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UN STRESS DE PLUS POUR LES COUPLES INFERTILES

PAULE VERMOT-DESROCHES pvermot@lenouvelliste.qc.ca

Le délestage n’a pas que des répercussions chez les personnes en attente d’une chirurgie ou d’un traitement d’une maladie grave. Des couples infertiles du Québec subissent les conséquences de la hausse des hospitalisations et du délestage nécessaire à éviter une rupture de services. Un stress supplémentaire qui vient s’ajouter à de nombreuses embûches actuellement vécues par plusieurs d’entre eux, en raison d’un conflit qui oppose plusieurs cliniques privées de fertilité et le gouvernement.

Signe que la réalité des couples infertiles est parfois mal comprise et même taboue, les couples qui ont accepté de me parler ont voulu le faire sous le couvert de l’anonymat. Pour celle que nous appellerons Marie-claude, les gens comprennent très mal la réalité des couples infertiles, et ont tendance parfois à minimiser les impacts de ces démarches sur leur vie. Après tout, la vie de Marie-claude n’est pas en danger, elle veut « juste » devenir maman.

Mais voilà, c’est là qu’on juge mal et trop rapidement l’impact d’un délestage sur la réalité de ces couples. Pour plusieurs d’entre eux, ils essaient depuis des années de concevoir un enfant. C’est leur désir le plus cher. Ça se traduit aussi par des traitements, des examens à n’en plus finir, des injections à heures fixes, des rendez-vous qui s’accumulent... et des déceptions qui minent le moral et entraînent des remises en question perpétuelles qui ont un impact direct sur leur santé physique, mentale, sociale et sexuelle. Et malheureusement, l’horloge tourne...

À l’heure actuelle, en Mauricie et Centre-du-québec (MCQ), les services de procréation médicale assistée ne sont pas encore touchés par le délestage, confirme le CIUSSS MCQ. Par contre, la réalité est toute autre dans certaines régions du Québec, dont le Saguenay–lac-saint-jean, où la clinique de fertilité du CIUSSS est bel et bien fermée depuis le 3 janvier en raison du délestage. Selon la porte-parole du CIUSSS Saguenay–lac-saint-jean, Simone Lalancette-larouche, « les suivis déjà débutés sont toutefois finalisés, mais il n’y a aucune nouvelle prise en charge jusqu’à nouvel ordre ».

Marie-claude, qui habite le Saguenay–lac-saint-jean, est engagée depuis plusieurs années dans un processus de fertilité avec son conjoint, après plusieurs autres années d’essais infructueux pour le couple. Elle devait de nouveau reprendre les démarches ces jours-ci. Or, ce ne sera pas possible en raison de cette fermeture.

À moyen terme, la seule option pour les couples de cette région demeure celle de se rendre dans une autre région pour poursuivre les essais. Une décision qui ne va pas sans avoir de sérieux impacts financiers et sur la vie professionnelle.

Marie-claude n’a pas voulu me raconter de vive voix son histoire, elle a préféré me l’écrire. L’accumulation des déceptions fait que pour elle, il est actuellement très difficile d’en parler sans pleurer. Car si elle est victime du délestage dans sa région, ce délestage n’est que la pointe de l’iceberg de ce que tous les couples infertiles traversent en ce moment au Québec.

En novembre dernier, le gouvernement annonçait le retour de la gratuité de ces démarches pour les couples infertiles, selon certains critères. Une merveilleuse nouvelle pour des centaines de couples qui espèrent devenir parents.

Or, avec cette gratuité, les demandes ont bondi. Puis, un bras de fer entre les cliniques privées de fertilité et le gouvernement quant aux frais qui sont reconnus et qui doivent être acquittés a fait en sorte que plusieurs cliniques privées ont cessé de traiter les dossiers couverts par la RAMQ. Résultat : tous ces dossiers ont été envoyés vers le public, et les listes d’attente se sont de nouveau allongées.

C’est aussi ce qu’a vécu Sophie, une Trifluvienne de 35 ans, et son conjoint, qui tentent actuellement de concevoir un bébé. Les essais en insémination du côté du CIUSSS MCQ ont à ce jour échoué. Le couple a choisi d’aller vers le CHU Sainte-justine de Montréal, là où ils pourront avoir une fécondation in vitro au public. Or, les listes d’attente ont explosé, et Sophie craint maintenant d’être elle aussi victime du délestage.

« Je dois passer plusieurs tests, dont une IRM cérébrale pour compléter mon dossier avant de l’envoyer à Sainte-justine. On m’a dit qu’au public, il y avait près de neuf mois d’attente pour cet examen. Et une fois l’examen passé, l’attente à Sainte-justine est encore de plusieurs mois. Est-ce que ça va augmenter encore avec le délestage ? C’est vraiment stressant », constate celle qui dit qu’elle a l’option d’aller au privé pour pouvoir obtenir une IRM, mais qu’elle conçoit que ce ne sont peut-être pas tous les couples qui peuvent se le permettre.

Pour Sophie, l’attente qui s’accumule et qui ne réduit pas avec le conflit qui oppose les cliniques privées et le gouvernement ne fait que nuire à son rêve de devenir maman. « Chaque cycle que je passe me rapproche du moment où ce ne sera plus possible pour moi. J’avance en âge. C’est comme si on avait constamment une épée de Damoclès au-dessus de la tête », considère-t-elle.

À l’association Infertilité Québec, qui défend les droits des couples infertiles, on estime qu’environ 1200 couples sont actuellement concernés par le litige qui oppose les cliniques privées et le gouvernement. Mais la question de l’infertilité, statistiquement, toucherait un couple sur six dans la province. Des histoires qui se vivent bien souvent dans le silence.

La présidente de l’association Infertilité Québec, Céline Braun, assure cependant que dans les régions de Montréal et Québec, les cliniques ne sont pas encore affectées par le délestage. Elle invite toutefois les couples de toutes les autres régions qui pourraient en être victimes à entrer en communication avec l’association.

Pour le moment, les énergies de ce regroupement sont surtout concentrées à faire valoir les droits de ces couples et à plaider pour ne plus qu’ils soient pris en otage dans ce litige. Des démarches se font auprès du gouvernement et des cliniques privées afin de voir ce conflit se résoudre le plus rapidement possible.

Mais pour Marie-claude et son conjoint, le compteur tourne. « Le délestage c’est… un petit bout de tragédie pour aller avec le reste. On le sait qu’il y en a qui attendent pour une chirurgie beaucoup plus importante que “juste vouloir un enfant”. Mais pour nous c’est très difficile. C’est un peu comme si nos traitements n’étaient pas prioritaires aux yeux du monde. Nos vies ne sont pas en danger. Nous ne sommes pas malades », déplore celle pour qui le rêve de devenir maman continue de la motiver à poursuivre ses démarches, coûte que coûte.

Marie-claude, qui habite le Saguenay– Lac-saint-jean, est engagée depuis plusieurs années dans un processus de fertilité avec son conjoint, après plusieurs autres années d’essais infructueux pour le couple. Elle devait de nouveau reprendre les démarches ces joursci. Or, ce ne sera pas possible en raison de la fermeture de la clinique de fertilité du CIUSSS.

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