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Des Fêtes angoissantes

En plus du magasinage et des préparatifs, l’idée de se rassembler peut susciter une pointe d’anxiété à l’approche de Noël, un sentiment décuplé par le retour à une quasi-normalité

CAROLYNE LABRIE clabrie@lequotidien.com

Magasinage des cadeaux pour les proches, invitations pour des soupers au restaurant entre amis ou chez la bellefamille, partys de bureau. Visiblement, la frénésie s’empare de nous et notre agenda du temps des Fêtes sera plus chargé que celui de 2020. Un peu étourdis par tout cela, certains regrettent le calme de l’an dernier. Cette presque normalité retrouvée suscite chez eux une pointe de culpabilité et d’anxiété.

« Le temps des Fêtes finit toujours par être une période trop stressante, avec trop d’activités. Je finis les vacances complètement épuisée. J’ai aimé ça l’an dernier, en petit cocon avec ma famille, à pouvoir me coucher tôt », lance une maman de trois enfants qui préfère ne pas se nommer par crainte de faire de la peine à ses proches, qui ont hâte de les recevoir.

Elle n’est pas la seule à avoir de la difficulté à se mettre dans l’ambiance cette année et à ressentir une certaine angoisse.

Socioanthropologue à l’université du Québec à Chicoutimi (UQAC), Jacques Cherblanc convient que « c’est comme sortir du placard », d’annoncer qu’on souhaite laisser tomber une réunion familiale pour rester à la maison. Le dire haut et fort vient remettre en cause les valeurs traditionnelles du groupe. « Une fête de famille s’inscrit dans la tradition. Ça permet de réactualiser nos liens et le partage d’un repas, c’est le fondement de toute communauté. »

Jacques Cherblanc ajoute qu’en temps normal, il n’y a pratiquement pas de remise en question. Les gens vont se conformer et participer aux différents rites. Mais la pandémie est venue bouleverser la tradition et renforcer la valeur de l’intimité chez certains.

Celui qui est aussi directeur du Laboratoire d’expertise et de recherche en anthropologie rituelle et symbolique ajoute qu’au Saguenay–lac-saint-jean, les familles sont grandes et tissées serrées. Le temps des Fêtes devient un véritable marathon, qui peut s’avérer épuisant.

Certains ont donc décidé qu’ils allaient ralentir le rythme et refuser quelques invitations ; pour d’autres, juste à penser dire non devient source d’anxiété.

LA COURSE AU PLUS BEAU CADEAU

Professeur de marketing à L’UQAC, Damien Hallegatte remarque que le stress lié à la période des Fêtes débute dans les commerces et cette année, la situation est particulière.

« À Noël, on veut performer. Il y a toujours une pression pour faire les bons cadeaux, mais là, on est dans une situation qu’on

n’a jamais connue. On nous parle de ruptures de stock et de problèmes d’approvisionnement. Ça envoie l’image que tout peut manquer », fait remarquer le professeur.

C’est un peu le cas de Mariemichèle Gagné, qui a hâte de voir la famille, mais qui anticipe déjà les cinq soupers prévus entre le réveillon et le 31 décembre. Elle panique à l’idée qu’elle n’a acheté que la moitié de ses cadeaux, a-telle confié au Progrès.

Une petite virée dans les magasins permet d’ailleurs de constater rapidement que les gens sont stressés, anxieux. « À cela s’ajoute l’augmentation des prix, qui est bien réelle. Ça devient anxiogène pour le consommateur et la magie de Noël finit par s’estomper un peu », ajoute M. Hallegatte.

DE NOUVEAUX RITUELS

Jacques Cherblanc souhaite aux gens qui sentent pointer un stress plus grand à l’approche des Fêtes de pouvoir en parler. « C’est anxiogène si ça s’arrête là, mais ça peut permettre une remise en cause et on peut prendre un pas de recul par rapport à nos agissements. » Le temps des Fêtes 2020 aura amené de nouveaux rituels dans certaines familles, et certaines comptent bien les garder. Une soirée à l’extérieur avec quelques feux d’artifice. Des journées en pyjama à regarder des films en famille.

Pour ce qui est de la surconsommation observée à ce moment de l’année, les deux experts interrogés par Le Progrès ne voient pas de changement majeur.

Jacques Cherblanc remarque néanmoins que certaines personnes « veulent se reprendre pour l’année passée ».

Damien Hallegate, lui, constate que « certaines mentalités changent en raison de la pandémie, mais pas le système économique, qui lui veut de la croissance ».

Certains se disent bien à la maison et n’ont pas tellement envie de participer à plusieurs réunions familiales, cette année.

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2021-12-04T08:00:00.0000000Z

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