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LA POUTINE DEVANT LES FAITS DE L’HISTOIRE

DAVID FILLION david.fillion@lavoixdelest.ca

Qu’elle soit de Drummondville, Warwick ou Victoriaville, l’origine de la poutine divise le peuple québécois aussi franchement que la question de l’indépendance. Plusieurs savent dans quelle faction ils prennent position, mais d’autres préfèrent se baser sur les faits plutôt que sur une opinion.

Dans l’ouvrage Poutine Nation, sorti en 2021 aux éditions Fides, l’auteur Sylvain Charlebois démystifie plusieurs traits qui entourent « la légende » derrière l’invention de la poutine. Ses recherches, rencontres et dégustations lui ont permis d’écrire ce livre afin de rendre « hommage à un plat longtemps boudé par l’élite », et permettre au grand public d’enfin mettre les points sur les « i ».

« J’aime bien dire que Fernand Lachance, avec le Café Idéal à Warwick, est le père de la poutine. C’est la première place où le mets est apparu sur un menu, en 1957. Par contre, Lachance n’a pas su valoriser la sauce. Ça ne faisait pas partie du plat pour lui, ça se vendait à part. Quant à Jean-paul Roy, saucier professionnel à Drummondville, il a très bien intégré l’élément au plat dès 1964. On peut donc dire que c’est au Roy Jucep qu’il y a eu l’invention de la poutine moderne », explique l’auteur et professeur titulaire, ainsi que directeur principal au Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire, à l’université de Dalhousie.

M. Charlebois avance qu’il faut aussi considérer l’apport d’un autre joueur dans l’équation : Ashton.

« Il ne faut pas minimiser la présence d’ashton Leblond dans l’histoire, puisque c’est le premier qui a concentré autant d’efforts pour intégrer la poutine dans ses établissements, et il a réussi à démocratiser son accès. On peut dire qu’il est comme le parrain de la poutine moderne », précise-t-il.

À la suite des efforts mis pour populariser et rentabiliser la poutine dans les régions, notamment dans les Ashton, le phénomène a pris de l’ampleur, et les grosses chaînes de restauration rapide se sont aussi jointes à la partie. C’est dès 1988 qu’on retrouve, dans un Burger King, la poutine au menu. Ensuite, « l’offre poutine » s’est déplacée comme une traînée de sauce.

L’AVENIR DU PLAT

Pour Sylvain Charlebois, même si les faits permettent d’établir un certain tracé de l’histoire de ce plat « qui est aussi abordable que difficile à bien recréer à la maison », il voit dans la poutine un mets auquel « tout le monde a contribué »… et qui reste en constante évolution.

« La poutine, c’est un peu comme la pizza. À la base, c’est trois ingrédients. Ensuite, les gens se l’approprient et peuvent faire ce qu’ils veulent avec. C’est ce qui fait qu’on peut maintenant retrouver de la poutine dans presque tous

les pays de la planète », affirme M. Charlebois.

Malgré tout, l’homme admet que pour lui, si sa poutine n’a pas un bon fromage qui fait « squik squik », c’est un dealbreaker.

Aux yeux de l’homme né à Farnham et qui a goûté au plat typiquement d’ici sous des formes qu’il n’aurait jamais cru – comme une poutine avec du fromage en poudre, à Cleveland –, l’avenir de ce mets n’est pas trouble. Il est persuadé que c’est un plat qui est là pour rester.

« C’est un bel accomplissement que les régions ont réussi à faire. En près de 60 ans, on a vu l’apparition, la reconnaissance et un intérêt grandissant pour la poutine de la part du public. Même qu’on devrait faire des efforts pour que ça fasse partie du patrimoine mondial de L’UNESCO. On est rendu là », estime l’homme qui a concentré ses efforts sur un plat face auquel il admet que son estomac n’est pas toujours friand.

Née en région du Québec, la poutine est maintenant disponible aussi loin qu’en Europe et en Asie. « La poutine n’a plus de frontière. Elle est comme un enfant qui a grandi et qui fait son propre chemin », affirme avec amusement M. Charlebois.

MONDE

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2022-08-06T07:00:00.0000000Z

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