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ICI, ON S’ÉTALE

ROGER BLACKBURN rblackburn@lequotidien.com

L’étalement urbain est très à la mode dans les médias, par les temps qui courent. Le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) pointe le phénomène comme l’une des causes du réchauffement climatique.

La construction d’un tunnel comme troisième lien, à Québec, fait aussi réagir ceux qui prônent la densification.

Ici, à Saguenay, il n’est pas rare que les élus de la grande ville se crêpent le chignon avec ceux des plus petites municipalités, lesquelles offrent des avantages intéressants pour que des familles s’y installent. Pensons à Saint-honoré ou à Saint-bruno, entre autres.

Le mois dernier, le ministre des Transports François Bonnardel a affirmé : « Je suis qui, moi, pour dire à une jeune famille : “Vu que la mode est à la densification, tu vas aller vivre dans une tour de 12 étages ? ” »

Il a tenu ces propos au sujet des ensembles résidentiels dans la région agricole de Bellechasse, concernant les impacts d’un tunnel Québec-lévis.

UN MODE DE VIE

Je vous confirme, monsieur le ministre, qu’ici, dans mon Saguenay–lac-saint-jean natal, la mode est à l’étalement et que ça fait partie de notre mode de vie.

Je pourrais vous raconter comment je suis étalé urbainement parlant. Mes deux enfants vivent à Montréal et on se visite régulièrement ; soit on monte à Montréal, soit ils descendent au Saguenay. Le fils de ma blonde vit à Québec ; on se voit régulièrement.

Nous avons un chalet au bord du lac Saint-jean, à Chambord, et on s’y rend le plus souvent possible.

J’ai des amis qui vivent au Saguenay dans des quartiers résidentiels avec une piscine dans la cour arrière et qui ont un chalet de ski au Valinouët, à Saint-david-defalardeau, ou au Mont-édouard, à L’anse-saint-jean.

J’ai d’autres amis qui vivent à Saguenay et qui ont un chalet au bord de l’eau en milieu périurbain, autour des lacs Kénogami, Clair, Otis, Grenon et Long, ou sur une centaine d’autres, et qui s’y rendent dès que possible.

J’ai d’autres amis qui vivent à Saguenay ou dans un des villages environnants et qui se rendent fréquemment à leur camp de chasse et pêche en milieu forestier, hiver comme été, avec leur camionnette, pour y pratiquer des activités de motoneige ou de VTT.

L’EFFET

« TROU DE BEIGNE »

Toutes ces personnes utilisent leur voiture pour se déplacer sur le territoire, afin de se rendre à leurs différents lieux de résidence étalés sur le territoire. Ici, à Chicoutimi, on parle de l’effet « trou de beigne ». Les fins de semaine, la ville se vide de son monde, parti au chalet ou au camp de chasse et pêche.

Pour sucrer le sucre, je vais en ajouter une couche : tous ces gens utilisent aussi des tondeuses à gazon, des scies mécaniques, des souffleurs à feuilles, des moteurs hors-bord pour leur chaloupe.

En plus, la plupart de ces gens font des feux de foyer à l’intérieur ou à l’extérieur de leur résidence, le plus souvent qu’ils peuvent le faire, et ils utilisent des bûches coupées à la scie mécanique ou au fendeur à bois au gaz.

Ce n’est pas demain la veille qu’on va éradiquer ce mode de vie.

Je ne sais pas si je vais voir de mon vivant le gars du Saguenay partir avec son pick-up électrique, avec la motoneige électrique dans la boîte arrière, pour monter à son chalet sur la zec Onatchiway, alimenté avec des panneaux solaires, et faire cuire des guimauves sur son feu au gaz propane, pendant que ses engins

de transport se rechargent sur une borne électrique installée sur une épinette.

Ici, dans mon coin de pays, on vit l’étalement périurbain et forestier. On a bâti des chalets partout autour des lacs et il y en a un dégât – environ 4000 juste autour du lac Saint-jean, sans compter les 10 000 chalets de villégiature en forêt publique – sur notre territoire. Chaque année, les MRC attribuent par tirage au sort des terrains, et c’est par milliers que les gens s’inscrivent pour avoir la possibilité de sortir de la ville et de vivre en forêt, sur le bord de l’eau.

Ça va prendre plus que de la bonne volonté, plus que des rapports de spécialistes, plus que des cris du coeur, pour stopper l’étalement de l’humain.

Il va falloir être imaginatifs, car je ne vois aucun ralentissement de l’étalement autour de moi. Ce n’est pas parce qu’on a trois bacs dans l’entrée d’auto qu’on est rendus écolos.

Tant que ce sera plus avantageux de s’installer à Saint-honoré qu’au centre-ville de Chicoutimi, les gens vont le faire. Tant qu’on aura des terrains au bord de l’eau à développer, on va le faire. Quand on parle d’étalement urbain au Saguenay–lac-saintjean, je pense qu’on s’étale bien plus loin que des centres-ville ou des villages voisins.

Une chance qu’on a adopté la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles ! Sinon, on aurait transformé nos champs en stationnement pour véhicules récréatifs...

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