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UNE VIE ENTIÈRE DE RÊVES À RÉALISER RAPIDEMENT

MÉLANIE NOËL melanie.noel@latribune.qc.ca

La quantité de rêves qu’on se permet dépend du temps qu’on croit avoir devant soi. Quand on est jeune, on a souvent le luxe de rêver à l’infini, rêver l’impossible, rêver démesurément. Pour Emmy Pruneau, le temps pour réaliser ses rêves a été recalculé à la baisse, cet été. Elle doit faire une croix sur certains d’entre eux, mais compte bien en concrétiser, avec le sourire, un maximum.

Avant mai dernier, Emmy Pruneau vivait ses 18 ans le coeur léger et les longs cheveux au vent. Elle terminait sa première année de technique d’inhalothérapie au Cégep de Sherbrooke, travaillait à temps partiel dans une épicerie, faisait des activités avec ses nombreuses amies.

Puis apparaît une bosse sur le haut de sa poitrine. Elle se rend à l’hôpital de Windsor, sa ville natale, et alors tout déboule. Le branle-bas de combat débute. Écographie, prise de sang, rayons X. Après des discussions avec l’urgentologue et son médecin de famille, une rencontre est planifiée avec un chirurgien thoracique.

« Le chirurgien thoracique nous a annoncé que c’était un cancer. On ne savait pas encore lequel exactement, mais on nous a envoyés rencontrer un oncologue au CHUS. C’est ce médecin qui nous a confirmé que c’était un sarcome des tissus mous, un cancer rare qui représente 1 % des cancers. En plus, il y a plusieurs types de sarcomes et celui d’emmy est un sarcome épithélioïde, qui est lui-même un sarcome très rare », explique son père, Éric Pruneau. Avant de commencer la chimiothérapie, Emmy est allée en clinique de fertilité pour congeler des ovules, un conseil du spécialiste des sarcomes à l’hôpital général de Montréal, le Dr Robert Turcotte.

« Étant donné que le sarcome est un cancer rare, il n’y a pas beaucoup de littérature sur le sujet et il n’y a pas de recette écrite pour ce qui est des traitements à suivre. Le traitement est décidé, cas par cas, par un comité formé de spécialistes », explique M. Pruneau.

Emmy devait faire quatre cycles de quatre jours de chimio, mais a cessé le traitement après le premier cycle. « Mes symptômes s’aggravaient. Je ne sentais plus ma main, alors on a demandé de faire un scan qui a confirmé que ma tumeur grossissait et que le cancer se répandait. Selon Dr Turcotte, c’était maintenant impossible de sauver mon bras alors on a opté pour la chirurgie », raconte Emmy, qui s’est fait amputer le bras gauche le 20 juillet, à Montréal, où elle a été hospitalisée jusqu’au 31 juillet.

UNE MONTAGNE À LA FOIS

Son père l’écoute avec admiration, assis dans ce café de la rue King Ouest où père et fille adorent se rendre. « Emmy a beaucoup de montagnes à monter et elle les monte, une après l’autre, avec force. Quand je lui ai rasé les cheveux, au début juillet, on se disait que ce serait très difficile pour une jeune fille de 18 ans. Le lendemain, c’était comme si de rien n’était. Quand on a su qu’elle perdrait un bras, on nous a prévenus. Peut-être qu’elle voudra s’isoler et rester dans sa chambre. Pantoute ! Elle est sortie de l’hôpital dimanche, mardi elle voyait ses amies, aujourd’hui on est ici. »

Avant sa rencontre avec La Tribune, Emmy et son père sont allés au cégep. « On est allés annuler son inscription. C’était très émotif », note M. Pruneau.

L’idée de perdre son bras, Emmy s’y est préparée depuis le diagnostic. « De toute façon, je ne pouvais plus m’en servir. Le choc a été lorsque le médecin nous a parlé des taches partout sur mes deux poumons. C’était l’élément le plus sombre. Il n’y a pas beaucoup de chances que ça guérisse. Le fait de ne pas savoir s’il me reste un an ou deux à vivre, on ne le sait pas, ça fait peur », confie la jeune femme.

Le mot incurable a été prononcé. « J’ai aucune certitude d’avenir. Moi, j’ai des rêves. Je voulais des enfants, je voulais être inhalothérapeute.

C’est difficile de penser que je ne serai pas maman ou que je n’aurai pas mon diplôme », poursuit

Emmy qui s’accroche aux rêves qu’elle compte réaliser au cours des prochains mois.

« J’aimerais sauter en parachute, j’aimerais voyager. Je suis allée une fois en Europe, à Londres et Paris, avec l’école quand j’étais en secondaire 4. Si la vie me le permet, j’aimerais vraiment aller en Grèce avec mes parents, c’est un endroit où j’ai toujours voulu aller. J’aimerais aussi aller à New York. J’étais supposée y aller en secondaire 5 avec l’école, mais il y a eu la COVID, alors pas de voyage ni de bal de finissants », souligne Emmy.

LA PEUR DE FAIRE MAL À SES PROCHES

En attendant, elle apprécie les petites choses. Comme les promenades en voiture avec son père, qui a un seul rêve pour sa fille. « Qu’elle guérisse. Et qu’on ait accès à notre fille. »

À quelques reprises pendant l’entrevue, papa a le motton, ses yeux se mouillent. « On se donne le droit de craquer chacun notre tour, papa, maman et Emmy. La maladie a fait en sorte qu’emmy est plus capable de dire ce qu’elle veut et ce qu’elle pense. On court après le temps. Et on parle de tout ensemble. De la mort aussi, c’est pas facile », note le papa.

« La peur d’emmy, c’est que sa famille, sa maman, soit trop triste. Elle ne veut pas nous faire de mal », confie M. Pruneau.

« C’est pas mourir qui me rend émotive, mais c’est de laisser les gens qui m’aiment », renchérit Emmy.

« L’autre chose dont elle a peur, c’est d’être oubliée. La première fois qu’elle m’a dit ça, je l’aurais amputée, mais de cette pensée », lance en riant doucement le papa.

Emmy et sa famille consultent des intervenants à la Rose des vents, organisme d’aide aux gens atteints d’un cancer et leurs proches. « C’est bon qu’elle parle à quelqu’un d’externe à la famille. Car des fois, elle veut nous ménager », mentionne le père d’emmy qui a aussi, avec sa conjointe Karine Cloutier, deux autres enfants.

« De mon côté, ce qui me fait le plus peur est d’imaginer comment je vais faire. On peut se préparer à plein de choses. Mais ça. Est-ce qu’on peut ? Si on se prépare, c’est comme si on l’acceptait ou on l’abandonnait. Mais les spécialistes disent qu’il le faut », souligne-t-il.

L’HUMOUR ET LES PROJETS POUR CONTINUER

Emmy utilise beaucoup l’humour pour alléger la vie et mettre à l’aise les gens autour d’elle. Elle mime en riant comment elle se lave les mains depuis qu’elle en a juste une. Elle souligne qu’elle ne pourra plus jamais applaudir. Mentionne qu’aucun chum ne pourrait lui demander sa main.

Emmy a aussi le rêve d’aider les jeunes qui vivent la même chose qu’elle. En créant un blogue peutêtre. D’ailleurs, le Dr Turcotte a mis Emmy en contact avec l’athlète paralympique Caroline Bisson, qui a participé aux épreuves de biathlon et de ski de fond après s’être fait amputer un bras à cause d’un sarcome. « On s’écrit et ça me fait du bien. Elle a eu un sarcome. Ses poumons n’ont pas été touchés. »

Le 12 août prochain, Emmy et sa famille rencontrent le Dr Turcotte pour savoir la suite des choses. Tout dépendra de la nature des taches sur ses poumons. « Il y a une petite fenêtre d’espoir médicalement qui repose sur le fait que les taches ne soient pas liées au cancer. L’espoir est minime, mais on s’y accroche. Sinon, des traitements seront proposés pour ralentir ou endormir les cellules cancéreuses », note le père.

« On ne sait pas le temps qu’il nous reste. Alors on essaie de faire tout ce qu’elle aurait aimé faire dans les 15 ou 20 prochaines années dans les deux ou trois prochaines. On s’accroche à des projets », résume M. Pruneau.

Le père de famille a décidé de solliciter l’aide de la population, car il n’a rien à perdre. « Je ne sais pas ce qu’elle aura le temps de faire dans sa vie, mais je veux qu’elle puisse réaliser le maximum de ses rêves. Et pour ça, on a besoin d’aide. »

Un compte Gofundme a été créé par un ami de la famille : https://gofund.me/a5ff5390.

Éric Pruneau est 24 heures sur 24 avec sa fille depuis mai. Patrouilleur pour la Sûreté du Québec, il a de bonnes conditions. La mère d’emmy est journalière dans une usine. Elle doit donc compter ses journées d’absence, car elle n’est pas payée lorsqu’elle ne travaille pas, par exemple au cours des 11 jours qu’elle a passés à Montréal avec sa fille. La communauté de Windsor s’est déjà mobilisée lors d’un Rase-o-thon, le 5 juillet, qui a permis d’amasser 20 000 $. En plus de vouloir embellir la vie d’emmy, ses parents doivent adapter sa maison et assurer les déplacements de leur fille pour ses divers traitements.

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