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REQUINS : UN DANGER « TRÈS FAIBLE »

Trois questions à Jeffrey Gallant, directeur scientifique de l’observatoire des requins du Saint-laurent*

JEAN-SIMON GAGNÉ jsgagne@lesoleil.com

Q Le requin a très mauvaise réputation. Est-ce que vous trouvez cela injuste?

R Pendant longtemps, beaucoup de gens voulaient qu’on se débarrasse du plus grand nombre de requins possible, sous prétexte qu’ils ne servaient à rien ou qu’ils étaient dangereux. Cette tendance-là existe encore. Plus récemment, on a vu apparaître de gens qui prétendent que les requins sont nos amis, et qu’ils ne constituent pas un danger. Dans un cas comme dans l’autre, c’est complètement faux.

[…] Les requins jouent un rôle essentiel dans la nature. Un peu comme les loups. Il faut rester prudent avec eux, tout en se souvenant que les incidents sont extrêmement rares. Des millions de personnes vont se baigner dans la mer, tous les jours. Et pourtant, à travers le monde, on dénombre à peine 110 accidents, en moyenne, par année. De ce nombre, 10 ou 11 sont mortels.

Q L’an dernier, une baigneuse a été mordue par un requin, en Nouvelle-écosse. Une première attaque en plus de 140 ans, au Canada. Les requins posent donc un risque, même ici?

R Oui, le danger existe, mais il est très faible. Au Canada, on a dénombré une vingtaine d’incidents, en 350 ans.31 Et les baigneurs peuvent réduire encore davantage le risque en suivant quelques règles de base. Par exemple, ils devraient éviter de se baigner près des phoques, qui constituent l’une des proies des requins. […] Ils devraient aussi éviter les eaux troubles, qui peuvent emmener le requin à commettre une erreur d’évaluation… à confondre le baigneur avec une proie.

Finalement, il faut se souvenir que la plupart des espèces de requins ne sont pas dangereuses. Chaque année, dans la baie des Chaleurs, des gens aperçoivent un gros aileron en surface et ils pensent aussitôt avoir affaire à un grand requin blanc. La plupart du temps, il s’agit d’un requin-pèlerin, un géant inoffensif qui ne mange que du plancton. Souvent, lorsqu’il se nourrit, le requin-pèlerin va éviter un bateau au dernier moment. Cela peut laisser croire qu’il cherche la confrontation.

Q On parle beaucoup d’une augmentation possible du nombre de requins blancs dans le golfe. Qu’en pensez-vous?

R Le requin blanc a toujours été présent dans le golfe du Saint-laurent. On trouve des dents de requins sur des lieux de sépultures micmacs très anciens. Les Micmacs surnommaient le requin blanc « le mauvais poisson ». […] Il leur arrivait de placer de grandes branches derrière leur embarcation, probablement pour faire croire au requin qu’il se trouvait près d’une île et qu’il risquait de s’échouer en s’approchant.

Dans le Golfe, le requin blanc est peut-être en augmentation, mais rien n’est sûr. Les données manquent. La présence de requins blancs peut-être attribuable à plusieurs facteurs. […] D’une part, l’eau est peut-être un peu plus chaude dans certaines baies, ce qui attire les proies des requins. Mais il est possible qu’on ait affaire à de jeunes requins qui s’éloignent des secteurs où la densité de leur congénère est plus grande, pour éviter les conflits avec les plus gros individus.

Il faut aussi prendre conscience que les requins que l’on suit à la trace, grâce à un émetteur, ne constituent qu’une infime portion de ceux qui existent. Pour un requin « tagué », il en existe peutêtre 10 autres.

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2022-08-06T07:00:00.0000000Z

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