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L’art de faire du pouce

PATRICIA RAINVILLE prainville@lequotidien.com

Il y a quelques semaines, je lisais un article sur les émojis. Plus précisément sur ces émojis qui devraient être bannis, selon les plus jeunes générations, notamment la Z. Le premier émoji à être ciblé ? Le fameux pouce bleu.

Les plus jeunes estimaient que ce pouce était un signe passif, agressif et plutôt sarcastique, alors qu’initialement, ce pouce était synonyme d’accord ou de travail bien fait.

Ça m’a fait sourire, puisqu’il est bien vrai que le langage des émojis n’est pas parlé de la même façon chez les jeunes et chez les plus âgés.

J’ai aussitôt pensé à ma belle-mère, qui envoie des pouces à qui mieux mieux en guise de réponse ou à mon très cher collègue Normand, qui m’envoie des stickers (autocollants en français) sur Messenger pour m’exprimer ses émotions. Un gros sticker qui rit aux larmes quand je lui fais une remarque humoristique ou un autre qui tire la langue lorsque je le taquine.

Les stickers, totalement boudés des plus jeunes, trahissent l’âge, n’en déplaise à Normand, lui qui ne se définit pas comme un dinosaure de l’internet. Mais je ne peux pas dire qu’il ne maîtrise pas le langage du sticker.

Cet article sur les émojis m’a aussi fait penser à mon père, informaticien de carrière. Il m’a souvent dit qu’il suffit de quelques mois d’inactivité pour être complètement dépassé dans ce domaine. Il est retraité depuis 15 ans...

Ou à ma mère, qui m’a posé plusieurs questions, il y a quelques jours, sur les

stories. Malgré tout, elle a fini par me dire qu’elle n’en comprenait pas le rapport.

Mais peu importe, comprendre toutes les subtilités du Web n’est ni un besoin vital ni un gage d’intelligence.

Mais revenons à ce bon vieux pouce. Je fais partie de la génération Y, celle qui précède les Z et qui arrive après les X. J’utilise le pouce avec parcimonie et j’avoue qu’il a, à mes yeux, ce petit côté baveux, tout dépendant de qui me l’envoie.

Mon adorable belle-maman peut m’envoyer des pouces autant qu’elle le veut, je ne le prendrai pas personnel, c’est sa signature. C’est d’ailleurs la signature de bien des gens nés avant une certaine époque.

Mais si ma meilleure amie m’envoie un pouce après que je lui ai raconté la meilleure anecdote du monde, je vais lui en tenir rigueur. Parce que le pouce est un peu synonyme de « je m’en fous, bye ». Même chose si mon neveu de 17 ans me répond d’un pouce. Je sais très bien qu’à son âge, c’est totalement nase.

D’un autre côté, j’utilise encore fréquemment le pouce dans mes relations de travail. C’est la réponse parfaite lorsqu’un collègue me dit que son texte est prêt à être révisé et mis en ligne. Pourquoi répondre un roman lorsqu’on a ce petit pouce tout mignon à portée de main ?

Comme me le faisait remarquer un collègue âgé dans la trentaine, les plus jeunes, eux, préfèrent utiliser le petit coeur plutôt que le pouce en guise de réponse affirmative. D’ailleurs, je n’utilise plus le pouce avec les plus jeunes du journal, de peur d’avoir l’air d’une matante.

Je suis donc une pouceuse à temps partiel et je m’adapte au langage de mon interlocuteur. Un beau gros sticker pour Normand, un pouce pour ma patronne et un petit coeur pour le petit nouveau de 19 ans. Voilà, je suis polyglotte. PATRICIA RAINVILLE

LE MAG

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2022-12-03T08:00:00.0000000Z

2022-12-03T08:00:00.0000000Z

https://lequotidien.pressreader.com/article/283085598209461

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