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Le courage solitaire

JULIEN RENAUD julien.renaud@lequotidien.com

Je n’ai besoin de personne pour être heureux. Juste de braver la honte. Première nuance. Récemment, mes amis ayant été balayés par la méchante COVID d’un seul coup, je suis allé à un spectacle all by myself. Après une réflexion d’équilibriste entre le courage solitaire et la honte solitaire.

Au restaurant, ma jauge de honte frôle le maximum. Dans un festival aussi, événement rassembleur par excellence. Moins dans un cinéma, sans doute à cause de la noirceur – je suis souvent allé manger des oursons en gelée et boire un jus de pêche en plein après-midi au Cinéma Odyssée. Et l’aiguille vacille entre les deux extrémités pour les activités touristiques ou les voyages – plus c’est loin, moins c’est gênant, sauf si je croise des connaissances.

Mais j’essaie de remédier à ça, d’être aussi bien seul chez moi, en cachette, que dans l’oeil des autres.

Bientôt, je n’aurai plus besoin de personne pour être heureux.

Juste de beaucoup de patience. Et d’un poupon. Deuxième nuance.

Ma vie privée excelle au Solitaire. Je suis célibataire depuis cinq ans et m’en porte très bien. En amour, je cherche un petit plus à mon bonheur, tout simplement. Je n’ai pas besoin d’être en couple, d’avoir quelqu’un à mes côtés, d’être aimé et désiré, pour être heureux. Je ne cherche donc pas activement l’âme soeur. Je suis très passif, disons, au grand découragement de certains.

Mais j’ai l’appel paternel dans le tapis. Depuis longtemps. J’ai déjà signé une chronique sur ma démarche d’adoption au masculin singulier. La deuxième personne dans mon ménage, si on exclut mon beau Lionel, je préférerais que ce soit un petit frère ou une petite soeur pour mon carlin qu’un deuxième parent. Rien n’est plus clair.

On m’a prédit huit ans d’attente. Je suis donc à mi-chemin.

Bientôt, je n’aurai plus besoin de personne (d’autre) pour être heureux.

Juste de ben du monde pour survivre. Troisième nuance.

Je suis bien seul, mais n’irais pas pour autant refaire ma vie sur une île déserte. Parce que j’aime trop mes proches et mes amis ? Oui, n’ayez crainte, mais surtout parce que je ne ferais pas long feu. Je suis un incapable en plusieurs matières. En toute matière manuelle.

J’ai besoin de mon papa en visioconférence pour poser une tablette. De mon frère, de mon amie Mélissa ou de mon patron Marc pour me libérer d’une pièce devenue prison par une poignée de porte brisée. De ma voisine pour mes problèmes de plomberie. De mon ami Charles pour mes branchements électriques ou pour me sauver d’une mauvaise compagnie. De mes amis Patricia ou Jonathan pour rentrer par une fenêtre lorsque je suis embarré dehors.

J’ignore comment me servir du peu d’outils que je possède, comment coudre un bouton avec le fil et l’aiguille que je ne possède même pas.

Mais récemment, j’ai réparé ma garderobe et j’ai sauvé mon ordinateur portable après une noyade dans le bain – une heure et 40 minutes de démontage, deux heures et demie d’assemblage.

Bientôt, je n’aurai plus besoin de personne pour être heureux. Bientôt, j’aurai trouvé le plein courage solitaire pour le scander sans devoir nuancer pendant 3000 caractères.

Et vous, en serez-vous capable ?

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2022-08-06T07:00:00.0000000Z

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