célébré le coup de circuit d’un coéquipier en l’arrosant à l’aide d’un fusil à l’eau.

En 1963, quand il a frappé le centième coup de circuit de sa carrière, il a franchi les buts dans le bon ordre, mais en courant à reculons ! En une autre occasion, il avait caché des oiseaux sous sa casquette et les volatiles se sont envolés quand il l’a retirée, à la grande surprise des spectateurs. « Mes meilleures années sont derrière moi, mais je fais 40 000 $ par année. Vous savez pourquoi ? Parce que les gens viennent au stade et s’attendent à ce que je fasse des bêtises. Alors, de temps à autre, je leur donne ce qu’ils veulent et je fais quelque chose d’un peu fou. Juste assez pour leur faire plaisir. Ça me permet de garder un bon salaire, car vous savez, j’ai neuf enfants à nourrir ! », aurait-il déclaré au lanceur Tommy John, durant les années 60.

En plus de ses frasques, Piersall a toujours été un atout pour son équipe durant ses 17 saisons dans les majeures, participant au Match des étoiles en 1954 et en 1956, et remportant le gant doré en 1958 et en 1961. Et il a toujours continué de parler publiquement de sa maladie pendant et après sa carrière, encourageant les amateurs et les sportifs à demander de l’aide, alors qu’il était devenu commentateur sportif.

DIVERTISSEMENTS

fr-ca

2021-10-16T07:00:00.0000000Z

2021-10-16T07:00:00.0000000Z

https://lequotidien.pressreader.com/article/282617445938124

Groupe Capitales Media