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LE FAN ET LE HÉROS SE REVOIENT... 50 ANS PLUS TARD!

IAN BUSSIÈRES ibussieres@lesoleil.com

Quand le hockeyeur Paul Henderson a autographié et remis un bâton de hockey à un homme d’affaires québécois le 28 septembre 1972 après la victoire d’équipe Canada à Moscou lors de la Série du siècle, il ne se doutait pas qu’il allait apposer de nouveau sa signature sur le même bâton 50 ans plus tard. Avec un peu d’aide du Soleil, André Meunier a ainsi pu renouer lundi avec l’auteur du « but du siècle » qui avait donné la victoire à Équipe Canada.

C’est l’entrevue avec Henderson parue dans nos pages le 3 septembre qui a ramené André Meunier dans ses souvenirs. Le retraité de 85 ans de Saint-bruno-de-montarville était en effet l’un des rares amateurs de hockey canadiens qui avaient pris part à un voyage organisé vers Moscou pour assister, en pleine guerre froide, aux quatre derniers matchs de la Série du siècle qui opposait les meilleurs joueurs canadiens de la Ligue nationale de hockey (LNH) à l’équipe nationale de l’union des républiques socialistes soviétiques (URSS).

« J’étais en vacances à Pine Point Beach, dans le Maine, pendant que les Russes jouaient à Montréal. Comme je suis un amateur de hockey, j’ai décidé d’acheter des billets pour un voyage organisé à Moscou afin d’assister aux derniers matchs de la série », explique-t-il en entrevue avec Le Soleil.

Connaissant la pratique russe de remettre des cadeaux après une compétition, celui qui possédait une entreprise spécialisée dans les reproductions sur métal avait fait monter une photo prise à Montréal du cerbère Vladislav Tretiak avec, devant lui, un hockeyeur canadien. Il souhaitait la remettre à la formation soviétique.

DE TRETIAK À HENDERSON

« Le guide russe m’a refusé l’accès au vestiaire avant le début du dernier match, me demandant de revenir après la partie. Mais quand Henderson a compté son but gagnant et que la partie a pris fin avec la victoire du Canada, j’ai réalisé que le hockeyeur canadien sur la photo devant Tretiak n’était nul autre que Paul Henderson... », explique M. Meunier.

« Et après la défaite soviétique, il y avait des policiers et des soldats partout et le guide m’a dit que je ne pourrais pas aller vers les vestiaires. Je ne l’ai pas écouté et j’ai enjambé les rangées de sièges pour me rendre en bas. Je montrais la photo encadrée aux policiers en pointant Tretiak et ils m’ont tous laissé passer. Avec le cadre, ça avait l’air officiel ! », rigole M. Meunier, qui finalement a pris la direction du vestiaire d’équipe Canada plutôt que de celui des vaincus.

« J’ouvre la porte et Alan Eagleson, organisateur de la Série du siècle, me saute au cou en me disant : “Nous avons gagné ! Nous avons gagné ! ” et, tout de suite, je vois Paul Henderson, qui était dans sa bulle, surexcité après avoir marqué le but gagnant. Je lui ai remis la photo en lui disant : “C’est pour toi ! ”, et il se demandait bien comment une photo de son but pouvait être prête si rapidement ! J’ai pointé la couleur des chandails en signalant que la photo avait été prise quelques jours plus tôt à Montréal », raconte M. Meunier.

C’est là qu’henderson a décidé de faire lui aussi un cadeau au fan voyageur. « Il a pris un bâton et a inscrit, en anglais, “Meilleurs voeux, André. Paul Henderson” dessus », se souvient celui qui a conservé précieusement ce souvenir autographié depuis sans jamais revoir Paul Henderson. À sa grande surprise, quand il s’apprêtait à quitter le Palais des sports Luzhniki avec son bâton en mains, André Meunier a été assailli par une horde d’amateurs de hockey russes.

« VEDETTE » MALGRÉ LUI

« Je sortais de la zone des vestiaires avec un hockey dans les mains, alors ils étaient convaincus que j’étais un joueur de la LNH ! Ils voulaient que je leur signe des autographes et je disais seulement “Niet ! Niet ! ”, car je ne parle pas russe, mais ils ne comprenaient pas. De guerre lasse, j’ai décidé de signer ce qu’ils me tendaient. J’écrivais “André Meunier”, mais plus je signais, plus d’autres amateurs arrivaient ! Il y a sûrement des Moscovites qui ont encore mon autographe aujourd’hui et qui pensent qu’ils ont la signature d’un joueur d’équipe Canada ! »

L’homme d’affaires a éventuellement fini par réussir à fausser compagnie à ses nouveaux fans pour se rendre compte que son autobus avait déjà quitté pour l’hôtel quand il est sorti du Palais des sports Luzhniki. Il a donc dû se résigner à faire de l’auto-stop et un automobiliste a bien voulu le faire monter dans sa Lada bourgogne. « Une fois à l’hôtel, je sors 20 $ pour lui donner, mais l’automobiliste a dit “Niet ! ” et a mis la main sur mon hockey ! C’est le hockey qu’il voulait, pas l’argent ! J’ai ouvert la porte, je suis sorti et j’ai tiré un grand coup et le hockey lui a glissé des mains. Je lui ai lancé les 20 dollars et j’ai couru vers l’hôtel ! », se souvient-il.

André Meunier avait réussi à conserver le bâton, qu’il avait toujours cru appartenir à Henderson. Ce n’est qu’en 2016 qu’il a reçu la confirmation qu’il s’agissait plutôt du bâton du capitaine d’équipe Canada et joueur le plus utile de la Série du siècle, Phil Esposito. « Il y avait eu une fête à la Place des Arts avec plusieurs joueurs de la Série du siècle. J’ai présenté le bâton à Phil en lui disant que certains, dont l’animateur Paul Houde, m’avaient dit que c’était son bâton. Il m’a fait monter sur scène, l’a regardé et m’a dit : “C’est mon bâton ! ”, avant de le signer à son tour devant 2000 personnes », se souvient-il.

BELLES RETROUVAILLES

Déjà, l’histoire de ce bâton de hockey n’était pas banale du tout, mais un autre chapitre restait à écrire. André Meunier n’avait jamais revu Paul Henderson et rêvait d’entrer en contact avec la légende du hockey. Après avoir lu l’entrevue avec Henderson parue dans Le Soleil, il a donc demandé à l’auteur de ces lignes de le mettre en contact avec l’ex-hockeyeur. Avec la bénédiction d’henderson, j’ai donc fourni ses coordonnées à M. Meunier, qui a finalement sauté dans un avion lundi pour lui rendre visite à Toronto.

« M. Henderson était aussi content que moi d’apprendre cette histoire et m’a invité à lui rendre visite. Il est même venu me chercher et me reconduire à l’aéroport en plus de me remettre une copie de son livre The Last Word et de l’autographier. Et, surtout, il a de nouveau signé le même bâton de hockey 50 ans plus tard ! Nous avons passé quatre heures ensemble, des moments inoubliables. On a parlé de sa vie, du hockey, on était sur la même longueur d’onde. Il m’a dit qu’il serait à Québec avec Serge Savard, Yvan Cournoyer et d’autres membres d’équipe Canada pour une promotion la semaine prochaine. J’y serais allé aussi si je n’avais pas été à l’extérieur du pays », explique-t-il.

« Et tout cela, je te le dois à toi ! », conclut, à l’intention du journaliste, l’ex-homme d’affaires qui a jadis fondé et dirigé l’entreprise Agrégats Waterloo de Stukely-sud. Comme quoi les contacts privilégiés d’un membre de la presse peuvent parfois ouvrir la porte à de très belles retrouvailles, même cinquante ans plus tard.

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2022-12-03T08:00:00.0000000Z

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