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UNE JUNGLE DANS MA SALLE DE BAIN!

LARRY HODGSON Collaboration spéciale

Il est rare que je révèle mes projets personnels dans cette chronique, mais j’en ai un dont je suis particulièrement fier et que j’avais envie de vous présenter : le mur de plantes dans ma salle de bain.

C’est un projet inhabituel. Non seulement suis-je peut-être la seule personne qui ait un mur végétal vivant dans sa salle de bain au Québec, mais le matériel utilisé pour sa construction est unique. Car le mur n’est pas composé de pochettes de textile dans lesquelles les végétaux poussent, plantés dans du terreau — le procédé utilisé habituellement pour les murs verts. À la place, il est fait d’écorce de chêne-liège (Quercus suber). Mon but? Récréer l’effet d’une jungle à l’intérieur.

UN MUR D’ÉPIPHYTES

Dans une jungle, la plupart des végétaux ne poussent pas dans le sol, mais sur les arbres, fixés sur l’écorce. On les appelle plantes épiphytes (épi [sur] + phyte [plante]). Beaucoup de gens savent que la majorité des orchidées sont des épiphytes, mais c’est aussi le cas de nombreuses fougères, aracées, hoyas, cactées, bégonias, etc.

Et ainsi vont-elles sur mon mur de 2,1 m sur 2,1 m. Les plantes sont fixées sur l’écorce de liège, suivant ses contours et pénétrant dans ses fissures. Elles rappellent la couverture végétale que j’ai vue dans mes voyages dans le Sud, notamment dans la jungle du Costa Rica.

MUR VÉGÉTAL RENOUVELÉ

C’est la 2e version du mur végétal. La première a duré 19 ans, de 2002 à 2021, mais l’écorce commençait alors à trop ramollir. Oui, même si le liège est un bois dit imperméable, un peu d’eau pénètre. C’est mon fils, Mathieu, qui l’a remonté l’automne dernier. Il n’y avait que l’écorce à remplacer ainsi que la pompe qui, par une curieuse coïncidence, a flanché en même temps que l’écorce. J’ai toutefois modifié aussi l’éclairage et j’utilise maintenant des lampes DEL en plus des lampes fluorescentes d’origine.

COMMENT ÇA FONCTIONNE

Le mur opère sur le principe d’une forêt pluviale tropicale où il pleut tous les matins. Eh bien, il «pleut» sur mon mur aussi.

Il y a un bassin d’eau au pied du mur, caché sous des pierres décoratives. Une pompe pousse l’eau du bassin au sommet du mur par un tuyau jusqu’à des goutteurs d’irrigation. Ainsi, l’eau tombe en pluie sur l’écorce et les plantes, coule vers le bas, aboutit dans le bassin, puis est recyclée. Quand l’eau passe, une partie est absorbée par les racines des plantes fixées sur l’écorce. La pluie, réglée par une minuterie, ne dure que 30 minutes. Mais les plantes épiphytes y trouvent assez d’humidité pour bien pousser, comme elles le font dans la nature.

Mais comment fixer des plantes sur un mur de liège? C’est en fait très facile. J’utilise rarement des plants matures, mais plutôt des boutures non enracinées. Je les enveloppe de mousse de sphaigne humide, puis presse la motte ainsi formée contre le mur, l’y fixant avec un morceau de fil métallique dont j’enfonce les extrémités dans l’écorce, à la manière d’une agrafe. La bouture produit bientôt des racines qui s’agrippent à l’écorce et, après quelques semaines, on peut alors enlever le fil métallique.

Ça va si rapidement que certaines des premières boutures, placées en novembre 2021, étaient déjà en fleurs six mois plus tard.

ENTRETIEN

Comme mentionné, une minuterie assure l’arrosage des plantes 30 minutes par jour. Une autre minuterie contrôle la durée de l’éclairage. Le mur produit sa propre matière organique, donc l’engrais n’est pas très nécessaire. L’atmosphère est bien humide, aussi.

Les plantes se promènent sur le mur, s’enracinant dans l’écorce ici et là. Les épiphytes croissent de cette façon dans la nature aussi.

L’entretien principal consiste simplement à contenir les plantes trop envahissantes par la taille et à ramasser les feuilles mortes. C’est le jardin chez moi qui nécessite le moins d’attention!

LE PLAISIR D’OBSERVER

Si vous êtes jardinier, vous savez la joie qu’on ressent lorsqu’on fait des semis et qu’on voit nos petits semis de légumes et d’annuelles commencer à pousser. De graines à petits semis aux jeunes plants vigoureux prêts à planter : c’est tellement fascinant! On ne peut tout simplement pas s’empêcher de les admirer plusieurs fois par jour. Le coeur s’envole! C’est l’extase!

Eh bien, il en va de même pour les boutures sur un mur végétalisé.

Je passe probablement 30 minutes par jour au total, en deux ou trois séances, juste à regarder le mur, notant chaque petit signe de progrès. Quand je me brosse les dents, je ne fais pas face au miroir, mais au mur! Je regarde les feuilles se dérouler, de nouveaux boutons poindre et les racines ramper lentement le long de l’écorce et entrer et sortir des crevasses. J’aime toucher le mur et respirer son parfum de forêt après la pluie. Parfois même, je presse mon visage contre le mur, comme pour m’imprégner de sa puissance. Cela me rend tellement heureux!

Ce mur sera mon héritage. Je ne le verrai jamais se remplir entièrement cette fois-ci, car il me reste peu de temps à vivre, mais je suis tellement ravi que mon fils soit venu le sauver. Et de savoir que, quand je ne serai plus là, il aidera ma femme, sa bellemère, à l’entretenir.

Vous pouvez lire davantage sur mon mur de plantes épiphytes ici : bit.ly/murenecorce

TOIT & MOI

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2022-08-06T07:00:00.0000000Z

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