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DE RÉSIDENCE MAUDITE À MAISON DE SES RÊVES

PAULE VERMOTDESROCHES

pvermot@lenouvelliste.qc.ca

Achèteriez-vous une maison à l’intérieur de laquelle des meurtres ont été perpétrés ? Cette question, Diane Parent a eu à se la poser très sérieusement lors de l’achat de sa première maison. La résidence de la rue Milot, dans le secteur Capde-la-madeleine, avait tout pour lui plaire. C’était un véritable coup de coeur. Mais à l’intérieur de ces murs, quelques années auparavant, deux meurtres avaient été commis par Alain Piché, qui a tué, décapité et congelé ses parents. Une histoire qui a bouleversé la région.

La lumière du soleil entre à pleins rayons par la fenêtre du salon, et éclaire jusqu’à la cuisine. Diane Parent nous accueille dans un de ses éclats de rire légendaires. Elle aime sa maison, et est visiblement fière de nous la faire visiter. Dans ce salon qu’elle habite depuis maintenant dix ans, tout a été placé avec soin. Sur le coussin du sofa, il y a cette inscription : « My happy place ». Difficile de croire qu’entre les murs de cette maison s’est pourtant déroulé l’un des crimes les plus sordides des dernières années à Trois-rivières.

Son histoire fera d’ailleurs l’objet de l’émission Résidences maudites sur les ondes de CASA, une émission à laquelle Mme Parent a accepté de participer. Le compte-rendu de son histoire sera diffusé ce lundi 6 décembre à 21 h, lors du dernier épisode de cette fascinante série. Épisode auquel votre humble scribe a également apporté sa contribution.

On se souviendra que le 21 mars 2007, les corps de Gaétan Piché et Lucie Fournier avaient été découverts décapités et placés dans un congélateur au sous-sol de la résidence familiale. L’enquête révélera très vite que l’auteur de ce crime était leur fils, Alain Piché. Atteint de schizophrénie, le comptable de 36 ans avait agi de la sorte, car il se croyait investi d’une mission et voulait éviter le génocide de cinq millions d’individus établis au sud de la France. Avant de les rejoindre, il était convaincu de devoir couper tout lien qui le rattachait au Canada, la raison pour laquelle il avait tué ses parents. L’homme a été reconnu non criminellement responsable pour cause de troubles mentaux.

C’est au cours de l’année 2011 que la maison de la rue Milot a été mise en vente, une fois la succession réglée. Diane Parent cherchait depuis quelque temps une maison à acheter, sa première après avoir vécu toute sa vie en logement. Pour elle, l’achat d’une première maison devenait la concrétisation d’un grand rêve.

Elle n’oubliera jamais ce coup de fil de son agente d’immeuble ce matin-là. « Elle disait qu’une nouvelle maison venait de s’afficher, mais qu’elle devait me prévenir que deux meurtres avaient été commis à l’intérieur. J’ai tout de suite su que c’était la maison des Piché », se souvient Mme Parent qui, comme tout le monde, avait entendu la nouvelle lorsque le crime avait été commis.

Il est en effet obligatoire pour le courtier immobilier ou le vendeur d’une résidence de déclarer tout suicide ou mort violente qui aurait pu se produire à l’intérieur de la propriété, précise la courtière immobilière Mélanie Bergeron, qui est également l’animatrice de l’émission Résidences maudites avec son conjoint, le courtier immobilier Yanic Parent.

« Ce sont des événements qui ont un impact direct sur la valeur d’une propriété. C’est une obligation de le déclarer, et ça peut parfois mener à l’annulation de la vente ou à une baisse de prix de la maison. Certaines institutions financières sont parfois plus réticentes également à financer des achats de maisons où il y a eu une mort violente », ajoute-t-elle.

Ce jour-là, Diane Parent a tout de même sollicité une visite de la propriété. Après tout, la façade était belle et la description de l’intérieur annonçait un potentiel intéressant. Elle ne l’a pas regretté.

« Ça a été un véritable coup de coeur. Ce qui m’a frappée en premier, c’était la lumière qui entrait, à quel point cette maison était claire. Et elle avait tout ce que je cherchais », se souvient la dame.

Diane Parent a été capable de voir au-delà de cette horrible histoire. Au-delà des traces qui restaient présentes dans cette maison. Même audelà des coups de hache qui étaient encore visibles dans la baignoire, là où le meurtrier avait commis les deux crimes à plusieurs heures d’intervalle, avant de congeler les deux cadavres décapités au sous-sol.

Car une maison n’est pas ce qu’elle a abrité. Une maison ne garde pas avec elle le fardeau de l’horreur ou de la tristesse. Son histoire s’écrit au rythme de l’histoire des gens qui y habitent. Et une maison sera aussi lumineuse que le sourire de ces gens, de ces vies qui marquent un petit bout de son existence. C’est ainsi que Diane Parent le perçoit.

« Pour moi, quand j’ai acheté, c’était surtout la concrétisation d’un grand rêve. Je réalisais le rêve de ma vie d’avoir une maison. J’avais besoin de m’ancrer, je suis un arbre avec des racines qui ne trouvait pas sa place. Ici, j’ai planté mes racines. Je n’ai pas vraiment considéré ce qui s’était passé, j’ai plutôt vu où je pouvais enfin planter mes racines. Et je le ressens encore aujourd’hui, après dix ans. Je regarde autour de moi et je me dis : c’est moi qui ai une belle maison comme ça ? », lance la dame en riant.

Son plus grand défi aura toutefois été celui d’apprivoiser son nouveau milieu de vie. Car ce petit quartier tranquille du secteur Cap-de-lamadeleine, lui, était resté marqué par les événements. Traumatisé. Avec raison.

« Moi, je partais d’une page blanche. Mais tous ces gens, ces voisins, avaient vécu un traumatisme. Je me questionnais sur le regard des autres. Pour moi, les autres, c’est important. Je suis sociable, et la vie de quartier c’est important pour moi. Alors j’ai fait le tour de tous mes voisins. Je suis allée me présenter et leur dire que je venais d’acheter cette maison. Il fallait que j’apprivoise mon environnement, avec respect. Avec certains voisins, ça a parfois pris plusieurs années, et c’était correct. J’ai respecté ça. Il fallait laisser le temps faire son oeuvre », explique-t-elle.

Petit à petit, une pièce à la fois, Diane Parent a mis la maison à sa main. Elle a changé toutes les couleurs. Elle a rénové la salle de bain où les traces du passé étaient encore visibles. Elle a apporté sa lumière à elle à cette résidence. La dame qui vit seule y est allée graduellement, au fil de ses capacités et du temps qu’elle pouvait y consacrer à travers son travail de technicienne en éducation spécialisée au Centre de services scolaire du Chemin-du-roy.

« Cette maison, elle symbolise aussi les sacrifices que j’ai faits pour me l’offrir. Si j’ai ça aujourd’hui, c’est parce que j’ai fait des sacrifices. Je ne fais pas d’extras, je ne me paie pas de café au Tim Horton’s, je ne vais pas au restaurant. Si j’ai pu faire des réparations, des rénovations, c’est parce que j’ai fait des sacrifices, et je continue à faire des sacrifices. Et j’en suis fière », confie-t-elle.

Au détour d’une promenade sur la rue Milot, vous la verrez certainement se bercer sur la galerie avant, à saluer les voisins qui passent par là. Pour Diane Parent, la vie sociale a toute son importance. « Les premières années, les gens étaient curieux et ils me posaient toutes sortes de questions. Ce n’est plus tellement le cas aujourd’hui », constate-t-elle.

Lors de son arrivée, dans l’une des pièces, elle a retrouvé un tableau qui avait été laissé là. L’oeuvre peinte par l’ancien propriétaire, Gaétan Piché, montre un paysage où l’on distingue un moulin et un bateau, surplombés par un magnifique coucher de soleil. L’homme avait un grand talent, fait remarquer Mme Parent. Elle n’a jamais pu se départir de ce tableau. « Il devait y avoir une raison pourquoi le tableau est resté ici. Il ne reste pas grand-chose de l’ancienne vie de cette maison, mais ce tableau-là, il a sa place ici. Je le garde avec moi », indique-t-elle.

L’émission Résidences Maudites sera diffusée le lundi 6 décembre à 21h sur les ondes de CASA.

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