Pourquoi s’intéresser aux services aux pères en difficulté ?

Le 18 mai 2023, le ministre Lionel Carmant a annoncé un financement provincial historique de plus de 25 millions pour les cinq prochaines années. Au Saguenay-lac-saintjean, plus de 2,2 millions seront réservés à notre organisme régional, le Centre de ressources pour hommes Optimum, afin de développer des services d’hébergement et d’accompagnement pour les pères en difficulté. Mais pourquoi débloquer ces sommes pour aider les pères ? Pour mieux répondre à la question, quelques éléments de contextualisation s’imposent.

Lors d’un sondage provincial porté par le Regroupement de la valorisation de la paternité (RVP) auprès de 1000 pères québécois en 2017, on a voulu mieux comprendre la réalité des pères d’aujourd’hui. Quelles sont leurs habitudes ? La manière qu’ils ont de concilier famille et travail ? Et surtout savoir quels sont le niveau et la forme de leur engagement paternel. Depuis quelque temps, le milieu communautaire observait une implication croissante des pères québécois auprès de leurs enfants. Observation qui faisait échos aux propos de l’auteure féministe Liz Plank, qui affirmait en 2021, lors d’une entrevue régionale, que les pères québécois sont des champions de l’engagement parental en Occident. C’est une évolution majeure, un renversement des priorités traditionnelles dans lesquelles le père se voyait comme un pourvoyeur et surtout en faisant honneur à ses obligations liées à la valeur du travail. Les pères québécois d’aujourd’hui ne se considèrent plus comme de simples pourvoyeurs et s’engagent de plus en plus comme parents à part entière au sein de leurs familles.

Maintenant, en tant que société, est-ce que nous nous adressons directement au père en prévision de sa future parentalité, et non par personne interposée ? Quelle place prend le rôle du père dans les préparations prénatales ? Offrons-nous des outils qui interpellent les hommes et les préparent aux chocs majeurs qu’implique l’arrivée d’un enfant dans un couple ? Au niveau statistique, de nombreuses dynamiques de violence conjugale apparaissent avec l’arrivée d’un premier enfant. Il devient crucial de rejoindre systématiquement les nouvelles familles afin de prévenir, dépister et intervenir précocement auprès de celles-ci. D’un côté, on peut ainsi maximiser les chances que les deux parents soient adéquatement préparés à leur future réalité. D’un autre côté, on maximise les chances de réagir rapidement lorsqu’une famille présente des signaux d’alarme. Notre priorité, dans un service Maison Oxygène dédié aux pères, c’est agir auprès du père dans le meilleur intérêt de l’enfant.

On le sait bien, la demande d’aide pour les hommes n’est pas facile. Chercher de l’aide reste malheureusement stigmatisant pour les gars, qui sont davantage invités à se débrouiller par eux-mêmes. Cette difficulté est accrue dans un contexte de ressources saturées au niveau public et du faible volume de services communautaires disponibles ou adaptés pour eux. L’arrivée de la paternité est un moment important dans la vie d’un homme, en même temps qu’une opportunité pour eux de mettre en place des stratégies gagnantes pour résoudre des difficultés. Maintenant, ont-ils accès aux services nécessaires pour les aider à saisir cette opportunité ? Tout ceci nous ramène au pourquoi des sommes récemment annoncées.

Nombre de pères font leur première demande d’aide parce qu’ils sont conscients de leurs responsabilités vis-à-vis leurs enfants et qu’ils veulent être à la hauteur. S’ils peuvent avoir commis une erreur et ont besoin d’aide, ils ne le font pas tant pour eux que pour leurs enfants ! Certains comprennent qu’il est temps pour eux de développer un plan de retour à l’emploi, de surmonter une dépression ou une prise de conscience quant à des comportements violents. D’autres font face à une séparation et doivent réorganiser leur vie. Et puis, il y a les drames qui marquent une vie d’homme, comme un décès néonatal, par exemple. Dans un centre de ressources pour hommes, on rencontre des pères dans différentes réalités masculines.

Donc, pourquoi financer davantage les services pour les pères ? Premièrement, parce que peu de services adaptés, en particulier en termes d’hébergement, existent pour eux. Deuxièmement, parce que les financements communautaires réguliers évoluent selon des logiques prédominantes en termes d’égalité et de division entre les organismes existants. Conséquemment, étant le seul organisme 100 % dédié aux hommes dans notre région, sur plus de 200 organismes communautaires, on ne peut attendre de bonification suffisante des enveloppes financières régulières.

En ce sens, il nous faut des aides financières récurrentes issues d’un courage politique affirmant haut et fort qu’une société équitable qui vise une population en santé doit inclure les hommes. En agissant auprès des pères et leurs enfants, nous agissons sur les hommes d’aujourd’hui et de demain, et auprès des pères et conjoints d’aujourd’hui. Notre manière d’aider la santé et le bien-être de toute la population, c’est en agissant auprès des hommes et des pères.

Notre organisme, le Centre de ressources pour hommes Optimum, travaille en concertation avec la communauté pour mieux rejoindre les pères dans leurs diverses réalités masculines. Un père impliqué, soutenu dans sa paternité par sa communauté et informé des services qui sont disponibles, c’est autant de facteurs de protection pour les familles de la région.

Tu es ou tu connais un père vivant des difficultés au Saguenay-lacsaint-jean ? Appelle-nous : Centre de ressources pour hommes Optimum SLSJ 1 877 276-5802.

SÉBASTIEN OUELLET, directeur général Centre de ressources pour hommes Optimum SLSJ