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«ON N’EN MEURT PLUS AVEC LE BON TRAITEMENT »

CAROLYNE LABRIE clabrie@lequotidien.com — PHOTO LE PROGRÈS, ROCKET LAVOIE

Infirmière praticienne spécialisée (IPS), Isabelle Thibeault accompagne à l’hôpital de Chicoutimi 200 patients atteints du sida. Plus tôt cette semaine, dans le cadre de la Journée mondiale de lutte contre le sida, elle nous a accordé une soixantaine de minutes pour discuter de ce virus encore bien tabou.

On ne meurt plus du VIH, tientelle d’abord à dire. Elle s’empresse toutefois d’ajouter : « lorsque les patients sont bien suivis et qu’ils prennent leurs médicaments ».

Parce que s’il est possible d’avoir une vie normale et de ne pas développer d’autres maladies lorsqu’on est porteur, il faut tout de même agir de manière responsable et bien écouter les consignes de son IPS.

Et lorsque la charge virale est faible, le virus ne peut pas être transmis. « On parle ici de la charge de l’indétectable. Avec un traitement adéquat, le patient va maintenir sa charge virale si basse qu’il ne peut le transmettre à ses partenaires sexuelles. »

Il en est de même pour la future mère qui, grâce à la médication, peut empêcher le VIH de se transmettre à son bébé lors de la grossesse et de l’accouchement.

C’EST TOUJOURS UN CHOC

« Ça reste toujours un grand choc pour la personne quand je dois lui annoncer », souligne avec douceur Isabelle Thibeault.

Dans son bureau, il n’existe aucun tabou et aucun jugement. « C’est encore très mal vu le VIH et il y a toute la stigmatisation qui l’accompagne. Certains n’osent même pas aller à leur pharmacie régulière pour aller chercher leurs médicaments. »

Des gens de tous les âges se sont assis devant elle au fil des ans. Beaucoup d’hommes, mais aussi des femmes. Il y a eu des personnes de toutes les classes sociales. Certains étaient à peine âgés de 20 ans alors que d’autres étaient dans la cinquantaine. Au Québec, l’âge médian est de 36 ans chez les hommes et 45 ans chez les femmes.

Entre 1984 et 2019, 381 patients ont été suivis au service de microbiologie médicale de l’hôpital de Chicoutimi. De ce nombre, 239 étaient des hommes qui avaient eu des relations sexuelles avec d’autres hommes et 74 personnes l’avaient contracté après une injection de drogue par intraveineuse.

Au fil de ces 35 années, on compte 161 décès en raison de complications reliées au sida.

LA PREP POUR PRÉVENIR LA TRANSMISSION

L’infirmière praticienne le répète, en 2022, il y a plusieurs solutions qui permettent de lutter contre le sida, à commencer par la PREP.

Il s’agit d’un traitement en prévention pour les clientèles plus à risque, comme pour les gens qui ont des relations sexuelles non protégées ou pour quelqu’un qui ne connaît pas le statut VIH de son ou ses partenaires.

« Le comprimé bloque le virus.

J’ai une centaine de patients qui l’utilisent. C’est efficace à plus de 99 %, encore une fois, lorsqu’il est bien suivi. »

Avant de pouvoir utiliser ce traitement, la personne sera évaluée et rencontrée. Elle devra aussi s’engager à avoir un suivi médical régulier avec Mme Thibeault.

Elle est l’une des seules infirmières praticiennes au Québec à être spécialisée en maladies infectieuses et en infections transmissibles sexuellement ou par le sang.

Avec cette ressource et le travail qui est fait en amont dans les CLSC, les gens qui ont des craintes sont bien entourés au Saguenay-lac-saint-jean.

« Le dépistage se fait au CLSC. Alors si quelqu’un a des interrogations, il appelle là. Il peut aussi se rendre au local du service de travail de rue », explique l’infirmière.

« En cas d’urgence, par exemple le condom brise lors de la relation et les risques de contracter le VIH sont très grands, vous devez vous rendre au CLSC ou à l’urgence dans les 72 heures suivantes pour recevoir un traitement qui bloquera le virus », ajoute-t-elle.

Après quatre décennies de recherches, la médication a énormément évolué, elle est plus efficace et elle est moins toxique.

La bataille n’est toutefois pas gagnée, notamment en ce qui a trait à la prévention. Isabelle Thibeault se désole aussi de voir que la pandémie a ralenti le dépistage. « C’est comme si on avait perdu de cinq à dix ans parce que les gens étaient moins dépistés. »

Les relations sexuelles non protégées ont par ailleurs augmenté. La Santé publique le remarque par le nombre plus élevé de diagnostics de syphilis et de gonorrhée qui peuvent aussi favoriser la transmission du VIH.

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2022-12-03T08:00:00.0000000Z

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