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UN PLAIDOYER POUR DES TESTS DE DÉPISTAGE

MÉLANIE CÔTÉ mcote@lequotidien.com PROGRÈS, ROCKET LAVOIE — PHOTO LE

«Nous allons profiter de lui et lui donner de l’amour. Nous allons toujours le soutenir et être là pour lui.» Il y a quelques semaines, Audrey Imbeault et Éric Demers ont eu la pire nouvelle que des parents puissent avoir. Leur petit Félix, né le 13 octobre dernier, est atteint de la mucolipidose de type 2, une maladie génétique dégénérative qui entraîne un retard de développement global sévère. Une maladie qui pourrait d’ailleurs faire l’objet d’un dépistage populationnel, mais dont la mise en application tarde encore aujourd’hui, la demande ayant été faite au ministère de la Santé et des Services sociaux il y a maintenant 18 mois.

Félix est né à 35 semaines, et dès qu’elle l’a vu, Mme Imbeault savait qu’il serait handicapé. « À l’annonce officielle du diagnostic, quelques semaines après sa naissance, ma vie était finie. C’est la pire maladie qu’il puisse avoir », a confié la maman cette semaine lors d’une entrevue avec Le Quotidien.

En plus d’être immunosupprimé, Félix aura un retard mental sévère, ne grandira pas plus qu’un enfant de 18 mois, devra être nourri par gavage et aura besoin d’oxygène. Son espérance de vie est de quatre à huit ans et tous ses organes sont affectés, puisqu’il ne peut pas éliminer les déchets de son corps. Comme ses voies respiratoires sont obstruées, sa mère confie qu’il mourra sans doute d’un arrêt cardiorespiratoire.

« J’ai parlé avec une maman d’alma qui vit la même chose. Aujourd’hui, son fils a sept ans et elle me disait qu’elle pleure tous les jours en sachant qu’il va mourir. [...] Notre enfant n’aura aucune qualité de vie. Au moins, le pédiatre dit qu’il ne s’en rend pas compte. »

Audrey Imbeault est bien consciente qu’elle ne peut pas faire grand-chose d’autre pour aider son fils, outre lui donner tous les soins nécessaires, mais ce qu’elle espère par-dessus tout, en parlant de son histoire, c’est de faire bouger les choses pour que les tests de dépistage soient accessibles pour cette maladie.

« Un enfant malade coûte plus cher au gouvernement. On parle des traitements d’inhalothérapie, des ergothérapeutes, des allocations qui sont plus élevées, tous les rendez-vous. Alors on en revient encore à l’importance d’implanter les tests. »

En attendant, elle doit sensibiliser ses autres enfants — 16 ans, 5 ans et 3 ans — à la réalité de leur petit frère. Le plus vieux est au courant de tout, mais les plus petits ne voient pas la maladie. Elle a toutefois commencé à expliquer ce qui se passe à son fils de 5 ans, car il doit faire attention au petit bébé.

CHANGEMENT DE CARRIÈRE

Audrey Imbeault est peintre en bâtiment de formation, un métier qu’elle adore, mais qu’elle devra malheureusement mettre de côté. Félix ne pourra pas fréquenter les services de garde, alors sa mère devra réorienter sa carrière vers une occupation qui lui permet de faire du télétravail.

C’est un peu pour cette raison qu’une campagne de sociofinancement a été lancée sur la plateforme Gofundme (la campagne se nomme Soutient à Audrey et Eric). Mme Imbeault veut prendre le temps nécessaire avec son fils — elle reçoit présentement des prestations du Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) —, mais elle espère profiter des prochains mois pour compléter une formation qui lui permettra de rester auprès de son fils par la suite.

« J’ai pensé aux assurances et dommages, faire la formation pendant mon RQAP, et ensuite recommencer à travailler. Comme mon fils a besoin d’oxygène, je devrai être en télétravail, mais je suis consciente. Est-ce que les gens vont m’engager ? », se questionne-t-elle.

TESTS DE DÉPISTAGE

Les tests de porteur sont présentement offerts pour quatre maladies héréditaires à fréquence élevée au Saguenay-lacsaint-jean, dans Charlevoix et sur la Haute-côte-nord, soit la neuropathie sensitivomotrice héréditaire avec ou sans agénésie du corps calleux, l’ataxie récessive spastique de Charlevoix-saguenay, l’acidose lactique congénitale et la tyrosinémie héréditaire de type 1. Il y a 18 mois, une demande a été déposée au ministère de la Santé et des Services sociaux afin que soit ajoutée à l’offre actuelle la mucolipidose de type 2, confirme Luigi Bouchard, professeur titulaire au département de biochimie et de génomique fonctionnelle à l’université de Sherbrooke et chef du service de biologie moléculaire et de génétique au CIUSSS du Saguenay-lac-saint-jean.

« Le processus d’évaluation pour des demandes de ce type-là est rigoureux », précise-t-il pour expliquer les longs délais.

Le taux de porteurs pour les quatre premières maladies varie entre une personne sur 20 et une personne sur 23. Pour la mucolipidose de type 2, on parle d’environ un porteur sur 42 au Saguenay-lac-saint-jean, ce qui est assez fréquent pour justifier son ajout au programme de dépistage, plaide M. Bouchard.

« Ça donne un taux d’environ une naissance sur 6500, donc une aux trois ou quatre ans dans la région », ajoute-t-il.

Une deuxième maladie est aussi en attente d’être ajoutée aux tests de dépistage, soit le syndrome de Zellweger.

Depuis le lancement du projetpilote en 2010, environ 20 000 personnes ont passé les tests de porteur. Pour y avoir accès, il faut être originaire du Saguenay-lacsaint-jean ou avoir au moins un grand-parent natif de la région, ce qui constitue une « réponse exceptionnelle » aux yeux de Luigi Bouchard.

« J’espère que la décision est imminente et j’ai bon espoir que nous aurons une réponse rapide. Je sais qu’il y a déjà plusieurs étapes de franchies. »

Gail Ouellette, généticienne, conseillère en génétique et présidente et directrice scientifique au Regroupement québécois des maladies orphelines, confirme de son côté que lors des consultations, qui ont eu lieu en début d’année en lien avec la nouvelle politique québécoise pour les maladies rares, des représentations ont été faites pour que le

programme de dépistage pré-conceptionnel de porteurs soit étendu à d’autres maladies. Luigi Bouchard fait d’ailleurs partie du comité consultatif pour l’élaboration du plan d’action lié à cette politique.

« Avec le programme actuel de porteurs, tout est déjà en place, donc ajouter une autre maladie ne serait pas compliqué ni très coûteux. [...] Un tel programme de porteurs ne devrait pas — avec les technologies génétiques existantes en 2022 — se limiter aux maladies du Saguenay-lacsaint-jean, mais certaines maladies devraient être dépistées dans toute la population québécoise, par exemple la fibrose kystique, qui est la maladie génétique récessive la plus fréquente en porteurs (1/25) chez les personnes de descendance européenne. Une autre est l’amyotrophie spinale. Avec les technologies d’aujourd’hui, on pourrait dépister un grand nombre de maladies », mentionne Mme Ouellette.

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2022-12-03T08:00:00.0000000Z

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