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LA RECETTE FAMILIALE PAR EXCELLENCE PRENDRE LE TEMPS DE CUISINER

STÉPHANE BOUCHARD sbouchard@lequotidien.com

Dans le brouhaha d’un jeudi qui s’annonce occupé à la Boucherie Claude Fortier, une odeur familière pour quiconque a grandi au Saguenay–lac-saint-jean émerge: celle d’une partie des quelque 1200 livres de tourtière qui sont cuisinés chaque semaine dans l’établissement de Chicoutimi.

Prenant quelques minutes de son temps pour discuter avec Le Progrès, le propriétaire de l’endroit, Frédéric Therrien, précise qu’il y a toujours une tourtière en fabrication dans la boucherie.

Que ce soit les petites portions individuelles ou celles qui peuvent nourrir des dizaines de personnes, ce plat traditionnel de la région est devenu une des spécialités du commerce.

La recette comporte quelques éléments confidentiels, principalement dans la manière dont la tourtière est cuite, mais autrement, il n’y a pas de secrets derrière ce succès de ventes.

« Il faut des ingrédients de qualité, prendre le temps, mettre beaucoup d’amour dans la production. Ça goûte bon, l’amour », dit l’homme, ajoutant viser un résultat qui se rapproche d’une recette familiale, plutôt que commerciale.

Faire une tourtière est simple. Le plat est composé de deux abaisses de pâte, dans lesquelles on met de la viande coupée en cubes et des pommes de terre, elles aussi en dés. Le tout est cuit lentement, avec du liquide.

Mais cette recette possède autant de variations qu’il y a de familles au Saguenay–lac-saint-jean.

C’est le cas de celle de Louise Girard, 83 ans. Dès l’âge de 13 ans, le contexte familial dans lequel elle a grandi, dans le rang Saintpierre à Chicoutimi, l’a amenée à apprendre sur le tas les rudiments de la cuisine.

Venant d’une famille de 14 enfants, c’est de sa soeur un peu plus âgée que lui vient sa recette de tourtière. Chose plutôt rare, elle la cuisine avec de la volaille.

« Je mets du poulet, du porc et du boeuf maigres dans une pâte, que je ferme en faisant une cheminée, raconte-t-elle. Je mets des patates. Un peu plus qu’il y a de viande. Je la fais cuire avec du bouillon de dinde, que j’ai fait avec des os achetés chez le boucher. Les seuls autres ingrédients sont de l’oignon, du sel et du poivre. »

Celle qui a transmis sa recette de tourtière aux générations suivantes – sa fille a consigné la marche à suivre en la notant précieusement – a l’habitude de cuisiner pour plusieurs. Jusqu’à récemment, avant que sa santé ne l’oblige à arrêter, elle faisait à manger pour des prêtres dans un séminaire de

« Il faut des ingrédients de qualité, prendre le temps, mettre beaucoup d’amour dans la production. Ça goûte bon, l’amour. »

— Frédéric Therrien

Québec. Elle y préparait de 20 à 25 repas par jour.

« Je cuisinais des repas deux fois par jour. Il y avait des gens qui venaient d’italie, du Mexique, du Pérou. La tourtière était toujours appréciée », se souvient Mme Girard.

L’ancienne chef propriétaire du restaurant Le Privilège à Chicoutimi, maintenant consultante dans le monde de la restauration, Diane Tremblay, remarque des tendances contradictoires dans le monde de la cuisine actuel.

D’un côté, le savoir culinaire n’a jamais été aussi accessible ; de l’autre, on prend de moins en moins de temps pour cuisiner.

Les recettes traditionnelles, bien qu’enseignées dans les différents centres de formation, dont celui du boulevard Mellon à Jonquière, n’occupent plus la même place qu’auparavant dans notre quotidien.

« La cuisine de nos mères et nos grands-mères comportait des techniques dans lesquelles on prenait le temps de cuisiner, de réfléchir aux mélanges. Toutes les bonnes choses qu’elles faisaient étaient réfléchies », estime celle qui réside dans la région de Québec depuis bientôt 10 ans et qui qualifie notre cuisine régionale de « cuisine métissée », en raison de l’influence de plusieurs pays.

Si le « local » occupe aujourd’hui une place importante et est même un argument de vente, à l’époque, des plats savoureux ont été conçus avec ce que les femmes avaient sous la main.

À DÉGUSTER À L’ANNÉE

Souvent associée au temps des Fêtes, la tourtière se déguste cependant à l’année. Les quantités produites sont moins grandes en dehors de la période actuelle de l’année, mais la Boucherie Claude Fortier écoule de la tourtière à longueur d’année.

« C’est un repas que l’on sert

dans les rassemblements. On en vend plus l’automne, mais il y a aussi des rassemblements en été. C’est un produit qui est facile à servir, qui rapproche le monde. Tout le monde aime ça », résume Frédéric Therrien.

Et il n’est pas nécessaire d’attendre une grande occasion pour manger de la tourtière. « On voit souvent des gens arriver à 16 h, en semaine, qui achètent une tourtière et qui vont la mettre dans le four pendant qu’ils vont faire les devoirs et les leçons des enfants. C’est bon tout le temps », de lancer M. Therrien.

À la fin, il reste seulement une question. Avec ou sans ketchup ?

RECETTES DES FÊTES

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2021-12-04T08:00:00.0000000Z

2021-12-04T08:00:00.0000000Z

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