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Filmer son arrogance

NORMAND BOIVIN nboivn@lequotidien.com NORMAND BOIVIN

La jeunesse est arrogante. Ce n’est pas une bêtise que je lance aux jeunes ; c’est un constat. Et je ne le leur reproche pas ; ça fait partie de leur ADN. Les jeunes arrivent dans le monde et doivent y prendre leur place en tassant tranquillement les vieux. Normalement, ça se passe bien. De nouveaux talents, de nouvelles idées qui s’ajoutent au savoir-faire de ceux qui les ont précédés pour bâtir le monde dans lequel ils arrivent et qu’on leur cédera bientôt. Parfois, c’est moins doux. L’arrogance va plus loin. Jusqu’au mépris.

On a tous été arrogants, parfois à outrance, envers le monde qui s’offre à nous au printemps de notre vie. Moi aussi, je l’ai été. Ça fait partie de l’apprentissage, car des fois, on se fait r’virer de bord cul par-dessus tête et on apprend le respect. Ça aussi fait partie de l’apprentissage ; le fossé des générations, les philosophes grecs en parlaient déjà.

La différence, aujourd’hui, avec l’internet et ses réseaux sociaux, c’est que leur arrogance, les jeunes nous l’envoient en pleine gueule ; sans nuance ni réflexion. Caméra du iphone à la main, leur bêtise se répand sur la Toile à la grandeur de la planète avant même qu’ils aient eu le temps de dessaouler et de réfléchir.

Ainsi fut le cas de nos célèbres « Ostrogoths » sans dessein du vol Sunwing, qui ont sévi pendant mes vacances.

Ils ont fait un doigt d’honneur au monde entier en montrant qu’ils n’ont rien à foutre des mesures sanitaires devant les protéger et protéger les autres, allant même, pour certains, à subir de faux tests de dépistage en se mettant de la vaseline dans le nez. « Sans dessein », c’est un terme poli.

Ce qui amplifie cette arrogance hors du commun, c’est le phénomène des influenceurs. Ces no-names autoproclamés, vedettes du jour au lendemain parce que leurs pitreries leur amènent des centaines d’abonnés – sans doute pas les pogos les plus dégelés de la boîte, comme dirait l’autre –, monnaient leur visibilité aux compagnies qui leur demandent de mousser leurs produits.

De tout temps, la publicité a fait appel aux gens connus pour attirer le public. Serge Savard se mettait du Brylcreem pour avoir les cheveux luisants, Vincent Damphousse les lavait au Head & Shoulders pour ne pas avoir de pellicules, Maurice Richard ne gardait qu’un peu de gris et aujourd’hui, Laurent Duvernay-tardif veut nous faire boire du lait. On ne les appelait pas « influenceurs », mais c’était le cas. Ils n’en faisaient pas une profession, mais profitaient d’une renommée méritée, au moins par leurs exploits.

Il y a aussi de vrais influenceurs qui ne vendent rien, mais qui font avancer la société. Des chercheurs, athlètes, artistes ou des gens qui nous ont marqués par leur dévouement. Chris Hadfield, Pierre Lavoie, Guy Rocher, Gérard Bouchard, docteur Serge Marquis et monseigneur Jean-guy Couture, qui vient de nous quitter, vont m’influencer... chacun dans leur champ de compétences. Je n’aurais pas demandé à docteur

Marquis de guider ma spiritualité, mais pas plus à Mgr Couture si je dois me faire vacciner.

Mais les influenceurs qui n’ont pour tout mérite que de se créer un monde artificiel sur les réseaux sociaux, merci, ce n’est pas pour moi. Ils peuvent continuer leurs singeries, pourvu qu’ils ne menacent pas la sécurité d’autrui, et ils ne me feront rien acheter.

En terminant, j’aimerais ajouter un petit mot sur la « future pilote » du groupe, celle qui a vapoté dans un avion pressurisé à 30 000 pieds d’altitude, ce qui est non seulement illégal, mais dangereux.

J’ai entendu des commentateurs dire qu’en raison de la pénurie de pilotes, les compagnies en mal de personnel devraient passer l’éponge.

J’espère que non. Je ne sais pas où elle en est dans sa formation ni vers quel secteur de l’aviation elle comptait se diriger, mais je compte bien ne jamais me trouver à bord si elle est aux commandes.

Ça fait 38 ans que je suis dans ce monde. Lorsque j’étais instructeur de vol, je réussissais à amener les plus malhabiles aux standards du test en vol et tous ont obtenu leur licence. Mais il y a une chose qu’on ne peut enseigner : c’est d’avoir du jugement. Et malheureusement, j’ai vu passer des individus qui étaient doués aux commandes, mais n’avaient pas grand-chose entre les deux oreilles et sans que je puisse ne rien y faire, ils ont fini dans le décor, causant parfois du mal à autrui.

Quand j’ai commencé à voler, il y avait un dicton : « Un super pilote se sert de son super jugement pour éviter de se mettre dans une situation l’obligeant à utiliser ses super compétences ».

Ça dit tout.

Il y a aussi de vrais influenceurs qui ne vendent rien, mais qui font avancer la société. Des chercheurs, athlètes, artistes ou des gens qui nous ont marqués par leur dévouement.

ET LUI

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2022-01-15T08:00:00.0000000Z

2022-01-15T08:00:00.0000000Z

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