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LA NOUVELLE VIE D’ESTHER JONES

DANIEL CÔTÉ dcote@lequotidien.com

Au printemps 2020, Esther Jones cherchait des moyens de rester active en tant qu’artisane. Voyant à quel point la crise sanitaire avait compliqué les rapports avec la clientèle, en raison des confinements et de la fermeture des commerces jugés non essentiels, cette artiste du papier était inquiète, mais gardait espoir de retourner la situation. Ce qu’elle ne savait pas, c’est qu’au même moment, le coronavirus s’était logé dans son corps avec l’idée de s’y incruster. Deux ans plus tard, il continue de la hanter.

« J’ai la COVID longue, ça empire et je vois l’heure d’obtenir un suivi », a résumé la citoyenne du secteur Shipshaw, il y a quelques jours, à l’occasion d’une entrevue accordée au Progrès.

Au bout du fil, sa voix est aussi chantante que dans les belles années, celles où elle créait les décors du Salon du livre du Saguenay–lac-saint-jean et participait à des projets théâtraux, tout en attirant son lot de visiteurs – et d’acheteurs – au Salon des métiers d’art. D’autres fonctions, en revanche, se sont détraquées.

Elle qui a Rosalie pour deuxième prénom, dont l’une des activités favorites consiste à aménager des jardins, a ainsi perdu l’odorat. Les muguets, elle les voit, mais ne les sent plus. Même chose pour les plantes que sa mère appelait des trèfles d’odeur, parce qu’elles dégageaient un parfum entêtant. D’une manière tout aussi sournoise, l’intrus a tari ses sources d’énergie en l’attaquant sur plusieurs fronts. Au début, la sexagénaire ne se méfiait pas, croyait que ce serait temporaire. Puis, c’est devenu immuable.

Toux. Congestion. Maux de ventre. La liste des afflictions s’est allongée, tandis que les réponses de ceux qui sont censés savoir se révélaient cruellement floues, lorsqu’ils daignaient en fournir. Prenant acte de la situation, Esther Jones a compris que pour durer en espérant se rétablir, elle devrait trouver de nouvelles façons d’apprécier la vie. « Quand j’ai 10 % de mon énergie au début de la journée, je fais une affaire par devoir et le reste par plaisir », donne-t-elle en exemple.

Elle ajoute que les sources de joie sont multiples, tout en étant adaptées à sa condition. Écrire

« Je suis une femme résiliente parce que dans la création, on n’a pas le choix de l’être. J’ai donc trouvé de nouvelles façons d’être bien parce que la notion de plaisir est importante. J’accepte aussi que ce qui m’arrive est un ressac, un recul nécessaire. En même temps, je suis en paix avec moi, dans ma convalescence. »

— Esther Jones

des textes poétiques. Apprécier un bon plat. Améliorer un jardin à feu doux pour mieux s’y reposer, en prenant le temps d’observer les oiseaux. Fabriquer des fleurs de papier, mais pas pour les vendre, avec l’idée qu’un jour, quand la COVID longue desserrera son emprise, il sera possible de monter une exposition comprenant des pièces originales.

« Je suis une femme résiliente parce que dans la création, on n’a pas le choix de l’être. J’ai donc trouvé de nouvelles façons d’être bien parce que la notion de plaisir est importante. J’accepte aussi que ce qui m’arrive est un ressac, un recul nécessaire, affirme Esther Jones. En même temps, je suis en paix avec moi, dans ma convalescence, et c’est pourquoi j’ai écrit un mot récemment sur ma page Facebook. Pour dire aux gens que ma production artistique était en pause, que ça prendra le temps que ça prendra. »

Elle-même le constate, le fait d’avoir été une artiste toute sa vie l’aide à se projeter dans l’avenir. Il y a toujours une idée qui montre le bout de son nez, un projet à peaufiner dans sa tête, en attendant la bonne journée pour s’y attaquer. Dans cet esprit, la Saguenéenne a fait le ménage dans ses patrons. « J’en ai détruit la moitié pour conserver seulement ceux que j’ai encore envie de faire. Puisque mon regard est plus pointu, j’en profite pour apporter de petites modifications », souligne-t-elle.

Se projeter dans l’avenir, c’est aussi croire qu’un jour, à la suite d’un traitement ou du passage du temps, son corps cessera de la trahir. « Ce que je subis est hypothéquant, mais ma vie n’est pas en danger. Il y en a des pires que moi. Je constate également que cette maladie est de moins en moins orpheline, vu que le nombre de personnes atteintes augmente constamment. On peut donc présumer qu’il se fera davantage de recherches. C’est l’une des choses qui me donnent de l’espoir », confie Esther Jones.

ARTS

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2022-08-06T07:00:00.0000000Z

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