LE PARI RISQUÉ DE LAGABIÈRE

Le 10 novembre 2021, le premier brassin a été réalisé dans les nouvelles installations de Lagabière à Saint-jean-sur-richelieu. Après trois ans d’étude de projets et de construction, la nouvelle brasserie était enfin opérationnelle. Lagabière, c’est l’histoire de deux frères qui ont ouvert un brouepub dans le vieux Saint-jean et qui, moins de dix ans plus tard, ont comme objectif de devenir l’une des trois plus grandes microbrasseries du Québec.

Je connais bien les frères Laganière, j’ai eu l’occasion de les voir grandir dans ce monde de bière qui leur a toujours souri, mais également de voyager avec eux, partageant ainsi quelques soirées plus intimes autour de bières du monde entier. Ils ont d’abord été brasseurs amateurs dans le garage familial, avant l’ouverture du broue-pub en 2012 qui a tracé le chemin d’une fulgurante progression. Aujourd’hui, Lagabière, c’est la volonté de brasser 100 000 hl par année, un projet très ambitieux.

Des microbrasseries indépendantes de 100 000 hl, il n’y en a pas beaucoup. Vous pouvez compter sur les Brasseurs du Nord (Boréale) et les Brasseurs RJ (Belle Gueule), mais le marché de la bière étant très concurrentiel, les productions annuelles ont tendance à varier au gré des ventes, et les calculs sont parfois arrondis avec quelques bières brassées sous licence ou importées. Dans ce cas-ci, Lagabière désire produire 1 000 000 de litres de bière par an dans sa nouvelle usine, soit dix fois plus qu’en 2021. Un investissement estimé à plus de 8 millions de dollars.

UN MARCHÉ CONCURRENTIEL

Habitué de fréquenter les sections bières au Québec, j’ai remarqué un changement de stratégie chez Lagabière. Tout d’abord, les frères Laganière se sont entourés d’une équipe de brassage d’expérience, mais surtout d’une nouvelle équipe de vente et de marketing qui cumule de l’expérience chez les grands brasseurs. Car il est là, le plan stratégique : aller chercher du volume dans les mains des grands brasseurs, indépendants ou non. Toute brasserie qui distribue sur l’ensemble du territoire du Québec est dans la ligne de mire de Lagabière.

Pour y arriver, la nouvelle gamme Laga présente des styles de bières qui ont comme réputation de générer du volume : les Lagablonde, Lagarousse, Lagablanche et Lagastout commencent à être distribuées partout au Québec. L’objectif est d’offrir, à un prix plancher, des produits recherchés par la très grande majorité des consommateurs de bière qui s’identifient à un courant de consommation, bien avant celui des styles. Mais pas uniquement auprès des consommateurs de bière de microbrasseries : la Lagalight veut concurrencer toutes les bières légères au Québec. Un défi à surveiller quand on sait que le terme « light » n’a jamais souri aux microbrasseries.

Le marché du Québec ne représente pas uniquement l’objectif de croissance de la brasserie ; c’est vers l’international qu’elle désire se tourner, surtout avec ses produits phares, comme sa célèbre NEIPA Ta Meilleure. Le marché des États-unis intéresse beaucoup la brasserie. Les prochains mois nous diront si les Américains ont adopté les bières de Saint-jean.

D’ici là, les concurrents de Lagabière n’attendront pas de voir la brasserie prospérer sans rien faire. Le marché de la bière est très agressif. Alors qu’à l’époque, on le savait compétitif entre grandes brasseries, voilà qu’il le devient entre microbrasseries. Il s’agit d’un marché de plus en plus mature, et Lagabière nous le prouve bien en misant sur son augmentation de production.