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LE BOURLINGUEUR

JONATHAN CUSTEAU CHRONIQUE jonathan.custeau@latribune.qc.ca

Rêver de Dubaï

Je ne sais pas trop ce qui m’est passé par la tête. En fait, si, je sais. J’ai rechuté en voyant l’aubaine apparaître à l’écran. L’aller-retour entre Montréal et Dubaï coûterait moins cher qu’un week-end à Québec. Moins cher qu’une seule nuit au Fairmont Château Frontenac, même avec un rabais. J’étais comme un enfant qu’on laisse sans surveillance devant un plat de bonbons : j’ai craqué.

C’était début novembre. Les frontières étaient ouvertes. Une majorité de Québécois avaient déjà leur deuxième dose. La vie « normale » faisait mine de recommencer. On planifiait déjà les retrouvailles pour Noël, le réveillon... On commençait à croire que le télétravail serait rapidement chose du passé. Le temps de quelques semaines, j’y ai cru.

Le solde pour Dubaï n’a duré que quelques heures. Les prix montaient toutes les cinq minutes. Il fallait prendre une décision là, tout de suite. J’ai dit « oui je le veux ». Le grand jour viendrait en janvier.

Dubaï, ses grandes tours, ses îles en forme de palmier, sa démesure, ne m’ont jamais donné envie d’un long séjour. La curiosité m’incitait bien à considérer un passage aux Émirats, mais c’est surtout le voisin, Oman, moins connu et surtout moins tape-à-l’oeil, qui me faisait envie. L’occasion était tout indiquée. En toute honnêteté, je connais de nom sa capitale, Mascate, sa réputation pour l’encens et ses paysages montagneux, mais sinon, j’ignore presque tout de ce pays que je dévore des yeux, grâce à la magie du Web, depuis ce jour de novembre.

Je me suis rapidement lancé dans la documentation pour remédier à mon ignorance. Je me suis souvenu que Dubaï accueillait l’expo universelle 2020... à cheval sur 2021 et 2022. L’expo universelle, pour un petit gars né une quinzaine d’années après celle de Montréal, c’est une espèce de Disney World pour les grands. Pour les globe-trotters, c’est le tour du monde idéal, en quelques jours seulement. Les vidéos de 1967, avec le monorail et les pavillons aujourd’hui démolis, relèvent presque de la légende.

Chaque fois que je vois la Biosphère et le Casino de Montréal, j’imagine ce qu’ils représentaient au coeur de l’exposition universelle.

À Shanghai, en 2012, j’ai frôlé la sensation de vivre la fébrilité d’une expo. Deux ans plus tôt, la Chine accueillait le monde. Déjà, il ne restait que des miettes de la plupart des pavillons. Celui de la Chine, une espèce de pyramide inversée rouge, avait été préservé. Il n’était toutefois pas possible de le visiter. Le pavillon de l’arabie saoudite, en forme de paquebot spatial, incarnait pour sa part tout ce que je m’imaginais d’une exposition universelle. Un escalier roulant en spirale nous emmenait dans les hauteurs du bâtiment alors qu’une projection à 360 degrés nous vantait, en palabres et images, les beautés du Royaume. Sur le toit, un jardin avec des palmiers offrait une vue de ce qui était jadis le site de l’expo.

À Dubaï, une ville qui me paraît déjà avoir un pied dans le futur,

j’imagine un événement aux limites de la science-fiction. Le thème sélectionné est d’ailleurs « Connecter les esprits, créer le futur » et on y mise sur la mobilité et la durabilité. 192 pays ont décidé d’y participer. Sur le site Internet de l’événement, on peut admirer l’architecture des pavillons et avoir un aperçu des thèmes exploités par chacun des pays. Dans un environnement 3D, on peut même se promener sur le site et entrer dans certains pavillons.

Avec la magie du Web, mes réseaux sociaux ont aussitôt été bombardés de vidéos de Dubaï.

L’enthousiasme s’est estompé dans un éclair de lucidité : comment voyage-t-on aux Émirats arabes unis en temps de pandémie ? Je me suis mis à chercher, à lire, à défricher et à déchiffrer les exceptions et les exemptions. Il y a cette liste de pays, dont les citoyens sont testés à l’arrivée et forcés à l’isolement en attendant un résultat, on le souhaite, qui serait négatif. Il y a ces autres à qui on souhaitera la bienvenue sur la bonne foi d’un test PCR négatif réalisé à la maison. Mais attention, les règles pouvaient changer si le trajet comportait une escale. C’était mon cas. J’ai eu le vertige.

L’enfant en moi à qui j’avais promis une virée dans un événement digne des Jeux olympiques s’était réfugié dans l’espoir : celui d’une baisse du nombre de cas de COVID, d’un assouplissement des mesures sanitaires, d’un monde où on recommencerait à voyager avec prudence. Aux Émirats arabes unis, le taux de vaccination dépasse 90 %. On rapporte même que 100 % de la population a eu au moins une dose. En date du 8 janvier, la troisième dose avait déjà été administrée à 3,8 M de personnes, soit plus du tiers de la population.

On en apprend des choses sur la vaccination à l’international quand on se sent forcé de faire quelques recherches.

Avec Omicron a commencé la fin de l’espoir. Le Maroc, pays de transition vers Dubaï, a rapidement fermé ses frontières. Elles demeureront presque étanches au moins jusqu’au 31 janvier. Du même coup, ma route venait de se bloquer. La décision s’est prise toute seule. Les cas de COVID sont en hausse à Dubaï depuis la mi-décembre. Depuis le début de la pandémie, les bilans quotidiens n’y ont pas encore rapporté plus de 4500 cas par jour, selon un graphique publié par Google. Mais la courbe, à plus de 2500 cas quotidiennement, n’avait pas commencé à chuter au moment d’écrire ces lignes.

Je ne partirai pas en janvier. Je me doutais que les risques d’annulation étaient grands. L’expo universelle prend fin le 31 mars. Il reste donc un peu d’espace pour ajuster, pour une troisième dose aussi, si Omicron déguerpit aussi vite qu’il est arrivé. Le temps risque de manquer, vous me direz. La pandémie ne devrait jamais nous empêcher de rêver... Sinon, il me faudra peut-être attendre la prochaine exposition universelle... à Osaka en 2025.

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2022-01-15T08:00:00.0000000Z

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