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CHOISIR SES BATAILLES

GUILLAUME ROY JOURNALISTE DE L’INITIATIVE DE JOURNALISME LOCAL groy@lequotidien.com

Avec la panoplie d’espèces envahissantes qui menacent de s’implanter un peu partout sur le territoire, il faut choisir ses batailles, estime Claude Lavoie, spécialiste de l’écologie et de la gestion des plantes envahissantes et professeur à l’université Laval.

« Bien souvent, il est trop tard, souligne l’homme qui a écrit deux livres sur le sujet et dénommé 50 et 40 autres plantes envahissantes. Quand on retrouve des milliards de tiges de roseaux communs, il faut bien y penser avant d’intervenir et savoir où l’on va concentrer nos efforts. »

Dans son premier livre, on retrouve notamment 30 plantes qui envahissent les milieux agricoles. « On oublie souvent les principales espèces nuisibles qui investissent les terres agricoles, dit-il. Si on arrivait à les éliminer, on pourrait augmenter la productivité des terres et on enlèverait 70 % des pesticides, qui sont en fait des herbicides. »

C’est par exemple en exploitant les niches écologiques mises à nu sur les terres agricoles que l’herbe à poux, une espèce d’amérique du Nord, a pu se répandre en aussi grand nombre. « On a créé des environnements favorables à l’herbe à poux », note l’expert. Aujourd’hui, 20 % de la population de la Montérégie souffre du rhume des foins, donne-t-il en exemple.

Chénopode blanc, sétaire, folle avoine, laitrons font aussi partie des envahisseurs indésirables en milieu agricole, alors que d’autres espèces frappent à nos portes, en raison du réchauffement climatique.

En ce qui a trait aux autres espèces envahissantes évoquées, comme le myriophylle à épi et la renouée du Japon, Claude Lavoie est plutôt fataliste. « Ce n’est qu’une question de temps avant que les problèmes surviennent, mais on peut agir pour retarder l’émergence et limiter l’envergure des infestations », avance-t-il.

Il est important de bien réfléchir à comment les montants seront investis, car les budgets sont toujours limités. « Parfois, le plus gros problème sur un lac, ce ne sont pas les espèces exotiques envahissantes, mais plutôt le phosphore ou l’absence de bandes riveraines, croit-il. Le myriophylle est parfois un symptôme plus évident du mauvais état d’un lac. »

L’absence de végétation, notamment sur les bandes riveraines, facilite d’ailleurs l’installation et la propagation d’espèces comme la renouée du Japon, qui accélère l’érosion des berges, ajoute M. Lavoie. « À la base, le vrai problème était l’absence de végétation », plaide-t-il.

Alors que de longs pans de rivières sont infestés de renouée, comme c’est le cas sur les rivières Etchemin et Chaudière, ou de myriophylle à épi, comme c’est le cas dans les lacs Memphrémagog, Saint-françois ou Témiscouata, il faut plus que jamais se doter de stratégies pour agir rapidement lors de l’émergence d’une espèce exotique envahissante, et non pas attendre que les impacts soient généralisés. « Il faut protéger les milieux sensibles, comme le lac Saint-pierre, pour éviter qu’il soit infesté de roseau commun ou de châtaigne d’eau », lance-t-il à titre d’exemple.

Mais il faut aussi regarder tous les problèmes environnementaux auxquels on doit faire face pour investir les montants au bon endroit, ajoute Claude Lavoie, avec beaucoup de pragmatisme.

Il note au passage que certaines plantes envahissantes, comme c’est le cas avec le rosier rugueux au Bas-saint-laurent, peuvent avoir des effets bénéfiques. « C’est une plante de bord de mer qui a un impact négatif sur la biodiversité, mais qui permet de lutter contre l’érosion riveraine, dit-il. Selon moi, elle amène plus d’avantages que d’inconvénients. Entre deux maux, il faut choisir le moindre. »

D’autres espèces venues du sud pourraient bientôt créer des ravages importants, ajoute l’homme qui traite des espèces en émergence dans son deuxième livre. L’épine-vinette, une espèce venue du Japon, a le potentiel de prendre toute la place en forêt. « C’est aussi un refuge pour les souris à pattes blanches, l’hôte de la tique qui transporte la maladie de Lyme, rappelle-t-il. Lorsque l’épine-vinette envahit un secteur, on retrouve 20 à 40 fois plus de tiques. »

Il faudra beaucoup de vigilance pour faire face aux plantes (et aux autres) espèces qui s’installeront sur notre territoire. Les municipalités ont tout avantage à se préparer et à prévoir des fonds pour faire face à ces envahisseurs, conclut-il.

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2023-06-03T07:00:00.0000000Z

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