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Voyager pour des peanuts en jouant aux cartes de crédit

DANIEL GERMAIN CHRONIQUE dgermain@cn2i.ca

Quand j’ai annoncé à mon collègue responsable de la section affaires que je comptais faire un texte sur ce qu’on appelle en anglais le credit card churning, il a répondu : « Chouette ! Un thème “consommation” ! »

Les boss ne me le disent pas, mais je sens qu’ils voudraient que je joue plus souvent dans cette talle-là. Or, aujourd’hui, je ne vois qu’un sujet vraiment pertinent en consommation : consommez moins ! Vous réduirez ainsi le risque de tomber sur de la camelote et de vous en plaindre et, en plus, ça vous fera plus d’argent dans votre CELI. Excusez-moi si je m’emporte, c’est le jour du recyclage dans mon quartier, et à voir déborder des trottoirs toute cette quantité de matière qui attend le camion, j’ai l’impression que certains de mes voisins exploitent un Walmart.

Qu’est-ce que je disais, déjà ? Ah oui ! Le credit card churning. Vous vous demandez c’est quoi, ça ? C’est cette activité qui consiste à exploiter à fond les programmes de fidélité des cartes de crédit dans le but (surtout) de voyager à moindres coûts. Inutile de vous dire que tout m’énerve dans ce système. Les avantages dont profitent les uns sont payés au bout du compte par l’ensemble des consommateurs, il s’opère un transfert de richesse vers les gens en moyens. Les frais facturés aux commerçants par les émetteurs de cartes de crédit finissent par se répercuter sur le prix des produits en magasin. Je suis probablement influencé par l’actualité et le fait que j’ai dû me retenir de démarrer mon climatiseur au mois de mai, mais puis-je aussi me permettre cette question : la « passion du voyage », allons-nous un jour en revenir ?

Comme mes préoccupations environnementales vous intéressent moyennement et que j’y ai déjà consacré le tiers de ma chronique, passons au vrai sujet : voyager à peu de frais avec le mode de paiement en plastique.

Tout m’énerve dans ça, disais-je, à part sans doute Jean-maximilien Voisine, fondateur de Milesopedia, un site Internet spécialisé autour duquel bourdonne une communauté de collectionneurs de points et de voyageurs enthousiastes. Je le connais depuis un certain temps, j’ai vu son affaire fleurir, c’est un excellent entrepreneur, affable, aimable et tout. Milesopedia, bien qu’il serve à vendre des Visa, des Mastercard et autres Amex, propose de l’information très utile à ceux qui recherchent la carte la plus avantageuse selon leurs besoins et leurs habitudes de consommation. Le site Internet déborde de conseils pour les personnes tentées de profiter au maximum des programmes de fidélité, ceux que j’appelle des churners, mais Jean-maximilien n’aime pas ce mot, car il recèle une connotation péjorative, il paraît. Moi non plus je ne l’aime pas, mais pour une autre raison, si vous pensez à un équivalent en français, écrivez-moi.

Une précision ici s’impose : le

churner est au programme de fidélité ce que la madame avec son

scrapbook rempli de couponsrabais est à la circulaire. On parle donc d’un passe-temps qui frôle parfois l’obsession, une passion qui réunit pas mal de monde.

Jean-maximilien en fait partie, et pour les autres plus nombreux encore, voici ce qu’il recommande. Une personne capable de contrôler ses dépenses devrait posséder trois cartes de crédit si elle veut tirer normalement parti des programmes de fidélité, sans virer fou :

1 Une carte qui offre les meilleurs avantages dans les catégories d’achat où on est les plus actifs.

2Une carte pour les dépenses quotidiennes relativement généreuses en récompenses pour tous les autres types d’achats. 3Une troisième qui propose les meilleures assurances pour les voyages (si on voyage pour la peine).

Dans tous les cas, l’expert favorise dans un premier temps les cartes sans frais annuels. Pour sélectionner les plus adaptées à ses besoins, on doit dresser la liste des biens et des services qu’on consomme le plus et répertorier les commerces qu’on fréquente le plus souvent. Il faut aussi orienter son choix en fonction des avantages qui nous intéressent : les voyages, les remises en argent ou les cadeaux. Le site Web de

Protégez-vous offre un outil développé par Milesopedia qui permet de cibler les cartes les plus appropriées. La différence avec le moteur de recherche du site de Milesopedia, c’est que les cartes des entreprises partenaires ne sont pas affichées en haut de la liste des résultats.

Pour ramasser rapidement une quantité de points suffisante pour voyager à peu de frais, il faut se montrer agressif et ne pas avoir peur de se déboîter la hanche à cause d’un portefeuille trop épais (compris, les gars ?). Avant tout, on doit savoir où et combien de temps on veut partir. Quel type d’hébergement allons-nous privilégier, des hôtels (quelle chaîne ?) ou des appartements de type Airbnb ? Une fois sur place, quel mode de transport allonsnous utiliser, la voiture de location, le train ou l’avion ?

Ce n’est qu’après qu’on choisira les cartes de crédit qui nous en donneront le plus. Lors des recherches, on pourrait modifier légèrement les plans pour profiter de meilleurs rabais, selon les offres promotionnelles d’adhésion qui changent souvent.

Au Canada, on compte

170 cartes de crédit et 18 programmes de fidélité. Tous les grands émetteurs offrent des produits spécialisés dans les voyages (transporteurs et hébergement). L’idée consiste à sélectionner plusieurs cartes qui offrent le plus de points de « bienvenue » et sur les achats, la valeur s’élève généralement à plusieurs centaines de dollars. Les points ne sont souvent accessibles qu’après quelques mois et après avoir porté un certain montant de dépenses sur sa carte. Si notre stratégie implique cinq ou six cartes (c’est peu), il faut maintenir un bon rythme de vie pour débloquer les points de bienvenue sur chacune d’entre elles.

Selon Jean-maximilien Voisine, concentrer ses demandes de carte le même jour écorche moins le dossier de crédit que si on le faisait sur une plus longue période. C’est à vérifier. Dans tous les cas, la cote devrait remonter si les soldes sont réglés systématiquement avant les échéances. À la fin, on pourra annuler celles qui ne sont plus utiles.

Est-ce compliqué ? Ça dépend de l’ampleur du voyage. Sur Facebook, on trouve un groupe Milesopedia où les membres s’échangent des astuces et partagent leurs expériences. Une participante a décliné les étapes de ses prochaines pérégrinations en Asie, accompagnée de deux membres de sa famille. L’itinéraire compte huit vols en tout, dont le premier de Montréal à Tokyo et celui du retour, de Bangkok à Montréal. Pour les 24 billets d’avion, la voyageuse a déboursé… 651 $. Pour accomplir ce miracle, elle a dû commander six cartes de crédit. Elle a également eu recours au mentorat d’une employée de Milesopedia, qui coûte 350 $. Elle n’a pas terminé la planification de son périple, elle doit maintenant faire la même chose pour l’hébergement.

Dans son message sur Facebook, elle conclut en ces mots : JE CAPOTE ! ! !

MOI AUSSI ! ! !

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