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LA PLONGÉE DANS L’ENFANCE DE LUC DE LAROCHELLIÈRE

DANIEL CÔTÉ dcote@lequotidien.com

Que Laval dégage autant de personnalité qu’un bloc de tofu et que cette ville soit devenue le symbole du développement à tous crins, dessous de table à l’appui, relèvent du monde des adultes. Dieu merci, ces errements échappent à ceux qui y font l’apprentissage de la vie, ce dont témoigne avec une touchante éloquence le nouvel album de Luc De Larochellière, Rhapsodie lavalloise.

L’univers qu’il dépeint est celui de ses 10 ans, ce qui correspond au milieu des années 1970. Propriétaire d’un bungalow, sa famille fait l’expérience du rêve américain à une époque où la notion d’étalement urbain constitue une vue de l’esprit. On préfère parler de développement, d’où l’image employée dans l’une des chansons, celle d’un gamin élevé entre deux centres commerciaux.

« Laval est à l’exemple de ces villes qui ont grossi en peu de temps. Comme Chicoutimi. Comme ailleurs au Québec. Dans mon enfance, c’était un désert culturel et l’avantage pour nous, c’est qu’il y avait du vide à remplir. Puisque l’ennui occupait beaucoup d’espace, c’était propice à la création », a énoncé Luc De Larochellière au cours d’une entrevue téléphonique accordée au Progrès.

C’est ce qu’illustrent des pièces comme L’île aux fesses et Vélo siège banane. D’un côté, l’attrait exercé par un monde mystérieux, dont faisait partie le pont de chemin de fer qu’on empruntait à ses risques et périls. De l’autre, une version de la liberté où des gamins se prennent pour des chevaliers montant leur destrier. L’aventure au bout de la rue, avec des bruits de moteur produits à l’aide de morceaux de carton.

Les jeunes années de Luc De Larochellière semblent dépourvues d’aspérités, mais sur L’enfant dans la piscine, on constate que même par une belle journée d’été, alors que la maîtresse des lieux reçoit des amies autour de la piscine, un drame peut survenir. Sur une musique folk particulièrement séduisante, le chanteur relate ainsi la quasi-noyade d’un gamin que les adultes avaient perdu de vue.

« Je l’ai remarqué juste à temps, parce que je suis sorti sur le balcon et que j’avais une vue en plongée sur la piscine », se souvient-il.

L’enfant a survécu grâce à l’intervention rapide de quelques femmes, mais celui qui fut à l’origine de son sauvetage ne l’a jamais revu et ne connaît pas son nom. Au moins, il a pu en faire le sujet d’une chanson.

UNE DIMENSION IMPRÉVUE

La plongée dans le passé que constitue Rhapsodie lavalloise a commencé pendant la crise sanitaire. Privé de spectacles, comme la plupart de ses camarades, Luc De Larochellière s’est mis à l’écriture en pensant faire un mini-album. Ça correspondait à sa vision du marché du disque, dont le retour sur l’investissement soulève de plus en plus d’interrogations.

« Aujourd’hui, c’est dur d’attirer l’attention en présentant un album complet. Ça s’ajoute au fait que plein de gens découvrent mes nouvelles chansons quand ils me voient en spectacle, même quand un enregistrement est disponible depuis six ou sept mois », souligne-t-il.

Si fondées soient-elles, cependant, ses appréhensions ont été balayées par la nature du projet qu’est devenu Rhapsodie lavalloise.

« L’enfance dans une ville comme Laval, c’est un sujet que personne n’avait abordé. Or, en l’espace de deux ou trois semaines, j’ai écrit de 10 à 12 chansons qui se tenaient ensemble, un véritable filon. Il en a résulté un album concept autour duquel j’ai rassemblé des archives, des dessins et des collages, qui se retrouvent dans un livre qui fait 40 pages. J’avais du temps pour faire ça », note Luc De Larochellière.

Ajoutons que les musiques créées avec le réalisateur Marc Pérusse, un fidèle d’entre les fidèles, possèdent une cohérence qu’on retrouve dans les meilleures comédies musicales. Cette piste n’a pas encore été explorée, mais avec un thème aussi universel que l’enfance, il ne serait pas étonnant que des ambitions se dessinent.

En attendant, des spectacles présentés les 28 et 29 mars, à Montréal, offriront un avant-goût de la tournée qui démarrera à la fin de l’été 2022. L’album meublera la première partie, avec un emballage visuel qui reste à déterminer. Au retour de la pause, on revisitera le répertoire construit au cours des 30 dernières années.

Parallèlement aux soirées au Ministère, la salle qui l’accueillera au printemps, Luc De Larochellière complétera une tournée où il partage l’affiche avec sa conjointe Andrea Lindsay. Puis, il y aura un projet Brassens aux côtés de plusieurs collègues, dont Michel Rivard. C’est quand le rideau tombera sur cette production ambitieuse que le Laval de son enfance revivra sur scène, cette fois à l’échelle de la province.

«Puisque l’ennui occupait beaucoup d’espace, c’était propice à la création.» — Luc De Larochellière

ARTS

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2021-12-04T08:00:00.0000000Z

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