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DES VISAGES ET DES VIES DERRIÈRE LE DÉLESTAGE

pvermot@lenouvelliste.qc.ca PAULE VERMOTDESROCHES

Derrière les statistiques du délestage qui prévaut actuellement dans le système de santé en raison de la vague Omicron, il y a des visages, des histoires. Des personnes qui, même si leur vie n’est pas menacée dans l’immédiat, voient jour après jour leur qualité de vie se dégrader en raison d’une douleur ou d’une condition physique en déclin. Des malades qui attendent un examen, une évaluation pour s’assurer que la maladie ne progresse pas de façon inquiétante. Des dizaines d’histoires qui permettent de comprendre à quel point le système de santé est fragile en temps de pandémie. Et à quel point, devant cette nécessaire, mais impossible réforme à court terme de ce même système, chacun doit faire son effort pour éviter que le délestage ne fasse souffrir encore plus de gens.

C’était en novembre 2020. François Brunet était en train de déménager un divan. Un geste banal, que nous ferons probablement tous une fois dans notre vie. Un faux mouvement, une mauvaise prise et voilà ! Déchirure du ménisque.

Les traitements par injection de cortisone et en physiothérapie n’ont pas réussi à venir à bout de cette blessure, qui s’est aggravée en juin 2021. La chirurgie devenait visiblement la seule option pour qu’il espère un jour retrouver une utilisation normale de son genou et cesser d’avoir mal.

François Brunet attend sa chirurgie depuis tout ce temps. Et les nouvelles provenant du front quant au délestage des patients non urgents lui font comprendre qu’il va attendre encore un bon bout de temps avant de passer sous le bistouri.

« J’étais quelqu’un de très actif. Je faisais plusieurs sports. Maintenant, je ne peux presque plus rien faire. C’est à peine si je peux prendre une marche de quelques minutes », explique le Trifluvien de 42 ans, qui est aussi père de trois enfants. Avec eux, il doit constamment éviter de se pencher, de se mettre à genoux, et il ne peut plus nécessairement les suivre dans toutes leurs activités qu’ils veulent faire.

François Brunet a également changé d’emploi depuis, puisque son ancien emploi nécessitait plusieurs déplacements à pied par jour, ce qu’il n’était plus capable de faire. Il a vu une offre d’emploi qui lui demandait moins d’activité physique, il a choisi de postuler.

Pour le docteur Lossany Touré, chirurgien général à l’hôtel-dieu d’arthabaska de Victoriaville, l’histoire de François Brunet résume très bien l’histoire de nombreux patients qui doivent de nouveau se mettre en attente ces jours-ci. Pour un médecin comme lui, sur le plan humain, cette situation demeure très difficile.

« Ce ne sont pas des chiffres, des statistiques. Ce sont des patients avec qui nous sommes en contact. Chaque report, on sait très bien l’impact que ça aura sur leur qualité de vie, pour eux, pour les gens qui les entourent, pour leur travail. D’un point de vue humain, c’est très difficile pour nous aussi, et ce n’est pas de gaieté de coeur », confie Dr Touré, visiblement conscient que la vocation première d’un médecin, c’est de soigner ses patients. Tous ses patients.

Selon Lossany Touré, l’actuel délestage est planifié en fonction de s’assurer que le corps médical puisse soigner les patients urgents et semi-urgents, de même que ceux qui doivent être traités en oncologie par exemple. La réorganisation des services est faite en fonction d’atteindre ces objectifs, et le corps médical demeure en contact avec les patients pour s’assurer qu’il y ait le moins d’impacts possible.

À ce chapitre, le chirurgien, qui est également président de la section Mauricie et Centre-du-québec de l’association des conseils de médecins, dentistes et pharmaciens (ACMDP), demeure catégorique : il est important de respecter l’ensemble des mesures sanitaires et d’aller chercher la troisième dose du vaccin. « Tous ces éléments ont un impact direct sur les hospitalisations, et donc un impact direct sur notre capacité de traiter un maximum de personnes », affirme-t-il.

Lossany Touré s’inquiète par ailleurs de voir des gens retarder une possible consultation devant ce délestage. « Le but de ce délestage est aussi de nous permettre de traiter les urgences non prévues lorsqu’elles se présentent. Il ne faut surtout pas hésiter à aller consulter lorsqu’une problématique survient. Les médecins de première ligne sont mobilisés et le service Info-santé du 811 peut facilement vous indiquer à quel endroit vous pouvez aller consulter », souligne Lossany Touré, qui rappelle aussi l’importance de se présenter lors d’un rendez-vous, ou de prévenir les intervenants lorsqu’il est impossible pour nous de se présenter, question de pouvoir traiter un maximum de personnes et de pouvoir offrir cette plage horaire à un autre patient qui attend une consultation.

En début de semaine, le premier ministre Legault indiquait en point de presse être à la recherche de plus de 1000 employés dans les hôpitaux et 1500 employés dans les CHSLD au Québec pour affronter la vague Omicron. La région ne fait pas exception, soutient Dr Touré, qui invite toute personne disposée à donner du temps à le faire savoir via la plateforme « Je contribue ».

« Après 22 mois, nos troupes sont fatiguées, mais résilientes. Plusieurs membres du personnel sont en retrait, soit parce qu’ils ont été infectés ou en contact avec un cas positif. Ça a un impact énorme sur l’offre de services. On voit de plus en plus l’effet de la vaccination sur les hospitalisations dans cette vague-ci. La proportion des personnes non vaccinées dans les hôpitaux est très importante. La vaccination permet non seulement d’éviter bien souvent les hospitalisations, mais aussi de développer une forme grave de la maladie ou pire, d’en mourir », martèle Lossany Touré.

Pour François Brunet toutefois, il n’y a pas grand-chose d’autre à faire que d’attendre son tour. Même si la douleur est présente. Même si sa condition nuit à sa qualité de vie. Puisque sa vie n’est pas menacée, il attendra.

« Ça fait partie des choses qui peuvent arriver en pandémie », ditil avec résilience. Mais pour avoir travaillé dans le milieu de la santé il y a plusieurs années, François Brunet n’en démord pas : les réformes passées, et spécialement celle faite sous le gouvernement libéral et le ministre Gaétan Barrette, n’ont en rien aidé la situation actuelle. C’est une structure, un noyau dur, qu’il faudra changer si on veut arriver à s’en sortir, selon lui.

Un immense paquebot qui devra changer de cap un jour ou l’autre.

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