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INCURSION DANS LE SERVICE DE DÉNEIGEMENT DE SAGUENAY

MÉLANIE CÔTÉ mcote@lequotidien.com

La Ville de Saguenay a ouvert les portes de son service de déneigement, mercredi matin. Une façon de montrer à la population qu’avec deux massifs montagneux, trois plans d’eau majeurs et 2400 kilomètres de voies, il peut y avoir jusqu’à quatre façons de traiter la météo au même moment sur tout le territoire.

La présentation a été effectuée par Steeve Séguin, directeur adjoint du Service des travaux publics de Saguenay. Il a abordé toutes les subtilités du déneigement sur le territoire de la ville qui, en date de mercredi, avait déjà reçu 75 centimètres de neige sur une moyenne annuelle de 266, soit environ le quart des précipitations habituelles.

« On ne peut pas économiser sur la sécurité des gens, c’est impossible. [...] Venir bon en déneigement, c’est l’histoire d’une vie. Ça fait 20 ans et on en apprend encore », a-t-il dit.

Au total à Saguenay, il y a environ sept zones que les autorités traitent comme des centres-villes, le tout incluant quatre secteurs éloignés et fortement peuplés, soit Lac-kénogami, Laterrière, Canton-tremblay et les plateaux de La Baie.

« Du bout du chemin des Battures jusqu’au bout de Lac-kénogami, ça prend une heure quinze en roulant selon les limites de vitesse. Et faire le tour de tout notre circuit de déneigement, c’est au moins trois heures », a mis en contexte M. Séguin pour expliquer toutes les subtilités du territoire nordique qu’est la ville de Saguenay.

En chiffres, chaque hiver, en plus des 266 centimètres de neige qui tombent annuellement, il y a en moyenne 59 jours de neige, 103 millimètres de pluie (de novembre à avril) et cinq épisodes de verglas. À cela s’ajoutent des températures très froides, l’indice de gel de Saguenay (les degrés-jours de gel) étant de 1369. Ce calcul est fait dès que la température moyenne quotidienne descend sous zéro ; donc s’il fait -15 degrés Celsius une journée, l’indice s’élève à 15, et ainsi de suite, jusqu’à 1369, les températures s’accumulant ainsi tout l’hiver. À titre d’exemple, M. Séguin précise que dans certaines villes du Québec, l’indice est deux fois moins élevé qu’ici et même plus.

Le moment de l’année influe également sur les opérations de déneigement. La stratégie n’est pas la même en décembre qu’en janvier, par exemple.

« À ce temps-ci de l’année, la température de la chaussée fait en sorte que quand la neige tombe au sol, elle se met à fondre et devient très humide parce que le sol n’est pas gelé encore, donc lorsque le trafic passe sur cette neige-là, elle durcit, glace et ça devient glissant. Donc à ce temps-ci de l’année, on doit avoir une attention plus particulière. En janvier, c’est le froid et la glace noire qui nous causent des problèmes. Les enjeux sont différents, mais ce n’est pas plus difficile à un moment ou un autre. »

ENJEUX CLIMATIQUES

Le fait que la ville de Saguenay soit bordée par deux massifs montagneux (les monts Valin et la réserve faunique des Laurentides) et compte trois plans d’eau majeurs (la rivière Saguenay, le lac Kénogami et le lac Saintjean à proximité) fait en sorte que des enjeux climatiques d’importance ont un impact sur les précipitations.

Premièrement, l’effet de lac a déjà eu des conséquences, cette année. La première bordée annonçait un total de cinq centimètres de neige et il en est finalement tombé 30, rappelle M. Séguin. S’ajoutent aussi des épisodes de vents importants et violents, en raison de l’entonnoir formé par les montagnes, notamment.

« On n’a pas le contrôle sur la météo. Ce sont des prévisions et il peut arriver des imprévus. [...] S’il y a des problèmes sur les routes, c’est la météo qui pose problème et on n’est pas à l’abri d’avoir des bris de machinerie pendant nos opérations. »

MATÉRIAUX DE DÉGLAÇAGE

L’application de matériaux de déglaçage, soit le sel de voirie et les abrasifs, ne se fait pas au hasard. Les équipes utilisent le Guide approximatif d’application des matériaux de déglaçage et tout est calculé en fonction de la température. Avec la température de la veille jumelée à celle du jour, le guide donne un code et ce dernier précise le type d’épandage à utiliser et en quelle quantité. Par exemple, le sel est efficace jusqu’à -15 degrés Celsius et il a besoin d’humidité et de chaleur. Il n’est donc pas possible de l’utiliser en fin de journée ou la nuit. Steeve Séguin a d’ailleurs fait la démonstration que le mélange de sel et de neige devient rapidement plus froid que les deux éléments séparés. Au départ, la neige était à 2 degrés Celsius et le sel à 12 degrés Celsius. Après quelques minutes, le mélange était à -21.

« Le sel est utilisé pour assécher et déglacer le réseau routier. Il n’est pas là pour faire fondre la neige. Il n’est pas utilisé en cours de précipitation, il est utilisé à la fin des précipitations pour redonner un système routier convenable à l’ensemble des usagers. Une quantité de sel peut faire fondre une quantité de neige donnée, donc quand il neige, on en mettrait, on en mettrait et on en mettrait, mais on ferait une extraction de la chaleur de la chaussée et après ça on n’aurait plus de chaleur dans notre chaussée pour la rendre sèche et déglacée. C’est pour ça que le sel est à utiliser avec prudence et pas par temps froid. »

Car si les conditions gagnantes ne sont pas réunies, la chaussée va geler, répète-t-il. « Le sel, c’est la solution ultime pour un usage précis. »

Les abrasifs, quant à eux, sont utilisés lors des précipitations de neige et de verglas, particulièrement dans les courbes, les pentes et aux intersections.

« Lors des grands froids ou des épisodes de verglas, c’est le seul matériau qu’on utilise, mais c’est peu durable parce que c’est déplacé par les voitures et par les vents. On peut parfois le mélanger avec du sel, mais encore là, ça prend des conditions gagnantes », précise M. Séguin.

Chaque année, 12 000 tonnes de sel et 22 500 tonnes d’abrasifs sont épandues sur le territoire. Une tonne de sel coûte 100 $, comparativement à 15 $ pour une tonne d’abrasifs.

SUIVI EN TEMPS RÉEL

Les employés du service de déneigement suivent en temps réel, 24 heures sur 24, ce qui se passe avec la météo. Ils reçoivent d’ailleurs un service spécialisé où tout est cartographié par le météorologue Jimmy Desbiens, de Météo Chicoutimi.

« Soixante-douze heures avant un événement météo, nous sommes en mode préparation, nous vérifions nos équipements. Vingtquatre heures avant, c’est l’alerte maximale et nous sommes en contact avec tous nos partenaires, et quatre heures avant, c’est le déploiement de nos camions qui sont en attente du début de l’événement à différents endroits stratégiques sur le territoire. »

D’ailleurs, mercredi, lors du passage des médias aux installations de Jonquière, le contremaître a demandé de cesser les opérations de soufflage et de se préparer avant d’entrer dans le quatre heures avant le début des précipitations. Outre les vents violents, Saguenay était en attente de précipitations de pluie et de neige.

« Chaque parcours est optimisé pour une précipitation normale, soit entre un et deux centimètres à l’heure, explique Steeve Séguin. Si ça se dégrade, par exemple avec quatre ou cinq centimètres à l’heure, il y a du délestage selon les priorités. »

En effet, le territoire est divisé en secteur selon les priorités un, deux ou trois. Et toutes les opérations sont suivies en temps réel, avec les heures de passage des camions aux différents endroits.

Après les précipitations, la Ville se donne huit heures pour ramasser entre 0 et 15 centimètres, 12 heures pour 12 à 30 centimètres,

et 16 heures pour les tempêtes de plus de 30 centimètres. Précisons que le ramassage ne se fait qu’une fois les précipitations terminées. Il existe aussi un ordre de priorité pour les trottoirs. Saguenay s’accorde entre 8 et 16 heures pour reprendre le contrôle. Sur un total de 500 km de trottoirs à Saguenay, 300 sont déneigés.

Et quand il ne neige pas, les équipes s’affairent au ramassage de la neige, au nettoyage des dépôts, au sablage des routes, au déneigement des bornes-fontaines et des puisards, etc.

DÉPÔTS À NEIGE

Le territoire de Saguenay compte six dépôts à neige, soit quatre à Jonquière, un à Chicoutimi et un à La Baie. Dans un hiver moyen, 50 000 voyages de neige y sont amenés pour un total de 1,5 million de mètres cubes. La superficie de neige représente 23 fois le Centre Georges-vézina, et si on mettait tous les camions qui s’y déplacent bout à bout, ils s’étireraient sur 625 kilomètres.

« Les dépôts sont des zones dangereuses parce qu’il y a des risques d’avalanche. Les opérateurs sont tous formés. Même le jet puissant des souffleurs est très dangereux », prévient M. Séguin, ajoutant que la neige n’a pas toujours le temps de fondre pendant l’été !

Environ 130 équipements lourds sont affectés au déneigement, que ce soit des niveleuses, des chargeurs sur pneus, des camions de déneigement, des chenillettes, des bouteurs, des rétrocaveuses ou des pelles hydrauliques.

UNE PREMIÈRE EXPÉRIENCE À RÉPÉTER

Le fait d’ouvrir ainsi les portes d’un service était une première à Saguenay. Le conseiller aux relations médias et numériques, Dominic Arseneau, aimerait répéter l’expérience.

« Ce qu’on a voulu faire, c’est lever les rideaux et montrer les coulisses de la Ville. Montrer que le déneigement, ce n’est pas juste un camion qui va sortir quand il neige, c’est un travail à temps plein tout au long de l’hiver. Dès le moment où les temps froids arrivent et qu’on commence à avoir de la neige dans les prévisions météo, il faut commencer à préparer l’équipement, les ressources humaines et le processus. On espère qu’après avoir fait une aussi longue présentation, d’être allés aussi loin dans les détails, que ça va donner une meilleure compréhension du travail et aussi peut-être une meilleure appréciation du travail de tous les opérateurs de déneigement qui travaillent 24 heures sur 24 dans des conditions pas forcément évidentes pour que tout le monde circule en sécurité », a-t-il dit.

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