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COMMENT SUZIE VILLENEUVE A RETROUVÉ L’ÉMERVEILLEMENT

DANIEL CÔTÉ dcote@lequotidien.com PHOTO COURTOISIE, MÉLANY BERNIER

«Ma petite flamme intérieure s’était ternie. En allant au coeur de ça, j’ai réalisé que le problème venait de ma façon de percevoir la musique, comme une compétition. À un certain niveau, je me voyais aussi comme une victime. Ç’a donc été libérateur lorsque j’ai compris que là encore, ça venait de moi», a confié Suzie Villeneuve lors d’une entrevue téléphonique accordée au Progrès, plus tôt cette semaine.

Puisque sa vie tournait autour de la chanson, ce qui était également le cas pour Annie, sa soeur jumelle, le mal-être résultant de son attitude l’avait poussée à renoncer à cette pratique. Trop de mauvais sang. Trop de déception et pas assez de gratification, malgré ses capacités vocales et les efforts consentis. Pour se reconstruire en tant que personne, elle devait remettre le pendule à zéro.

Relatée dans le livre intitulé De la tête au coeur, publié récemment aux éditions Le dauphin blanc, cette remise à niveau s’est révélée à la fois exigeante et concluante. L’événement qui a fait la différence a pris la forme d’un mentorat d’une durée de neuf mois, piloté par Sylvie Olivier et Bernard Thérien. Ces personnes rencontrées pour la première fois en 2016 l’ont vite sortie de sa zone de confort.

« J’ai fait cette démarche avec trois autres femmes et, au début, je ne trouvais pas ça évident de m’ouvrir devant elles. Ça prenait du courage, mais ces rencontres m’ont permis de constater que je n’étais pas la seule qui n’allait pas bien, relate Suzie Villeneuve. Aujourd’hui, je vois ce processus comme un cadeau inestimable que je me suis fait. Dans plusieurs sphères de ma vie, j’ai redécouvert l’émerveillement. »

TROP JEUNE

Au début du livre, il est question de ses premiers pas dans la chanson, à la faveur de concours organisés au Saguenay-lac-saint-jean, d’où l’interprète est originaire. Sans que ce soit la faute de quiconque, le fait que sa soeur jumelle y participait également a éveillé chez elle un réflexe de comparaison qui s’est mué en esprit de compétition.

Si l’une gagnait, ça voulait dire que l’autre avait perdu, une équation qui s’est perpétuée jusqu’à l’aventure Star Académie, édition 2003. C’était la toute première et quand les participants ont réalisé à quel point les Québécois s’étaient enthousiasmés pour ce concours, la pression est devenue aussi forte que l’éblouissement découlant de leur notoriété surdimensionnée.

« À 19 ans, c’est jeune pour être jugé et se retrouver dans le regard du public. Nous avons vécu des choses intenses, d’autant que c’était la première édition. Personne ne se doutait que ce serait populaire à ce point, rapporte Suzie Villeneuve. Pour faire face à tout ça, il aurait fallu être outillé, alors que nous ne l’étions pas. »

Son malaise ne s’est pas allégé par la suite, au contraire. À petites touches, au fil de l’entrevue, elle brosse le portrait d’une jeune artiste qui ne se reconnaissait pas dans la manière dont on exploitait son talent. « Je suis entrée dans le métier par un chemin étroit, un tunnel qui me restreignait par rapport à qui j’étais en dedans », note Suzie Villeneuve.

Elle qui planche sur un album compare également les pièces d’aujourd’hui à celles qu’on lui confiait jadis. « Sur mon premier enregistrement, c’était noir, beaucoup plus triste, indique-t-elle. À la suite du nettoyage que j’ai effectué par rapport à moi-même, cependant, on est ailleurs. Ce ménage a fait éclater les murs, en ce qui concerne la musique. »

RETOUR FRUCTUEUX

Pour mesurer le chemin parcouru, elle a accepté de participer à un autre concours, La Voix, après avoir retrouvé le désir de créer des chansons. Le piège était évident, celui de retomber dans la compétition malsaine, au lieu de profiter du plaisir que peut procurer cette tribune. Arrivée à la fin de la trentaine, Suzie Villeneuve se sentait suffisamment outillée pour tirer son épingle du jeu.

« C’est vrai que dans un concours, il y a la notion de comparaison, mais je ne voulais pas le vivre d’une manière qui me rendrait malheureuse. Jusqu’à la finale, j’ai donc chanté pour le bonheur de le faire et cette expérience m’a permis de revoir avec plus de compassion celle que j’avais vécue à Star Académie », décrit Suzie Villeneuve.

Ajoutez la naissance d’un premier enfant il y a quelques mois, puis la sortie de son livre, et vous obtenez une personne qui aborde la quarantaine avec une sérénité qui lui a si longtemps échappé. Heureuse et prête à se montrer sous ses vraies couleurs.

« À 19 ans, c’est jeune pour être jugé et se retrouver dans le regard du public. »

— Suzie Villeneuve

LE MAG

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2022-12-03T08:00:00.0000000Z

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