LeQuotidienSurMonOrdi.ca

PLONGER dans son rêve

PATRICIA RAINVILLE prainville@lequotidien.com PATRICIA RAINVILLE

AVEC FRANCIS CROFT, ACROBATE SAGUENÉEN

J’ai changé mon cellulaire, il y a quelques jours. Jusque-là, rien pour écrire à sa mère, mais changer de cellulaire de nos jours est pratiquement devenu un événement. Comme bien des gens, la première utilité de mon cellulaire n’est plus de téléphoner, mais plutôt de prendre des photos. C’était d’ailleurs mon critère numéro 1 lorsque le gars de la boutique m’a demandé ce que je cherchais.

Une fois partie du magasin avec mon nouvel engin en main, j’ai rapidement testé les fonctionnalités photographiques du téléphone. C’est en découvrant les différents paramètres que je me suis rendu compte que je pouvais programmer les filtres de selfies pour qu’ils soient toujours en fonction. Que ces photos soient toujours prises ainsi, sans que j’aie à les retoucher ensuite.

Et ça ne se traduit plus seulement par un petit teint embelli.

Réduire le double menton et augmenter la taille de mes yeux, entre autres, s’ajoutent maintenant au filtre à la peau sans imperfections disponible pour camoufler nos défauts. Bien sûr, j’ai fait quelques photos avec ces filtres et d’autres sans, histoire de comparer les résultats.

Grands yeux de biche, teint de pêche, rides disparues et mâchoire découpée ; ce n’était plus vraiment moi. Et je dois dire que j’ai trouvé ça complètement ridicule.

Je suis rendue assez vieille pour assumer mon double menton et mes rides aux coins des yeux, mais je ne peux m’empêcher de me mettre dans la peau d’une jeune fille qui découvre ces fonctionnalités. Vous n’avez qu’à faire un tour sur Instagram et vous verrez qu’il n’y a plus grand-chose sans filtre aujourd’hui. C’est plate, mais c’est ça.

Comment ces jeunes femmes pratiquement nées avec un filtre sur le visage accepteront-elles de vieillir ? Comment ces adolescentes se forgeront-elles une estime de soi en se comparant à ces images de visages et de corps retouchées, à la limite de l’irréel ? On se trouve un peu moins cute lorsqu’on voit une photo de nous au naturel, après en avoir pris 100 avec filtre.

À l’ère où on milite pour la diversité corporelle, on nous bombarde d’applications pour rentrer dans ce moule de la beauté, qui est à des annéeslumière de la réalité. Belle ironie...

Ça me fait toujours sourire lorsque je vois des photos sous lesquelles on spécifie qu’elles n’ont pas été retouchées. Ou ces vidéos dans lesquelles la personne nous dit qu’elle n’a pas utilisé de filtre, cette fois-ci. Comme si c’était un exploit. Comme si c’était une exception. Ça devrait plutôt être la norme. Parce que, vous savez, même si on est parfaites sur les médias sociaux, notre beau teint de pêche et nos yeux de biche ne nous suivent pas dans la vraie vie. On a l’air de ce qu’on est.

Je n’aurais pas voulu être adolescente en 2021. Et je suis certaine que je serais tombée dans le panneau à cet âge. Ce genre de filtres, d’applications et tout ce tralala peuvent faire des ravages. L’estime de soi est tellement quelque chose de fragile. Difficile à forger et détruit en un simple filtre.

LE MAG

fr-ca

2021-10-16T07:00:00.0000000Z

2021-10-16T07:00:00.0000000Z

https://lequotidien.pressreader.com/article/283012582929356

Groupe Capitales Media