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MONTRÉAL AUTREMENT

JONATHAN CUSTEAU jonathan.custeau@latribune.qc.ca

Ils font quoi, les touristes, à Montréal ? Je me pose souvent la question, moi qui ne vois probablement que l’arbre qui cache la forêt, en ne m’y rendant que pour visiter des amis. On connaît sa grande roue, son vieux quartier hypertouristique, le Marché Jeantalon et le Musée des beaux-arts. Mais au-delà des valeurs sûres, on fait quoi ?

Mine de rien, Montréal change. Et en m’y pointant comme touriste un tantinet inculte, j’ai renouvelé mon carnet de bonnes adresses. Mon nouvel incontournable : la tournée des murales du centreville. Chaque fois que je visite la métropole, de nouveaux chefsd’oeuvre sont sur les murs de la ville. J’ignorais pourtant qu’on peut se payer les services d’un guide qui, en plus de nous raconter l’histoire des murales et de nous pointer les détails qui pourraient nous échapper, nous fait plonger dans l’univers des graffiteurs et muralistes.

Danny Pavlopoulos, de Spade & Palacio, décrit l’art mural comme personne ne l’avait fait auparavant.

Véritable expert, passionné, il couvre généralement une vingtaine d’oeuvres par visite et il refuse de verser dans les explications génériques. Je parie que même les Montréalais ne savent pas interpréter l’art de rue comme lui le fait.

Ce jour-là, nous sommes restés dans les environs du boulevard Saint-laurent, secteur privilégié pour les oeuvres du Festival Mural, qui se tient généralement en juin. Le circuit prend forme devant le coq géant peint par Jerry Rugg, un animal choisi pour accueillir les visiteurs dans le quartier portugais. Hélas, l’oiseau géant disparaîtra alors que s’érigera bientôt le Musée de l’holocauste sur le terrain voisin.

Danny Pavlopoulos pointe néanmoins les tags, au bas de l’oeuvre, trop bas pour en abîmer la valeur. « Il y a des règles pour l’art du tag. On ne touche pas aux voitures, aux écoles, aux édifices religieux ou aux entreprises qui sont encore en activité. Mais si un commerce est fermé, on peut y aller », explique-t-il.

À quelques enjambées du coq géant, une oeuvre de l’artiste ontarien Denial a été produite dans la foulée du mouvement Black Lives Matter, après le meurtre de George Floyd.

Alors que le néophyte en moi aurait sans doute décrit le tableau comme « une femme ayant du chagrin », Danny Pavlopoulos pointe avec justesse le drapeau canadien dans le visage de la femme, de même qu’un mot caché dans la lèvre du sujet, mot que chacun déchiffre comme il le souhaite.

Une des oeuvres les plus connues est sans doute celle de Graffiti Granny, dans laquelle le logo de la ville de Montréal est finement dissimulé sous forme de pendentif. La robe de la mémé est, elle, composée des signatures des membres du collectif ayant réalisé la murale. « On peut déduire qu’il y a eu du

drama entre eux, parce qu’il y a beaucoup de tags sur leurs noms », relève M. Pavlopoulos.

Dans la visite de deux heures, deux heures et demie, le guide parlera du caractère éphémère des oeuvres, du respect des graffiteurs pour Alex Scaner, un des leurs, décédé, dont les tags ne sont pas recouverts, et de la valeur des « heaven spots », ces endroits difficiles d’accès pour lesquels les artistes risqueront leur vie. Si vous vous demandez comment un graffiteur a pu atteindre le tablier d’un pont ou la cime d’un bâtiment : « heaven spot ».

FESTIVAL

Plusieurs des oeuvres aperçues dans le tour ont vu le jour dans le cadre du Festival Mural, qui se

tient cette année du 8 au 13 juin. L’art urbain et la musique hiphop s’y côtoient, permettant de voir des murales naître sous les yeux des spectateurs. « L’idée, c’est d’embellir des espaces et de créer des expériences », résume Pierrealain Benoit, directeur général du festival.

Plus d’une centaine d’oeuvres ont vu le jour dans le cadre du festival.

Pour la première fois cette année, les soirées musicales se transporteront dans le Mile End, au coin des rues Bernard et Gaspé, avec comme têtes d’affiche Ferg, Koffee, Dinos et Moonshine. Sur Saint-laurent, une scène gratuite permettra d’assister à une compétition d’art visuel ou au Drag Brunch.

Nouveauté : l’artiste Saype réalisera une peinture naturelle sur le gazon du mont Royal.

Quand on prend le temps de s’arrêter, on réalise que l’art urbain, autrefois marginal, a gagné ses lettres de noblesse et contribue désormais à attirer les touristes... ou à les garder une journée de plus. Après tout, on va bien à Philadelphie pour ses murales, ou on fait le détour par Erriadh, sur l’île de Djerba en Tunisie, strictement pour l’art de rue qui n’en finit plus.

MUSÉES

Si Montréal compte une cinquantaine de musées, j’étais peu, pour ne pas dire pas, familier avec ses galeries immersives faisant appel à la réalité virtuelle. J’ai testé le Centre PHI, situé sur la rue Saint-paul, dans le Vieux-montréal, et la Galerie Oasis, dans le Palais des congrès. J’ai préféré le premier et son expo

Chaos et mémoires, qui offre dans un premier temps des numérisations en 3D de paysages britanniques en changement, et dans un deuxième temps, en réalité virtuelle, des oeuvres taïwanaises parfois troublantes, voguant entre la torture, le rêve, la magie des dessins animés et un film que le cinéaste Tsai Ming-liang n’a jamais fait.

Pour les non-initiés comme moi, la réalité virtuelle ouvre tout un nouvel univers de possibles.

À la galerie Oasis, la plus grande du genre au Canada, on crée une expérience déambulatoire qui permet de marcher à travers l’exposition. Celle sur Van Gogh commence à être davantage connue. L’expérience Transformé, elle, est beaucoup moins joyeuse ou paisible. Je me suis un peu perdu dans l’abstrait de ses récits inspirés de faits vécus.

GASTRONOMIE

Par ailleurs, qu’on demande à n’importe qui, les marchés publics finiront toujours par revenir dans les suggestions de lieux à visiter. Il aura fallu un week-end à jouer les touristes pour que je m’aventure pour la première fois à vélo — vive le libre-service — le long du canal Lachine. Du centre-ville vers le Marché Atwater, la randonnée est courte et achalandée. À refaire lentement à différents moments de l’année.

Si on se plaît à vélo le long des canaux à Amsterdam, je ne vois pas pourquoi on n’atteindrait pas la même ivresse en bordure du canal Lachine. Surtout au printemps, quand les tulipes arrivent au Marché Atwater.

Enfin, j’ai découvert (un peu tard !) Le Central, ces halles gourmandes de la rue Saintecatherine, ou festival gourmand à l’année, comme il s’autodétermine, regroupant 25 kiosquesrestaurants. Le concept, parfait pour des repas entre amis, incite à goûter un peu de tout, des tacos aux pokés, en passant par la pizza et les bouchées indiennes aux 1000 saveurs. Mieux vaut opter pour des petites portions à partager. Quoi qu’il en soit, on en sort assurément rond comme un ballon.

Avec tout ça, on comprend pourquoi Montréal fait de l’oeil aux touristes étrangers en faisant la promotion de sa centaine de festivals, de sa gastronomie, de son architecture et de sa technologie. Ha, et il y a aussi le tourisme religieux, pour ceux qui n’auraient jamais visité l’oratoire Saint-joseph. En ce qui me concerne, il aurait fallu un miracle pour que je monte jusqu’à son parvis après avoir mangé autant...

Le journaliste était l’invité de Tourisme Montréal et de l’auberge Saintlo.

VOYAGES

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