LeQuotidienSurMonOrdi.ca

Un pont et son histoire

Survol du pont de Sainte-anne de Chicoutimi, d’hier à aujourd’hui, à la veille d’importants travaux

PATRICIA RAINVILLE prainville@lequotidien.com

PAGES 2 À 4

C’est en 1896 que le projet de construction d’un pont devant enjamber la rivière Saguenay est évoqué officiellement pour la première fois. Le député conservateur de l’ancienne circonscription Chicoutimi-saguenay, Honoré Petit, parle de ce projet à l’assemblée nationale. Il a toutefois fallu attendre 30 ans avant que cette idée devienne réalité.

DÉBIT DE LA RIVIÈRE PERTURBÉ

Au tournant des années 30, la circulation automobile augmente considérablement, rendant le projet de pont une nécessité. Mais saviez-vous que le pont de Sainte-anne, nommé ainsi en l’honneur du village de Sainteanne-de-chicoutimi, a aussi été érigé à la suite de la construction de la centrale Isle-maligne d’alcan, à Alma ? En effet, avant 1933, les citoyens circulent d’une rive à l’autre en traversier l’été et sur les ponts de glace l’hiver. Toutefois, après la mise en service de la centrale, le débit de la rivière est perturbé, ralentissant ainsi la formation des ponts de glace en hiver. Les citoyens se trouvent donc isolés plus longtemps durant la saison froide.

Notons qu’avant sa construction, plusieurs bateaux effectuaient la navette entre les deux rives : la Brouette, le Marie-louise, l’acylon, le Sainte-anne, puis le Tremblay, le dernier bateau à faire circuler les gens d’une rive à l’autre à Chicoutimi.

DÉBUT DES TRAVAUX

Initialement, quatre emplacements sont suggérés pour la construction du pont, mais c’est le bout de la rue Sainte-anne qui est choisi. Les travaux débutent en 1931. C’est la firme A. Janin & Cie qui obtient le contrat pour la construction des poutres et du tablier. La célèbre compagnie Dominion Bridge est chargée de l’armature de métal du pont.

Les travaux, dont les coûts sont évalués à 1,2 million de dollars, s’achèvent deux ans plus tard. Le pont ouvre à la circulation automobile le 3 décembre 1933.

On le qualifie alors de pont très moderne, en raison de sa travée tournante, la plus longue en Amérique du Nord et la deuxième au monde, explique le professeur d’histoire au département des sciences humaines et sociales de l’université du Québec à Chicoutimi, François-olivier Dorais. Cette travée tournante de 375 pieds doit permettre aux bateaux de circuler sur la rivière.

Le pont de Sainte-anne ne pivote toutefois pas souvent. Difficile de savoir précisément pourquoi.

« En effet, une rumeur court à l’effet que le pont, qui a été en activité pendant près d’une quarantaine d’années, n’aurait pivoté qu’une dizaine de fois. Cela étant, je suis tombé sur quelques témoignages d’anciens riverains qui, se remémorant leurs souvenirs d’enfance dans les années 1940 et 1950, l’auraient vu tourner plusieurs fois, surtout pour laisser passer des goélettes et des caboteurs. D’autres évoquent la présence d’un moulin à scie, dans le bassin (le moulin à Smith), qui bénéficiait régulièrement de la travée pour exporter son bois par goélette », explique l’historien.

Mais pourquoi cette travée n’a-telle pas été beaucoup utilisée ?

« Les gros bateaux commerciaux ou de plaisance, à fort tonnage, ne pouvaient remonter plus haut que le port de Chicoutimi, la profondeur en amont étant insuffisante. Seules des goélettes, des caboteurs et de petits bateaux à vapeur pouvaient s’y aventurer. De plus, le port de Chicoutimi ne connaîtra jamais vraiment l’activité maritime que ses concepteurs avaient souhaitée. S’il connaît une certaine activité dans les années 40, avec la guerre, son trafic maritime demeurera d’une intensité relativement basse, avec des navires de stature modeste. L’alcan misera d’ailleurs plutôt sur Port-alfred, un port en eau profonde, pour ses activités d’exportation. Aussi, il faut savoir que les navires de ligne fréquentaient peu le port de Chicoutimi et lui préféraient plutôt ceux de Grande-baie ou de Bagotville. Ces raisons expliquent sans doute pourquoi cette travée n’a pas été très utilisée », indique M. Dorais, après avoir fait des recherches sur le sujet.

« Oui, il s’agit plus précisément de palplanches d’acier, qui étaient constitutives de la structure qui supportait anciennement la partie pivotante du pont. Ces palplanches avaient été utilisées au moment de la construction du pont pour empêcher l’eau de s’infiltrer lors de la coulée des piliers de béton renforcés pour soutenir la travée, mais aussi pour relier et protéger les îlots porteurs de la travée. Il faut souligner aussi qu’à l’époque, un quai abritait la travée mobile et la protégeait contre les collisions, les marées et les glaces en hiver », explique François-olivier Dorais.

On peut encore voir les vestiges de ce qui permettait au pont de pivoter, ces énormes structures de métal qui reposent encore dans l’eau, sans doute pour conserver le cachet patrimonial du pont, ajoute l’historien.

En 2020, le pont de Sainte-anne est d’ailleurs nommé immeuble patrimonial par la Ville de Saguenay.

LA UNE

fr-ca

2022-08-06T07:00:00.0000000Z

2022-08-06T07:00:00.0000000Z

https://lequotidien.pressreader.com/article/281522229854561

Groupe Capitales Media