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«IL VA Y EN AVOIR, DES TABLETTES VIDES »

Les camionneurs non vaccinés refusés à la frontière

MARC ALLARD mallard@lesoleil.com

Laurent Blais espérait un sursis, mais le couperet est tombé comme prévu: dès samedi, ses camionneurs non vaccinés ne pourront plus traverser la frontière canado-américaine.

M. Blais, qui est propriétaire de Transport Harold Carruthers, à Sainte-marie-de-beauce, emploie une vingtaine de camionneurs qui font des allers-retours entre le Québec et les États-unis. Du nombre, cinq ne sont pas vaccinés.

L’un d’entre eux avait l’intention de recevoir une première dose en fin de semaine. Les autres refusent toujours le vaccin. « Les purs et durs, dit M. Blais, ils nous disent qu’ils vont changer de job. »

L’entreprise aura du mal à les remplacer, elle qui est déjà confrontée à une pénurie de main-d’oeuvre.

Laurent Blais n’est pas le seul à faire face à ce problème. Selon l’association du camionnage du Québec (ACQ), entre 10 et 15 % des camionneurs au Québec n’ont pas reçu d’injection contre la COVID-19. Les compagnies de transport québécoises devront se priver de centaines, voire de milliers de camionneurs.

L’industrie du camionnage craint une importante perturbation économique. « C’est sûr que si on enlève un maillon quelque part, il y a une rupture de la chaîne d’approvisionnement, dit Marc Cadieux, président-directeur général de L’ACQ. Il va y avoir un impact autant sur la tablette d’épicerie que dans les usines qui doivent recevoir des matières premières en transformation. »

Chaque semaine, par exemple, les camionneurs de Transport Harold Carruthers ramènent des fruits et légumes des États-unis. Ils transportent aussi chez nos voisins du sud des produits fabriqués par des clients québécois, comme des produits d’imprimerie, des étagères, des portes et des fenêtres.

Laurent Blais est convaincu lui aussi que la fermeture de la frontière aux camionneurs non vaccinés entraînera un manque de nombreux produits dans les épiceries et dans les autres commerces québécois. « Il va y en avoir des tablettes vides », dit M. Blais.

Cette semaine, Martin Lebrun s’est rendu près de Washington, aux États-unis, d’où il ramenait une remorque pleine de fruits et légumes. Mais certains de ses collègues ne pourront plus le faire à partir de samedi.

M. Lebrun, qui est président du conseil d’administration de l’association des routiers professionnels du Québec (ARPQ) et travaille chez Transport Harold Carruthers, est luimême vacciné. Mais il déplore que la frontière soit interdite aux camionneurs non vaccinés. « Ils nous ont toujours reconnus comme un service essentiel, dit-il. [...] Présentement, ils veulent nous refuser ça. Il n’y a rien à y comprendre. »

Martin Lebrun fait valoir que les camionneurs jouent un rôle névralgique dans l’économie. La vaccination obligatoire à la frontière risque de bouleverser une chaîne d’approvisionnement déjà malmenée par la pandémie, en plus de freiner les activités de nombreuses entreprises québécoises, souligne-t-il. De plus, les camionneurs isolés dans leurs camions représentent un faible risque de transmission du virus, estime-t-il.

COUP DE THÉÂTRE

À la mi-novembre, Ottawa avait annoncé que les chauffeurs routiers entrant au Canada devraient être complètement vaccinés d’ici le samedi 15 janvier. Mais, mercredi soir, à trois jours de la date butoir, l’agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a semblé accorder un sursis aux camionneurs non vaccinés.

L’agence a déclaré à des médias que les chauffeurs routiers canadiens non vaccinés arrivant à la frontière demeureraient exemptés des tests et des exigences de quarantaine. Elle précisait toutefois que les camionneurs américains devraient être vaccinés pour entrer au Canada.

Mais jeudi, en fin après-midi, coup de théâtre : l’obligation vaccinale a été maintenue le 15 janvier. Les camionneurs canadiens devront être doublement vaccinés contre la COVID-19 pour éviter la mise en quarantaine à leur retour au Canada, ont confirmé les ministres fédéraux de la Santé, des Transports et de la Sécurité publique.

Les États-unis devraient promulguer leur propre obligation de vaccination pour les camionneurs à la frontière le 22 janvier. Entre les deux dates, les camionneurs québécois non vaccinés n’iront pas aux États-unis. « Tu ne sors pas si tu ne peux pas revenir », dit Marc Cadieux, de L’ACQ.

Selon l’association Manufacturiers et Exportateurs du Québec, jusqu’à 40 % des marchandises ne pourront plus traverser la frontière avec la fermeture aux camionneurs non vaccinés.

« Le secteur manufacturier repose grandement sur le commerce avec les États-unis et sera frappé de plein fouet par l’improvisation gouvernementale », estime Véronique Proulx, présidentedirectrice générale de l’association.

Malgré les pressions de l’industrie, le gouvernement fédéral « continue d’accorder la priorité à la santé et à la sécurité des Canadiens et des Canadiennes dans son intervention contre la pandémie de COVID-19 », ont fait valoir les trois ministres fédéraux dans une déclaration commune.

À mesure que la couverture vaccinale et les taux de cas et d’hospitalisation évolueront, Ottawa promet d’envisager « d’autres mesures ciblées aux frontières ».

De son côté, le chef conservateur, Erin O’toole, a prédit la semaine dernière que « nous allons voir les prix monter en flèche pour l’épicerie, pour tout ».

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