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LE COMÉDIEN BIENTÔT POLICIER

ISABELLE LÉGARÉ isabelle.legare@lenouvelliste.qc.ca

Ceci n’est pas une fiction. C’est l’histoire véridique d’un comédien qui a décidé de changer de vie. Pierre-alexandre Fortin ne joue pas un personnage. À 50 ans, il est sur le point de devenir policier.

L’uniforme lui va comme un gant. Il ne s’agit pas d’un costume de scène qu’il retirera une fois le rideau tombé ou la caméra éteinte. Ce sont les vêtements qu’on lui a remis dès son arrivée à l’école nationale de police du Québec, à Nicolet. C’est sa tenue vestimentaire d’aspirant policier jusqu’au 24 février prochain, pour un total de quinze semaines.

Pierre-alexandre a eu 50 ans le 18 novembre dernier, deux semaines après avoir amorcé le programme de formation initiale en patrouille-gendarmerie. Il est le candidat le plus âgé de sa cohorte et, selon toute vraisemblance, de l’histoire de L’ENPQ.

« Si on m’avait dit il y a dix ans que je fêterais mes 50 ans ici, j’aurais dit... Hein ? », lâche-t-il en riant.

Un retour dans le temps s’impose pour mieux comprendre le pourquoi du comment le comédien se retrouve justement au coeur de cette imposante bâtisse avec, fautil le mentionner, une joie évidente.

Originaire de Québec, Pierrealexandre a étudié en théâtre au Cégep de Saint-hyacinthe. Depuis l’obtention de son diplôme, en 2000, il a tenu plusieurs rôles à la télé, au théâtre et au cinéma, en plus d’animer, de faire du doublage et de la publicité.

« J’ai touché à tout », résume celui que vous avez peut-être vu dans L’auberge du chien noir, Aveux, Les rescapés, 30 vies, Toute la vérité, Subito texto... Vous avez peut-être également suivi ses projets de rénovation en compagnie de l’animatrice Saskia Thuot, son ex-conjointe. Son visage a longtemps été associé aussi à « Richard le remorqueur », dans des pubs de Toyota.

On aurait pu penser que sa carrière sous les projecteurs allait bon train, mais je ne vous apprends rien en écrivant qu’il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus dans le milieu artistique.

« Les auditions, c’est toujours à recommencer », fait remarquer Pierre-alexandre avant de mentionner que l’attente peut être longue entre deux contrats. À cela s’ajoute la déception de ne pas être retenu pour interpréter un rôle systématiquement offert à la vedette de l’heure. La frustration s’installe, l’amertume aussi.

« Ça finit par miner le moral », confie Pierre-alexandre qui n’avait cependant jamais pensé à un plan B, pas plus qu’il se souvient d’avoir rêvé, enfant, de devenir un agent de police. L’idée lui est venue à l’été 2019, en faisant son jogging dans les sentiers du Mont-saint-hilaire.

« Je suis en forme ! Je pourrais être une police ! », s’est-il dit, satisfait de sa course, avant de rentrer à la maison pour contacter une connaissance qui travaille au Service de police de la Ville de Montréal. L’homme de 46 ans voulait en avoir le coeur net.

« J’ai une drôle de question, mais est-ce que je suis trop vieux pour rentrer dans la police ? »

En apprenant que son âge n’était pas un facteur de refus, Pierre-alexandre a poursuivi ses démarches de plus belle.

Il a appelé au Campus Notredame-de-foy, à Saint-augustinde-desmaures, près de Québec. Ce collège privé offre le programme de techniques policières en accéléré (deux ans plutôt que trois) pour les candidats ayant déjà un diplôme d’études collégiales. C’était son cas. On avait une place pour lui. Il était attendu pour la rentrée... quelques jours plus tard.

Sa blonde, ses enfants, son exconjointe avec qui il partage la garde des deux ados et le chum de celle-ci l’ont encouragé à plonger dans cette aventure digne d’une télésérie en lui disant quelque chose qui ressemble à : « Vas-y ! Go ! On va s’organiser. »

« L’entourage a été d’un grand soutien », souligne l’acteur qui a pigé dans ses REER pour l’aider à absorber le sacrifice financier qu’implique

un tel retour aux études. Son père lui a prêté les clés de son condo à Québec, favorisant ainsi l’alignement des planètes pour celui qui témoigne sa gratitude envers tous ces gens.

UN P’TIT NOUVEAU EXPÉRIMENTÉ

À Nicolet, Pierre-alexandre Fortin est entouré d’aspirants policiers dont la moyenne d’âge est de 24 ans.

« Pour certains, je suis plus vieux que leurs parents ! »

Leur compagnon de classe amorce sa carrière à un âge où les policiers commencent à quitter pour la retraite.

Pierre-alexandre Fortin avoue s’être demandé si ses 50 ans derrière la cravate allaient freiner d’éventuels employeurs, en l’occurrence des corps de police.

« Est-ce qu’ils vont trouver que ça vaut la peine d’investir pour un gars qui va être dans la police pendant quinze ans ? »

Le candidat a déjà reçu une réponse à sa question : une promesse d’embauche de la Sûreté du Québec.

Le comédien d’expérience sera peut-être un p’tit nouveau derrière le volant d’un véhicule de patrouille, mais son vécu échelonné sur cinq décennies sera assurément un atout.

Pierre-alexandre n’est pas le même homme qu’à 22 ans. Il a acquis une maturité que ses jeunes collègues vont développer à leur tour, à l’école de la vie.

« Je leur dis parfois en joke qu’ils vont devenir des adultes dans la police », raconte celui qui se présente en classe avec humilité.

Il n’y a pas d’âge pour apprendre à la dure. Durant ses deux années d’études en techniques policières, Pierre-alexandre se levait à 6 h 30 pour aller courir et augmenter ses chances de réussir le cours d’exigences physiques. Il l’a échoué une première fois, à seulement quelques secondes de franchir la ligne d’arrivée dans les temps requis à la course à pied. La deuxième tentative fut la bonne, sans passe-droit pour le gars de la télé.

Dans son ancienne vie d’acteur, Pierre-alexandre Fortin a déjà personnifié un policier, un rôle qui ne pourra jamais être aussi réaliste que celui qu’il s’apprête à jouer pour de vrai, avec fierté et honneur.

Être policier, c’est répondre à des situations d’urgence, c’est intervenir sur des lieux d’accidents, c’est côtoyer la violence et la criminalité, c’est se mettre en danger pour sauver la vie d’autrui...

« C’est la beauté de la chose ici », souligne Pierre-alexandre au sujet de l’école de police. « Nous sommes dans un milieu d’enseignement supérieur », ajoute-t-il en vantant l’expertise du personnel enseignant, des instructeurs et des comédiens rencontrés lors d’activités de simulation.

La veille de notre rencontre, Pierre-alexandre avait dû procéder à la fausse arrestation musclée d’un homme pour violence conjugale. L’aspirant policier a dû réagir comme s’il était appelé à intervenir réellement en situation de crise.

Être une personnalité du petit écran, c’est recevoir d’aimables attentions du public croisé dans la rue, au resto et à l’épicerie.

« On se fait flatter dans le sens du poil. »

Être un policier, c’est... différent. Dans sa mission qui consiste à protéger et à servir, il doit aussi faire respecter la loi, dont le Code de la route.

Pierre-alexandre sait qu’il ne devra pas en faire une affaire personnelle lorsqu’une personne lui exprimera sa mauvaise humeur en recevant un constat d’infraction.

L’aspirant policier sourit en haussant les épaules : « Elle va peut-être me dire qu’elle m’aimait plus à la télé ? »

Ou qu’il est particulièrement convaincant dans La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé, la première série télévisée de Xavier Dolan.

Pierre-alexandre Fortin y fait une brève apparition. L’épisode a été tourné à l’été 2021, entre la fin de ses études en techniques policières et son entrée à l’école nationale de police du Québec.

L’acteur joue dans une scène où une bagarre éclate. Le futur policier incarne... un vendeur de drogue. Cette fois-ci, c’est arrangé avec le gars des vues.

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