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PETIT COCON DANS LE VENTRE DE LA TERRE

PHILIPPE CHABOT pchabot@lesoleil.com

Pas de facture d’hydro-québec à la fin du mois et de rares visites à l’épicerie: une petite famille québécoise a troqué la vie animée de la ville pour une vie paisible dans une géonef autosuffisante. Incursion dans un monde hors des sentiers battus.

Dans la municipalité de Saintmagloire, en plein coeur des vallées de la région de Bellechasse, vit la famille de Marie Eisemann, Francis Denault et leur petite fille, Emma. Ils ont quitté Québec depuis quelques années pour mener une vie différente. Ils habitent aujourd’hui dans ce qui est communément appelé une géonef.

« C’est parfois mieux connu sous son terme anglais earthship. C’est une habitation généralement autoconstruite avec des matériaux recyclés . Ce concept a été inventé par l’américain Michel Reynolds dans les années 70 », explique Mme Eisemann.

Leur maison est toutefois quelque peu différente de ce qui est fait habituellement. Au lieu d’avoir une fondation faite de pneus recyclés remplis de terre, leur géonef est pratiquement sous la terre. « Le toit est complètement enterré et plusieurs murs le sont également. On la compare souvent à un petit cocon qui est dans le ventre de la terre », mentionne Francis Denault.

Ils ont acheté cette demeure d’un homme qu’ils qualifient de visionnaire. L’ancien propriétaire a construit cette géonef de ses propres mains avec les pierres et les arbres qui vaguaient sur son terrain. La structure était toutefois en décrépitude lors de l’achat de la maison en 2008, le couple a donc fait de nombreuses rénovations dont l’agrandissement de la serre, également utilisée comme un espace de vie.

UNE MAISON VIVANTE

Marie Eisemman et Francis Denault aiment bien dire que leur maison est vivante. Elle fait partie intégrante de la nature. En effet, le fonctionnement de la géonef varie selon l’environnement.

Suivant la saison et la température du jour, la famille va utiliser des systèmes différents. Par exemple, l’eau est réchauffée par la chaleur de la serre l’été alors que le poêle à bois prend le relais l’hiver. Adossé à une belle cheminée en pierre, le poêle amish remplit d’ailleurs d’importantes fonctions comme le chauffage de la demeure et de l’eau ainsi que la cuisson des aliments.

Ils n’ont également pas besoin de thermostat, c’est la terre qui s’en charge. Comme la maison est en partie sous-terre, celle-ci garde sa fraîcheur lors des canicules et sa chaleur lors des grands froids. Le meilleur exemple pour illustrer ce phénomène : la chambre froide qui a fait office de réfrigérateur.

« Notre frigo a été notre caveau pendant plus d’une dizaine d’années. La température du sol permet de conserver nos aliments frais pour une bonne période de temps. On a toutefois récemment acheté un véritable réfrigérateur pour augmenter notre confort », fait savoir Francis Denault.

Afin d’alimenter les électroménagers et les autres appareils électroniques de la maisonnée, si peu soient-ils, le couple s’est doté de panneaux solaires.

« Notre installation n’a rien d’extraordinaire, affirme Francis Denault. On retrouve pratiquement la même chose sur les véhicules récréatifs. Cependant, notre but n’est pas de produire davantage, mais de moins consommer. Ça nous permet tout de même de nous passer d’hydro! »

« PARCE QU’ON AIME ÇA »

Lorsqu’ils ont quitté la capitale, Marie Eisemann et Francis Denault ont sauté dans le vide. Ils ont sauté dans une nouvelle vie à la campagne avec le désir d’autosuffisance. Mais pour y arriver, le plaisir doit être au rendez-vous sans quoi la charge de travail sera trop lourde.

Effectivement, il faut être assez habile de ses mains pour être propriétaire d’une géonef autosuffisante, ou du moins avoir beaucoup de volonté. « Il ne faut pas avoir peur de se mettre les mains dedans et de sortir de sa zone de confort. On apprend des autres et on trouve également nos propres façons de faire. Mais avant tout, il faut prendre plaisir à le faire », disent les propriétaires.

Le couple avance que l’autosuffisance n’est pas une obligation, mais un choix de vie. Leur objectif n’est pas d’être complètement autosuffisants quant à la nourriture. Il se laisse une porte ouverte pour certains plaisirs.

« On veut produire le plus possible, mais on ne veut pas virer fou avec ça. On ne va pas se sentir mal si on va à l’épicerie. Je ne peux pas produire des amandes, mais si j’ai le goût d’en manger, je ne vais pas me limiter », mentionne Marie Eisemann.

Malgré tout, il faut tout de même aimer jouer dans le potager. Les amoureux passent une grande partie de la journée à travailler dans le jardin ou sur le terrain. Il faut dire que le monde de l’horticulture n’est pas inconnu à Marie Eisemann et Francis Denault. Ils sont les fondateurs des Urbainculteurs – un OBNL qui promeut l’agriculture urbaine.

Leur alimentation varie au gré des saisons et des récoltes. « On mange des produits super frais directement du jardin à la table. On cueille les produits l’après-midi pour les manger le soir. On vit de ce que l’on plante », souligne Mme Eisemann. Avec les nombreuses variétés de fruits et de légumes qui y poussent, il n’y a aucun risque d’être laissé sur sa faim.

LA SIMPLICITÉ VOLONTAIRE

Ce mode de vie apporte également une certaine liberté financière loin des CELI et des REER. En vivant sur la simplicité volontaire et en utilisant aussi peu de services monnayables, nul besoin d’économiser pour la retraite. Toutefois, leur hiver n’est pas sans dépense puisque la famille prend la route vers les pays chauds.

Pour avoir une certaine source de revenus et pour faire découvrir leur domaine aux intéressés, Marie Eisemann et Francis Denault mettent leur géonef en location durant leurs absences.

Les invités qui souhaitent expérimenter ce mode de vie doivent écouter des capsules explicatives afin de comprendre le fonctionnement de la demeure. Les propriétaires s’assurent de rester disponibles pour prendre le temps de répondre aux questions des visiteurs.

TOIT&MOI

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2023-06-03T07:00:00.0000000Z

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